AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782915830040
111 pages
L'Echappée (10/12/2005)
4.17/5   6 notes
Résumé :

Wikipédia : " Le déserteur " est un manifeste anticolonialiste publié par Jean-Louis Hurst sous le pseudonyme de Maurienne .
L'ouvrage paru en 1960 aux éditions de Minuit a été aussitôt interdit et saisi .
L'auteur et l'éditeur ( Jérome Lindon ) , sont poursuivis et condamnés pour " provocation de militaires à la désobéissance " . En 1962 , les éditions de Minuit publient " Provocation à la désobéissance " qui raconte le procès fait à l'aute... >Voir plus
Que lire après Le DéserteurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il a fallu le challenge Riquiqui de cette année pour que je me décide à lire ce petit livre dont la lecture me faisait un peu peur : je craignais d'avoir affaire à un manifeste anticolonialiste un peu rébarbatif. Il s'agit d'un plaidoyer contre la guerre d'Algérie, appelé «roman» pour éviter des ennuis judiciaires, et publié sous pseudo.
En fait de roman, il s'agit d'un récit de vie sans éléments de fiction si ce n'est les changements de noms. le pseudo, choisi par l'éditeur, est une allusion évidente au pseudo Vercors et à la Résistance.
Ce n'est donc pas un roman, mais ça se lit comme un roman car c'est écrit comme un roman avec trois protagonistes principaux dont le narrateur, pas mal d'échanges épistolaires et beaucoup de dialogues. C'est extrêmement vivant, tout le contraire de ce que sont habituellement manifestes et plaidoyers. Nos trois jeunes ont des parcours antérieurs différents, mais à l'instant fatidique leurs décisions se rejoignent. Nous suivons tous leurs parcours, les réflexions qui les effleurent, leurs cheminements vers un choix décisif. Sans le vouloir, parce qu'il veut informer et toucher les gens les plus divers, Jean-Louis Hurst (c'est lui qui se cache sous le pseudo de Maurienne), enseignant et futur journaliste à Libération, nous dépeint un panorama complet de la situation vers 1958-59. On s'y croirait presque, on peut se mettre à leur place, je veux dire pas seulement à la place de ces trois-là, mais aussi à la place de ceux qui ont fait un autre choix ou même aucun choix.
Le pouvoir ne s'y est pas trompé, il interdit ce livre deux semaines après sa publication. Comment mon beau-père, pas du tout directement concerné par la guerre d'Algérie, a-t-il réussi à avoir en sa possession un exemplaire de la première édition, c'est un des mystères de sa bibliothèque ! En tout cas, il avait un excellent libraire !
Un très bon livre pour plonger dans l'histoire de ces années-là, pour palper une atmosphère.
Commenter  J’apprécie          260
Un livre édité pour la première fois en avril 1960, deux ans avant la fin de la guerre d'Algérie, puis saisi. Sous l'appellation «roman» et sous pseudonyme (choisi par l'éditeur). Il fut immédiatement interdit par les autorités françaises. L'éditeur, Jérôme Lindon fit face à la Justice qui voulut connaître le nom de l'auteur ainsi que celui des personnages décrits : Deux soldats déserteurs rencontrés en Suisse, Meier et Orhant, Mandouze, Vauthier, Allel El Mouhib, l'Abbé Robert Davezies. Condamnation pour «provocation à la désobéissance» ! L'auteur entre en clandestinité (il avait déserté durant l'automne 1958 et, grâce à Henri Curiel, avait participé, avec trois autres déserteurs, alors réfugiés en Suisse et oubliés de tous, à la création du mouvement d'insoumission «Jeune Résistance, JR»). L'ouvrage avait été largement diffusé par le mouvement étudiant français et parut ainsi dans plusieurs pays. Il fut même traduit en japonais.

L'histoire est simple et humaine : des jeunes , appelés à effectuer leur service militaire en Algérie pour combattre les «fellagas», refusent l'appel, non par lâcheté ou par égoïsme, mais seulement par engagement politique (après analyse des situations, discussions et réflexions, s'opposant aux prises de position des partis politiques de gauche de l'époque totalement ankylosés) en faveur des «damnés de la terre», contre la torture, contre l'exploitation coloniale… Au départ, ils n'étaient que quatre ou cinq. A l'automne 60, le procès du réseau Jeanson accéléra le processus. Par la suite, il y en eut des centaines et des centaines, déserteurs ou/et insoumis.
Commenter  J’apprécie          100
Roman sulfureux, militant, politique, irrévérencieux. Mais qui est ce MAURIENNE, l'auteur ? Un pseudo bien sûr, celui de l'alsacien Jean-Louis HURST, pseudo trouvé par le directeur des éditions de Minuit, Jérôme LINDON, lorsqu'elles vont publier le roman : « C'est simple, pendant la Résistance, nous avions Vercors. Alors, pour la suivante, j'ai choisi la vallée d'à côté ».

« le déserteur » est l'un ces romans prétextes à une tribune. L'appellation « roman » le dispense aussi d'avoir à se défendre en cas de plaintes. Mais sachez que dans ce récit, tous les personnages ont bel et bien existé, hormis un seul. C'est bien un récit de vie qui est proposé, mais planqué sous la couverture du fictionnel.

