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EAN : 9782070414291
378 pages
Gallimard (31/10/2001)
3.81/5   18 notes
Résumé :
Il est professeur dans une banlieue difficile de Paris. Mais ses racines plongent dans le Limousin, au coeur de la province française. Dans ses classes, les élèves sont durs, violents. Peut-être d'autant plus qu'il est, lui, resté un enfant, l'enfant soumis d'un père tyrannique, l'enfant abandonné d'une mère trop tôt enfuie et qu'il recherche dans chaque femme. Lauve, Lauve le pur, est à jamais du côté de ceux qui ont tout perdu, qui ont toujours tort, ni là ni aill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La gloire des insoumis

Roman sépulcral et désespéré, “Lauve le pur” est une véritable plongée dans le ventre noir et gargouillant de la Capitale – et tout autant dans les entrailles malmenées de Lauve, cet homme perdu qui marche dans Paris sans compagnons, couvert de ses propres excréments : de cela qu'il n'a pu retenir et qui, dans le métro où cet improbable hommage fut rendu à ses semblables, le désigne à être un paria de plus, exilé dans le fruit puant de ses intestins ; faible îlot de chair dérivant au coeur de cette nuit parisienne dont les néons criards rappellent à s'y méprendre le fard dégoulinant des vieilles putes sans âge.

Dans les villes, la nuit n'existe plus, elle a été mise à l'index par tous les inquisiteurs de “l'immédiat”, de “l'actuel” : fantômes d'individus qui défendent à cor et à cri le faux, le creux, le toc, les lumières artificielles. Dans ce désert des âmes, Lauve ira seul au plus loin de ses propres ténèbres, éclairé par quelques réverbères qui promènent sur le bitume leur pâle halo de cendres.

Richard Millet nous parle des humbles avec ce qu'il y faut de douceur et de franche rudesse, se faisant le loyal scribe de tous ces êtres que la vie moderne a mutilés par le langage mort qui règne à présent sur toutes choses, dans le vide croissant qui se repaît de chacun ainsi qu'une araignée de mouches ; au coeur enfin de cette prodigieuse bassesse qui proclame tranquillement la haine de toute grandeur.

Cette société n'oblige pas seulement les anciens paysans à “vendre les prés” ainsi que le chante Jean-Louis Murat, mais elle incite tout autant à vendre son âme au veau d'or du médiocre et de la saleté (celle-là même que l'on cache honteusement derrière les cache-misères que sont les réclames publicitaires).

Lauve le pur, ce nom à la fois lisse et rugueux m'évoque une lave endormie au sein de puys auvergnats. L'Auvergne et le Limousin ont d'ailleurs longtemps charrié dans la grisaille de Paris des tombereaux d'hommes besogneux, hâves et fatigués, brisés par le travail des champs, exilés dans cette métropole inconnue qui les repousse sans cesse ainsi que le ferait une vieille fille qui tient à conserver sa virginité pour les vers. Comme seule et maigre consolation, les lèvres usées de ces exclus s'écorchent tant et plus sur des goulots brisés de bouteilles d'alcool.

Héritier de l'exode rural, Lauve suivra l'errance de ses ancêtres. Son sacerdoce consistera à faire résonner dans des salles de classes toujours plus bruyantes le verbe des grands écrivains français afin d'attiser le feu vivant de leurs oeuvres et témoigner de cela qui agrandit l'âme. Mais face à ses élèves, Lauve est contraint à professer dans un vide abyssal.

Lauve le pur a grandi dans les vents qui fouettent les genêts et les tourbières du plateau de Millevaches. En cela, il demeure un enfant de la terre acide, des sources ancestrales, de la solitude boisée des origines.
Tel un paysan déchu aux doigts tachés d'encre, Lauve ne laboure pas la terre mais il tient ouverts entre ses paumes des oiseaux de papiers ; et son regard n'a de cesse de creuser plus profond dans le limon noir des mots à la recherche d'une pureté perdue. Comme si les livres étaient de grands draps encore humides que des lavandières viennent tout juste de laver à grande eau.

Dans son exil parmi les fumées de théâtre de la Ville Lumière, Lauve tombera dans le caniveau qui attend toutes les âmes fragiles. Mais avant de chuter et d'être englouti dans le gargouillis des eaux sales, il aura su tutoyer les étoiles, il aura lavé son nom dans la gloire des insoumis.

