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EAN : 9782756401317
213 pages
Pygmalion-Gérard Watelet (30/11/-1)
4/5   3 notes
Résumé :

À travers le récit de son adolescence plongée dans la tourmente des dernières années de l'Algérie française, Jean-Pax Méfret raconte les moments dramatiques de la tragédie vécue par les pieds-noirs. Des mois de désespérance ponctués par les violences meurtrières d'une guerre opposant barbouzes, garde-mobiles et police aux commandos de l'Organisation Armée Secrète. Il revient s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Jean-Pax MEFRET nous offre avec cet ouvrage un remarquable témoignage sur cette déchirure que fut la perte de l'Algérie pour les pieds-noirs. le récit de son adolescence et les stigmates de blessures qui jamais ne se refermeront réellement parvient, grâce à un style particulièrement vivant, à bouleverser le lecteur face à autant d'injustices et de lâchetés d'Etat. Surtout quand, comme moi, on a vécu cette triste période de l'histoire de France. Cet abandon.

L'auteur nous montre avec brio comment des jeunes et moins jeunes se sont engagés pour tenter de faire face à la démission politicienne de l'Etat français, pour défendre leur histoire et la mémoire des sacrifices consentis par leurs parents, pionniers de l'Algérie française. Pour combattre pour cette terre mise en valeur au prix d'immenses efforts. Combat rapidement désespéré, lourd de conséquences parfaitement assumées malgré leur prix.

Plus jeune que l'auteur, je n'ai hélas pas pu m'engager comme lui dans la défense de ma terre, mais en métropole j'ai partagé le pain de la même misère face au mépris des "patos". Ce qui m'octroie une sensibilité particulière par rapport à ce livre.

Un sujet, un récit, qui agissent sur moi comme de l'harissa sur une blessure. mais qui conduisent mon coeur à déborder de reconnaissance pour tous ceux qui ont eu le courage de refuser l'inacceptable, fut-ce au prix de leur vie. Ce livre est une référence car il correspond à une expérience vécue narrée par un journaliste de grand talent.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
À mes fils,
à ma fille.

Le gendarme qui me regarde a la bouche pleine. Il mâche méthodiquement un quartier d'orange dont le jus dégouline le long de sa vareuse. Il tient de sa main droite une mitraillette MAT 49 au canon pointé sur moi. L'homme est en treillis vert olive. C'est une masse. Un grand roux au visage laiteux et aux yeux verts atones. Trois grenades défensives se balancent à ses bretelles. Il porte l'écusson de la gendarmerie mobile. Les «rouges», comme on les appelle en référence au liséré qui les distingue de leurs collègues, les «blancs», plutôt respectés par la population.
J'ai faim, moi aussi. Comme le gendarme. Mais lui, il mange.
J'ai froid.
J'ai sommeil.
On nous a réveillés avant l'aube, dans l'obscurité complice de la nuit tiède. On nous a sortis des étroites cages à chiens qui nous servaient de cellules à l'école de police d'Hussein Dey, forteresse de la Mission C - pour choc - des brigades chargées de la lutte contre les partisans de l'Algérie française. Les faisceaux de lumière crue des torches électriques balayaient nos visages fatigués par quinze jours d'une longue garde à vue ponctuée d'interrogatoires et de brimades. Les militaires étaient nerveux, inquiets, aux aguets. Notre calme leur laissait supposer que quelque chose allait arriver, qu'un commando tapi dans l'ombre était sur le point de nous faire évader. Les policiers, soulagés de leur passer le relais, avaient disparu. Sans un mot, ni un regard.
Alors, les grognements des moteurs Diesel ont bousculé le silence. On nous a hissés, enchaînés, dans un des cinq camions stationnés dans la cour. On nous a fait asseoir l'un derrière l'autre, jambes croisées sur le plancher, pendant que nos gardiens armés prenaient place sur les banquettes en lattes de bois. La bâche du GMC est retombée, nous plongeant tous dans la pénombre, et la colonne s'est mise en mouvement sur la route déserte ouverte par les engins blindés de la gendarmerie mobile.
Garde mobile ! Pour les pieds-noirs, le mot est devenu synonyme de répression sauvage. Dans la chaîne de notre calvaire, ils sont juste après les CRS et avant les barbouzes, ces groupes d'hommes engagés par le pouvoir pour accomplir les missions sales que les policiers - à quelques exceptions - ne veulent plus faire. Les CRS, c'est la matraque et la grenade lacrymogène. Les gardes mobiles : le coup de crosse de mousqueton, le canon à eau colorée et la grenade offensive. Et, pour certains, la torture, une spécialité qu'ils partagent avec les barbouzes qui pratiquent impunément l'enlèvement, le supplice et le meurtre.
Pas un jour ne se passe à Alger sans qu'un affrontement se produise entre gardes mobiles et population. Ils repré­sentent la milice du pouvoir. Une force injuste, mécanique. La déchirure remonte au 24 janvier 1960, au début de la semaine des Barricades, la première insurrection armée d'une partie de la population algéroise. Le sang a coulé. Dans les deux camps. Six morts, vingt blessés chez les manifestants ; quatorze morts dont deux officiers, et cent vingt-trois blessés dont six officiers, chez les gendarmes. Lourd et triste bilan imputé au zèle excessif du lieutenant-colonel de gendarmerie mobile Debrosse. Soutenu par des hélicoptères déversant des grenades lacrymogènes puis offensives, il avait, sans les sommations d'usage, envoyé ses hommes, mousqueton à la hanche, disloquer par la force armée un cortège qui était sur le point de s'éparpiller. Au procès des Barricades, Debrosse s'était justifié : «J'ai exécuté les ordres.» D'autres officiers avaient reçu les mêmes, ce jour-là. Mais ils les avaient gardés dans leurs poches.
Deux ans plus tard, le sang n'a pas séché. Jusque-là, les escadrons de gendarmerie mobile participaient à des opérations dans le djebel, contre les katibas de l'Armée de Libération Nationale. Mais au fil des mois, l'ennemi a changé. Ce n'est plus l'indépendantiste algérien, c'est le Français. L'Européen d'Algérie, comme l'écrit la presse. C'est d'abord l'OAS dirigée par Raoul Salan, soixante-deux ans, général cinq étoiles, ancien commandant en chef des forces armées en Algérie. L'Organisation Armée Secrète qui mène un combat extrême sur des objectifs ciblés pour bloquer ce processus, éliminer ses adversaires et affronter les hommes du FLN qui ont réapparu et repris, en toute impunité cette fois, leurs actions dans les villes.
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