Le scénario de ce « Déserteur » est simple : des potes, jeunes, français métropolitains, discutent régulièrement sur l'attitude à adopter en pleine guerre d'Algérie (le livre est écrit en 1960 pendant les événements) : se battre pour la France ? Euh, mais l'Algérie est AUSSI la France… Alors disons se battre pour le gouvernement de Paris contre les indépendantistes ? Ce serait le défendre, cautionner les actes abominables de l'armée, les tortures. Se battre côté adverse, pour le F.L.N. ? Cela paraît plus alléchant, mais dangereux voire téméraire. Alors quoi ? Déserter ? Pourquoi pas après tout, cette solution semble envisageable, souhaitable même, c'est en tout cas la plus propre des convictions d'une partie des amis.

Certains avaient déjà choisi : devenir déserteurs insoumis avant même d'être appelés. D'autres ont eu cette réflexion trop tard et se sont retrouvés mobilisés avant même d'avoir tranché. En fond, le racisme, la pseudo-supériorité des blancs, l'avènement de de GAULLE en mai 1958, la peur du retour du fascisme (les soldats « français de souche » sont comparés à des S.S.) avec les souvenirs de la deuxième guerre mondiale, le radicalisme d'État, se noyant dans une volonté de tout contrôler, de tout censurer.

En parlant de censure, « le déserteur » est l'un de ces livres rapidement saisis par l'État français : paru le 7 avril 1960 aux éditions de Minuit, il est interdit dès le 20 avril pour « Incitations de militaires à la désobéissance » à l'encontre du directeur de Minuit Jérôme LINDON et de l'auteur du roman Jean-Louis HURST. C'est le troisième livre de chez Minuit saisi. Pourquoi n'est-il pas mentionné le terme « désertion » dans cette plainte ? Une désertion n'est considérée comme telle que lorsqu'elle s'effectue contre son pays, face à l'ennemi. Or, cette guerre est un conflit franco-français. Reconnaître la désertion serait reconnaître en quelque sorte l'indépendance de l'Algérie. Donc incitation à la désobéissance, voilà.

Le spectre du fascisme récent flotte et brouille les idées : « Je crois que si cette guerre était juste (quelque chose comme une guerre de défense en face d'une invasion fasciste, par exemple), j'aimerais la faire, j'aimerais cette aventure vraie et dure et totale qui m'obligerait à vivre intensément, à me dépasser ». La gauche se fait elle-même fort nébuleuse : « Je crois que tant que la gauche ne dira pas nettement que la classe ouvrière française et le peuple algérien doivent se soutenir mutuellement parce qu'ils ont les mêmes ennemis et le même intérêt à retrouver la paix, la guerre n'a pas beaucoup de chances de s'arrêter… ».

Et puis l'auteur se positionne : « Il faudrait se mettre dans la peau d'un Algérien. Rendez-vous compte que ces hommes ont vécu voués au mépris de tous depuis 1830 jusqu'à maintenant. Ils étaient, le plus souvent, considérés comme du bétail. Pourtant, on a su, pendant la guerre, les employer au même titre que les autres citoyens ! En 1945, on en a massacré 40 000 dans la peur d'une quelconque vague de revendications nationalistes. C'est cette année-là que la guerre d'Algérie a commencé, pas en 1954 ».

Dans le livre sont cités deux poèmes que l'auteur prétend être du répertoire de FERID, maquisard algérien. Il apprendra après l'indépendance de 1962 que ces vers viennent de la main de René VAUTIER lui-même, VAUTIER fortement impliqué dans l'indépendantisme algérien, notamment grâce à sa caméra avec laquelle il tournera de nombreux documentaires sur le sujet (il existe un assez impressionnant et redoutable coffret). le roman est étayé de correspondances écrites entre divers personnages de l'histoire, et leur motivation ou non à finir par penser à déserter, refusant cette sorte de leitmotiv « N'en tuez quand même pas trop ».

En préambule de ce petit roman, les diverses préfaces qui l'ont précédé. Car plusieurs éditions virent le jour : l'originale aux éditions de Minuit, une réédition en 1991 fit long feu aux éditions Manya, la présente édition étant celle proposée par L'échappée en 2005. Trois préfaces, deux de l'auteur qui, pour cet exercice, a trempé sa plume dans le curare et règle certains comptes jusqu'alors restés en suspens. Un roman chargé d'histoire que les éditions L'échappée ont eu l'excellente idée de rééditer et de « mettre à jour ». Il constitue une base supplémentaire de support pour rendre compte que tout le peuple n'a pas suivi aveuglément et comme un seul homme René COTY, Guy MOLLET ou Charles de GAULLE. Agréable à lire et plein d'infos, il fait partie de ces bouquins qui ont marqué le militantisme français.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
«Ce n'est pas une bonne façon de résoudre les problèmes que de faire semblant de les ignorer» (p 17
Commenter  J’apprécie          50
«On n'est pas toujours capable d'y voir clair quand on est tout seul» (p 54).
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : guerre d'algérieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (15) Voir plus



Quiz Voir plus

C'est la guerre !

Complétez le titre de cette pièce de Jean Giraudoux : La Guerre ... n'aura pas lieu

de Corée
de Troie
des sexes
des mondes

8 questions
1125 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , batailles , armeeCréer un quiz sur ce livre

{* *}