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4,06

sur 6470 notes
En hommage à Cormac McCarthy qui vient juste de nous quitter, j'aimerais écrire quelques mots à propos de son chef d'oeuvre : "La route".
Je ne serai pas trop long car étant donné le nombre de critiques déjà publiées, je pense que l'essentiel a été dit.
"La route" est l'exemple type de dystopie écrit avec beaucoup de talent et énormément d'efficacité.
Il vous faudra accompagner un père et son fils sur la route d'un monde désolé, détruit par je ne sais quel cataclysme.
Tout y est gris, sombre, glacé, sauf cette petite lueur que nous allons trouver dans la relation de ce père avec son fils : lumière d'amour, d'espoir. Tout réside dans ce que le père cherche à transmettre à son enfant, la force de la vie et la transmission de l'espoir quand tout, autour d'eux, est mort, violence, désolation.

Le texte est marqué par la puissance émotionnelle que l'on ressent à travers les sentiments de "l'homme' et de son "petit", la beauté de l'amour pour cet enfant à qui il va léguer des graines de savoir et de culture.

C'est dur, très dur mais c'est beau, c'est fort, très fort!
Ce livre est selon moi un MUST!
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L'homme et l'enfant marchent sur la route en poussant un caddy qui renferme tous leurs biens. Ils traversent un monde dévasté où pratiquement toute vie a été éradiquée, où il n'y a plus un oiseau dans le ciel, ni un animal sur terre, où tout a été brûlé. La terre est plongée dans un hiver sans fin et les rares survivants n'ont qu'un but : se nourrir, allant jusqu'au cannibalisme pour certains. le seul espoir pour ce père et son fils, marcher vers le sud…
Le roman de Cormac McCarthy est un véritable chef d'oeuvre, écrit comme un journal de bord, il impose la vision claire et sans concession de l'avenir que nous nous préparons.
La fiction de l'auteur ne nous laisse pas indifférent lorsque l'on voit qu'il n'y a qu'un pas à franchir pour notre monde avant de sombrer dans le sien.
Prix Pulitzer 2007.
Traduction de François Hirsch.
Editions de l'Olivier, Points, 252 pages.
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Dans un monde post apocalyptique dévasté par on ne sait quelle catastrophe un homme et son enfant. le monde réduit à la survie : manger, rester au chaud, boire, rester en vie. Satisfaire ces nécessités primaires peut-il suffire pour vivre ? Un être humain peut-il s'en contenter ? En dépouillant le monde de tout, d'absolument tout McCurthy questionne notre raison d'être. Dans ce monde mort il y a pourtant un peu plus que ce qu'il n'y parait, pour l'homme c'est l'enfant, allégorie d'un espoir « Il ne savait qu'une chose, que l'enfant était son garant. Il dit « s'il n'est pas la parole de Dieu, Dieu n'a jamais parlé » ».

L'autre moteur c'est la certitude d'être du bon côté, d'avoir une légitimité dans un monde où tout n'est que grisaille, souffrance, terreur et violence :

« On est encore les gentils ?
Oui. On est encore les gentils.
Et on le restera toujours.
Oui Toujours »

C'est autant la survie que l'espoir, aussi maigre soit-il, qui a jeté sur la route ces deux âmes meurtries. La mort serait un soulagement mais ce serait aussi un renoncement auquel l'homme pourrait se résoudre pour lui-même, mais pas pour son fils. La route c'est tout ce qu'il reste. Avancer dans l'espoir de trouver quelque chose de meilleur, de vivable. J'ai beaucoup pensé au mythe de Sisyphe qui inlassablement pousse son rocher ou à Prométhée dont la torture est sans fin.

Des pages de vie quotidienne dans un monde dévasté. La peur, le dépouillement, l'absence de vie, l'horreur de ce que « les méchants » font pour survivre. La noirceur dans ce qu'elle a de plus désespérée. L'impression de mourir un peu plus chaque jour et le désespoir de ne jamais mourir pour que cela cesse. Des êtres en sursis à l'image de la grisaille qui les entoure : pas encore mort, plus tout à fait vivants. Mais ce livre c'est aussi un questionnement sur la condition humaine et sur la transmission.

Alors oui la route est longue et douloureuse, d'une tristesse abyssale mais elle est portée par une écriture magistrale. Dépouillée, forte, directe, épurée jusqu'à l'os. de celles qui vous frappent au coeur. Elle est à l'image du propos. Symbiose totale entre le fond et la forme, l'un est au service de l'autre et vice-versa. On avance avec le coeur qui se serre un peu plus à chaque pas. Impuissant.

