C'est
Jean-Baptiste Harang qui avait attiré mon attention sur ce livre,
Vies Minuscules de
Pierre Michon. Ce livre qui ne fut salué par aucun prix littéraire, est devenu mythique depuis, et il fait école,
Joseph de
Marie-Hélène Lafon ou le premier roman de
Marien Defalvard semblent bien imprégnés du style ou d'une certaine alchimie propre à
Pierre Michon, où des presque riens prennent corps au contact de la nature et de la pesanteur des souvenirs.
J'ai retrouvé les chroniques de
Jean-Baptiste Harang dans son ouvrage l'Art est Difficile, que tout chroniqueur devrait lire pour le plaisir, trente rencontres d'écrivains majeurs et parmi eux,
Pierre Michon.
Les vies sont-elles minuscules, quand le plus humble devient par la magie des mots un grand texte, quand une grâce passe entre les lignes, et fait miroiter une posture, un visage, qui vous imbibe de son âme, alors ce texte comme une relique, vous l'observez puis avec vos tripes vous le comprenez comme celui d'un visage connu, aimé, c'est la vie de la Petite Morte, le dernier chapitre consacré à sa soeur disparue avant ses deux ans, sa vie qui vous assaille et vous fait trembler. Pour un texte comme celui là je donnerai "de l'or et du miel".
Ces récits auront mijotés 37 ans, son parcours, son bateau ivre aura bourlingué sur des eaux troubles et des rencontres qui un jour vont le ramener aux Cards sans avoir retrouvé le père parti quand il avait 2 ans, cette errance comme une pause, un blanc avant le déclic qui va le déchirer et le ramener à l'écriture.
Les premiers chapitres se nourrissent de son enfance et de sa parentelle, de ses destins de peu, qui sous sa plume, vous hachent le coeur, de ces vies brisées, des espoirs qui se fracassent "ce lopin de terre qui le tenait debout, lui né dans ce combat mortel".
Cette longue fugue, est réveillée par les yeux du père Foucault, vieillard attaché à son mal, et refusant les soins de la médecine, ultime bras d'honneur, de celui qui veut avec opiniâtreté rester à observer le monde.
Pierre Michon admire ce rebelle, lui qui est encore imprégné de ces "sueurs échangées" où "des grisettes prenaient des poses d'Ottomane", car " moi je n'écrivais guerre je n'osais davantage mourir ; je vivais dans la lettre imparfaite, la perfection de la mort me terrifiait".
Dans la « vie de George Bondy » et la « vie de Claudette », poudres et pages blanches, alcools multicolores, festins d'amphétamines, femmes aimantes et lascives, dérivent sur son bateau devenu fou.
Pierre Michon se fige dans la posture de l'écrivain qui n'écrit pas " mais je rêvais que j'écrivais ". de cette époque chancelante
Pierre Michon va garder le plaisir de boire, dit-il gentiment "je bois parce que mes contemporains m'ennuie, je préfère les livres quand j'ai bu ils valent les livres et je préférerai toujours un livre ennuyeux un contemporain brillant".
Livre brillantissime, porté par la grâce, par sa rage d'écrire, "changeant mon corps en mots comme l'ivresse".
Écriture charnelle frottée de terre, de pluies et de rencontres, l'enfant est là dans sa naïveté et ses égarements, écrire est vital et seuls les mots pourront le sauver.
Il faut lire ce livre incontournable récit qui vous donnera les clés pour ces quelques autres pépites qu'il nous a donné à lire.