Thibault Marconnet
05/08/2014
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Ce n'est pas Mister Love, comme le nomment ses élèves. le o de Thomas Lauve se prononce comme un o fermé. Dans le premier chapitre, il arpente les rues de Paris, le pantalon plein de ses propres excréments, il s'est fait dessus. Il sent mauvais, on le regarde de travers. Cette diarrhée est le trop-plein de tout ce qu'il renferme depuis l'enfance, quand son père le forçait à aller aux toilettes comme un homme, qu'il le perdait au fond des bois de la Corrèze et que sa mère, un jour, est partie de la maison sans jamais revenir.

Sorti du milieu paysan, Thomas est devenu professeur de français ; il enseigne à des collégiens de la banlieue parisienne au nom très symbolique de Helles, parangon de ces lieux sinistres.
Revenu à Siom, nom lui aussi imaginaire qu'il donne à Viam où il est né, Sion comme la Terre promise, la Ville Sainte, il raconte aux paysannes cette errance nocturne et humiliante, sa vie minable de professeur, ses amours glauques qui n'en sont guère. Tout est sombre, triste, morose, comme cette banlieue.
Le roman, écrit dans une langue classique et solide, une syntaxe exemplaire - si l'on excepte ce petit tique de langage dont l'auteur aurait pu se passer, les "n'est-ce pas" là pour mimer le langage oral, mais inutiles - raconte la vie d'un homme à travers le corps, les odeurs que l'on cache, ce que l'on retient et que d'autres étalent, comme les élèves leur ignorance ou les hommes leur brutalité...

"Et puis, je ne peux plus rien pour eux, tout est trop violent, cette société, cette fin de siècle, même leurs noms, je n'en peux plus des Océane Delorme, des Christopher Lévesque, les Malika Lecoeur, et je n'ai jamais pu prononcer sans frémir d'indignation le prénom de Wendy Dufresnois, de Kimberley Morin, de Kevin Dufour, je n'en peux plus de leur langage, de leur veulerie, de leurs gueules..." (p. 359)

(...)
Lien : http://edencash.forumactif.o..
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Un mauvais livre d'un bon auteur.
J'avais apprécié le gout des femmes laides, du même auteur, mais celui ci m'est tombé des mains, les descriptions sont trop lourdes les phrases trop longues, ce qui n'est pas forcement un défaut mais lorsque l'on à du mal à suivre le fil de l'histoire cela en devient un. Pourtant c'est un auteur à connaitre et je ne pense pas m'arrêter là dans sa découverte.
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Du pur Millet. Bien que l'action se déroule en banlieue, le terroir de "Ma nuit armi les ombres" et de la trilogie corrèzienne n'est jamais très loin.
Un prof de français en banlieue se désespère de la vie, des femmes, de sa profession, des ses élèves incultes.
La posture de Millet, celle d'un dandy supérieur, qui se prend parfois pour le dernier des Mohicans de la langue française, énerve parfois.
Le premier chapitre est une métaphore de son dégoût global pour sa vie de petit prof de banlieue. Il est pris d'une violente diarrhée alors qu'il est à la terrasse d'un café parisien, fait dans sa culotte, et doit rejoindre sa banlieue souillé, empestant les passants et les passagers du métro. Il échoue dans le bois de Vincennes et poursuivra à pied son errance jusqu'à son appartement de l'ouest parisien...
Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et, avait-il dit, plus froid que le vin et la nuit, il y avait le cœur de l'homme qui n'est pas aimé et n'aime pas, à qui le souvenir même de l'amour ne peut tenir lieu de feu.
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De telle sorte qu'il pouvait dire, en effet, que ça l'avait pris comme ça, brusquement, sans qu'il sût par quelle bouche il se délivrerait, penchant pour les vomissements, bien sûr moins déshonorants que le reste, et bien qu'il pensât, quelle naïveté! que ce sont les femmes qui vomissent et que les hommes, eux, défèquent, comme si, même dans l'immondice, hommes et femmes n'étaient pas égaux.
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Tout dépend non pas du hasard ou de la grâce mais de l’alchimie, et particulièrement de ce que nous laissent dans le corps les aliments.
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Parce que vivre n’était rien d’autre que se résigner au pire, à la fuite des mères et des femmes, à la chute des corps, à la solitude.
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Mais, en ce matin de novembre, je ne voulais pas l’entendre. J’étais prêt à insulter la beauté. J’étais déjà perdu.
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Vidéo de Richard Millet
Voyage au bout de l'enfer du RER avec Richard Millet. Il présente son dernier ouvrage, "Paris bas-ventre. le RER comme principe évacuateur du peuple français", aux éditions de la Nouvelle Librairie sur notre site le 27 mai 2021 https://nouvelle-librairie.com/boutique/politique/actualite/paris-bas-ventre-le-rer-comme-principe-evacuateur-du-peuple-francais/
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