L'avantage de faire une lecture commune ce sont les avis divergents, donc enrichissants. La remarque qui m'a fait le plus réfléchir c'est celle de HordeduContrevent « c'est too much ». de cette remarque ont découlé des échanges très intéressants. Je ne peux pas tout dire sans dévoiler des moments clefs de l'histoire, mais pour moi c'est au contraire juste. Horrible et difficile à concevoir mais cohérent et inévitable. Pour certains lecteurs ces passages seront vécus comme « l'auteur en fait trop ». Je suis convaincue du contraire car nous avons idéalisé la nature de l'homme et sa grandeur d'âme. Ici McCurthy fait tomber le masque et pour certains lecteurs ce sera inconcevable, intolérable, pour d'autres douloureux. Certains sombreront même dans l'ennui. Tout dépend sous quel angle vous regarderez quand vous prendrez La route. Pour moi ce fut le chemin vers quelque chose à la fois d'inimaginable mais qui semble inéluctable: le vide absolu, le cheminement de l'humanité vers le chaos. Un regard froid, chirurgical et dénué de toute illusion sur la nature humaine. Dérangeant et bouleversant.
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Étudié lors de mes années de fac en littérature comparée : thématique de la poétique de la ruine. Relu depuis, pour le plaisir.

Un véritable chef d'oeuvre du post-apo : un style puissamment évocateur, des personnages anonymes mais forts, la narration maîtrisée d'une histoire qui prend aux tripes. Pour moi, un sans-faute qui mérite son Prix Pulitzer.


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Basculement brutal dans l'automne, ciel lourd et gris, vent soutenu plein ouest. Une petite promenade sur mes côtes bas-normandes désertées à présent de toute présence humaine, marée bien basse, estran découvert et lugubre… Il me revient alors brutalement les dernières pages de la Route… Et toute l'émotion - très intense - ressentie au cours de la lecture de ce livre dès sa sortie m'est revenue intacte.
Depuis, j'ai lu d'autres McCarthy, toujours aussi bons, aussi austères dans l'écriture, aussi intenses dans la description des relations humaines. J'ai compris que le thème de l'errance en solitaire était récurent dans son oeuvre. J'ai sans doute préféré d'autres ouvrages, aux récits plus profonds et complexes. Mais ce livre laissera une empreinte récurrente, indélébile, dans ma mémoire. A ne surtout pas amener sur son île déserte… Sauf si on veut que le séjour soit bref.
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Tant de fois repoussée cette lecture pas les avis opposés, j'ai eu l'opportunité d'avoir ce livre entre mes mains.
Oui il est spécial, oui, il ne ressemble en rien à un vrai roman et pourtant, il est. Certes dérangeant, oppressant, sombre, lugubre, angoissant mais il est un manne de réflexions sur l'humanité, son devenir, comment survivre dans un monde devenu poussière où il faut s'accommoder de rien. Marcher pour trouver la moindre conserve oubliée dans une maison vide de vie, trouver des astuces pour se contenter de mettre un pied devant l'autre et poursuivre sa route, sa vie jusqu'au bout de l'épuisement. Alors se pose la question, à quoi sert il de vivre ? Faut-il mettre fin à ce calvaire ?
Qui y t il au bout de cette route ? L'espoir, un souffle nouveau, une poignée de survivants prêts à tout même au pire, au plus sordide ?
Oui, ce livre dérange, et on préfère dire qu'il est nul plutôt que de dire, on n'a pas su comprendre ni ressentir, toute la puissance que dégage ce récit, ce père qui lutte pour mener son fils jusqu'au bout de ses forces vers un mince filet de vie, là haut au bord de l'océan peut être , le souffle d'un espoir sera. Tout parent lisant ce livre ne peut reste indifférent à ce récit. Cet homme nommé tel dans le livre et son fils nommé le petit, car pas besoin de nom, car tout le monde peut s'identifier à cet homme et à ce petit. Imaginez vous un seul instant dans ce chaos, devant porter votre enfant au-delà de la mort, fuir des hordes de cannibale, trouver de quoi survivre, donner l'espoir d'un autre monde à votre enfant.
Oui ce livre dérange, non ce livre n'est pas un roman comme les autres car, il n'est pas les autres justement.
Oui j'ai aimé ce livre pour son originalité, sa puissance, son émotion, sa profondeur de l'âme de l' humain.
Oui j'ai déjà lu des livres sur ce sujet, mais celui-ci restera ma référence car il est le livre qui a su dans cette noirceur garder la faible lueur d 'une humanité qui s'affaiblit de jour en jour, et comme un grand athlète,l'auteur a su porter jusqu'au bout tout comme l'homme, la flamme du courage et de l'espoir. Tout comme l'adage : tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir.
Maintenant je peux comprendre pourquoi il y a eu tant de discordes sur ce livre : les pour et les contre. Mais c'est la dualité éternelle, et c'est qui fait le piquant de la vie et notre monde.
Et comme toute lecture, il ne faut pas toujours se fier aux critiques ici et là mais lire et se faire sa propre opinion. Avant de dire c'est nul ou c'est bon, il faut déjà le lire avant et savoir pénétrer l'univers de l'auteur.
Ce livre restera pour son genre évidemment, une référence et restera ancré dans ma mémoire de lectrice. je dis chapeau l'artiste !
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Je me contenterais de rependre la critique de Bilodoh qui correspond tout à fait à mon ressenti. Ce livre est de loin un de mes préférés de ces dix dernières années.

"Dans un univers dévasté, un homme et son fils marchent sur la route et j'ai marché avec eux.

J'ai vu le monde gris, sans oiseaux, ni verdure, avec un soleil voilé par le nuage de cendres, avec des ruines, des cadavres et des barbares cannibales.

J'ai ressenti la peur, la faim, le désespoir et aussi l'amour de ce père qui garde deux balles dans son revolver pour pouvoir mourir avec son fils.

J'ai pris "La route", un roman post-apocalyptique aux émotions intenses."
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Encore combien de jours avant la mort ? Peut-être dix ?
L'apocalypse est arrivée. Est-ce la colère de Dieu ? La folie de l'homme ? le père et son fils sont des survivants et font ( aux USA ? ) un « road trip » vers le sud, derrière un caddie de provisions et couvertures, afin d'échapper au froid de l'hiver qui approche, et à la mort. Arriveront-ils au bout de leur voyage ?
.
Tout est cendre, gris, poussiéreux, froid, dévasté, mort. Il pleut. Quelle grosse catastrophe a détruit le bonheur des hommes ?
Sur la route, ils sont seuls, mais parfois, ils rencontrent des méchants ; heureusement, ils ont un révolver.
Est-ce qu'on va mourir ?
Un jour. Pas maintenant.
.
En empathie avec eux, on se dit que l'Homme n'a pas encore fait cette grosse folie, et que Dieu n'a pas encore puni l'humain depuis Noé.
En lisant, on prend conscience qu'on est bien, au chaud, dans notre confort douillet. On n'a pas à nous plaindre de nos petits bobos.
.
Mais l'auteur nous prévient.
Dans les situations extrêmes, l'hypocrisie n'existe plus, toute la complexité du cerveau n'existe plus, l'homme revient à son cerveau reptilien, c'est le vrai struggle for life, on revient aux vraies valeurs de la dichotomie humaine, du manichéisme de Ken Follett, voler et tuer pour survivre ou faire le bien en se privant un peu, et il y a beaucoup de méchants, sur la route.
Là, nous avons l'exemple de deux gentils, le père et son fils. le père sait qu'il va mourir, et il aimerait confier son fils à des gentils. Y arrivera-t-il ?
A quoi reconnait-on les gentils ?
A ce qu'ils sont attentionnés l'un pour l'autre,
et reconnaissent leurs erreurs rapidement.
L'Homme a bien éduqué son fils. Combien sont-ils ?
Ils cherchent à atteindre la mer ;
Mais au fond, ce qu'ils veulent rencontrer, c'est une communauté de gentils,
car sur la route,
ils n'ont rencontré que des méchants.
Les gentils sont rares ;
.
«Sur ma route,
Est-ce que tu sais que quand tu touches le fond
Il y a peu de gens chez qui tu peux te réfugier ? » ( Black M )
.
Well, I'm so tired of crying
But I'm out on the road again
I'm on the road again
Well, I'm so tired of crying
But I'm out on the road again
I'm on the road again ( Canned Heat ).
.
Moi aussi, je fus sur la route ;
Heureusement, ce n'était pas l'apocalypse.
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Un pessimisme et un désespoir omniprésent au sein d'une terre devenue un véritable enfer. Un récit puissant, extrêmement fort en émotion. Pas de prénoms pour ces personnages dont l'identité n'a plus d'importance. La relation père-fils m'a rempli de tristesse. Les dialogues, bien que particuliers, sont incisifs. le style d'écriture est très spécial et peut en rebuter certains. Perso, j'ai adoré.
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REQUIEM POUR UNE HUMANITÉ.

Difficile de résumer un roman d'une telle violence, d'une telle envergure, d'un tel sentiment d'interminable désespérance écrit, pourtant, avec une telle apparente économie de moyens :

Un père et son fils, qui déambulent vers un Sud hypothétique dans une Amérique presque intégralement détruite par une Apocalypse dont nous ne sauront rien des origines : guerre thermo-nucléaire ? chute d'astéroïde(s) ? Accident industriel massif et en cascade ? Aucun élément ne nous sera donné par le narrateur ni par les deux principaux personnages du roman, et cela rend le texte encore plus sombre, encore plus "insécure", ne donnant aucun appui rassurant au lecteur quant à ses éventuelles certitudes, ne lui offrant jamais le temps rassérénant de la réflexion.

L'atmosphère est étouffante, au propre - l'air est surchargé de particules de carbone, résultat d'un incendie généralisé - comme au figuré : car si nos deux anti-héros survivent vaille que vaille dans ce monde dévasté, c'est surtout la peur qui les mène et qui leur permet de ne pas tomber dans tous les pièges tendus par les résidus d'humanité qui peuplent encore, de loin en loin, cette terre décharnée et stérile. C'est donc dans ce monde parfaitement inhospitalier que ces deux êtres décharnés, en quête de la moindre petite trace de nourriture, d'une eau à peu près potable, fuient un passé atroce pour un avenir rien moins que certain. Mais le père l'a promis à son garçon, son "petit" ainsi qu'il le nommera tout au long de ce douloureux récit, ils doivent porter le Feu au sud - l'espoir ? l'humanité ? une certaine spiritualité ? Tout ces définitions sont envisageables, et d'autres encore - et puis aussi, faire découvrir à l'enfant la mer. Bleue. du moins l'espère-t-il...

Cette histoire d'une beauté monstrueuse, où éclatent certains moments d'une intense - mais souvent disparue et vaine - poésie, tout aussi bien que des instants horrifiques durant lesquels l'abomination le partage à la frayeur la plus intense, dépasse la simple histoire post-apocalyptique. Ainsi, Cormarc Mac Carthy s'intéresse-t-il finalement autant, sinon plus, à ce qui fonde l'humain, dans ce qu'il a de plus émouvant comme dans ce qu'il peut exprimer de plus vil, de plus pervers (les scènes de massacres de masse, de sacrifices rituels déments, d'anthropophagie de subsistance ou pseudo-religieux n'y sont que suggérées mais elles sont assez éprouvantes pour marquer le lecteur durablement) qu'à la compréhension d'un monde en fin de cycle. Bien entendu, l'intégralité du roman (à l'exception de quelques "souvenir d'avant" auxquels pense, ici et là, l'adulte de l'histoire, son enfant n'en ayant gardé aucune image) se déroule dans une atmosphère de fin du monde, et il ne pourrait en être autrement. Mais celle-ci est au service d'une démonstration, d'analyses, de questionnements sur l'homme, sur son rapport à l'autre, à Dieu, à la Vie, dans des situations extrêmes devenues la norme.

Il est à ce propos étrange et terrifiant de constater comme certains passages, certaines émotions, certaines confrontations et comportements des deux principaux protagonistes rappellent ce que l'on a pu lire dans des ouvrages saisissant comme ce faramineux Nuit d'Edgar Hilsenrath ou encore le célèbre et cauchemardesque Si c'est un homme de Primo Levi. C'est que, toute proportion gardée, nombre d'éléments vécus et ressentis par cet homme et son fils ressemble étrangement à ce que ces deux auteurs ayant connu et subit l'enfer de la Shoah ont décrit : cette faim permanente et irrémissible, qui vous tenaille et qui peut rendre fou au point de tuer et de dévorer son semblable... C'est aussi la peur viscérale de l'autre (parce que l'autre devient potentiellement celui qui mettra fin à vos jours, par l'un ou l'autre moyen, souvent même pas directement) : plus question d'existentialisme ici : on n'existe pas parce que l'altérité vous permet de donner matière à votre propre existence. Non ! L'autre n'est plus que l'ombre sordide de vous même, son ennemi, son impossibilité à être, son absence de lendemain.
C'est encore la nullité de tout d'espoir - encore qu'ici, le père tente de s'accrocher à celui d'un Sud meilleur. Mais ce n'est pas pour lui qu'il s'y tient, c'est pour son fils -. le suicide comme solution devenant presque évidente, en tout cas pour nombre d'entre les survivants (Le père y songera souvent... D'autant que c'est le chemin que son épouse avait fini par prendre). Bien que se déplaçant sans fin sur des kilomètres ininterrompus de terres inhospitalières, nos deux protagonistes semblent ne jamais pouvoir se sortir de ce paysage devenu presque uniforme, inculte, froid - tout le roman se déroule durant un long et dur hiver mais nul moyen, le temps "chronologique" s'était peu à peu perdu dans le fil de la mémoire de l'adulte et il est impossible de savoir si le temps lui même s'est figé, sous ce soleil pâle obscurcit par les cendres, où si un vague été apportera bientôt son petit lot de douceur -, comme s'ils tournaient en rond, indéfiniment, dans l'enclos moisi et sordide de cette terre en déshérence.

La Route est un roman bref - il ne faut guère de temps pour le dévorer - mais tellement effarant, tellement prodigieux qu'on ne peut en ressortir indemne. C'est une claque, oui, et si le film qui s'en inspire est parfaitement digne d'éloge (Viggo Mortensen dans le rôle du père et Kodi Smit-McPhee dans celui du fils y sont absolument impeccables), sachant tirer du cinéma ce que le livre ne peut montrer, ce roman d'un dépouillement incroyable, d'une maîtrise stylistique et architecturale imparables parvient à imposer un ton, une telle impression de dangereux silence aussi qu'on ne peut en sortir indemne. D'ailleurs, à propos de ce silence omniprésent, il est faible de dire que les deux parents sont particulièrement mutiques puisque les trois quart du temps, ils se taisent. Leurs dialogues ne tiennent d'ailleurs qu'à quelques mots difficilement arrachés, comme si toute conversation était elle-même devenue impossible et de l'ordre de l'impensable. Quant à tous ces bruits qui font notre quotidien - bruits de machines, chants d'oiseaux, cris d'animaux, discussions, etc - ils ont tous disparus avec la fin de tous ces êtres et de toutes ces choses, le bruit de la pluie sur la bâche servant de protection aux deux vagabonds étant l'ultime, accablante et triste compagne. Aussi, tout surgissement d'un son inhabituel devient-il aussitôt source d'angoisse, non de sérénité.

Une claque, oui, que ce texte halluciné bien que d'une sobriété terrible - ce qui répond d'ailleurs bien plus aux codes de la fable, et même de la parabole évangéliste (les réflexions sur Dieu sont ici légion et il ne faut pas oublier que Cormac Mc Carthy fut élève dans un collège catholique) que du récit de genre tel qu'on peut en trouver un exemple récent, et d'excellente facture, dans le "Silo" de Hugh Howey -, roman d'une humanité moribonde dans un monde au bord de l'extinction, roman terrible mais pas absolument sans espoir car si ce père qui, dans une large mesure, représente ce que nous sommes et ce que nous pourrions devenir dans l'optique d'une fin du monde, son fils pourrait bien être ce feu, cette régénérescence qui couve et qui, peut-être ne saurait advenir qu'après la fin de tout ce qui fait notre actuelle civilisation. La reconstruction après la destruction. La mort nécessaire à toute renaissance. L'idée force d'une possible rédemption offerte aux seuls justes...?

PS : Une autre analyse, parfaitement pertinente nous semble-t-il, pourrait être de considérer que Cormac Mc Carthy évoque, avec toute la violence et le désespoir décrits ci-dessus, l'Amérique contemporaine et son lot de laissés pour compte, de plus en plus nombreux, de plus en plus à l'abandon. Ces "pouilleux" vivant d'expédiants, déracinés, le plus souvent déculturés, désocialisés, affamés, traînant leurs caddies sur la route comme on traîne sa misère d'existentielle. Certains moments dans les réflexions du père nous incitent à penser que ce n'est en rien une idée farfelue. Elle est seulement illustrée aussi violemment que peut l'être cette Amérique, autant entre gens d'en-haut pour s'assurer un petit coin de ciel bleu que pour les misérables des tréfonds, contempteurs oubliés de la grisaille de cette société d'opulence.
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