La joie d'amour

Si les littératures et les psychologies de toute l'humanité donnent une si grande place à l'amour, si l'angoisse et la souffrance sont la tonalité la plus fréquente des méditations sur l'amour, si " l'objet perdu " ou " l'être manquant " ou " l'être manqué " sont les marques les plus corrosives de l'expérience amoureuse, c'est bien parce que l'enjeu de l'amour n'est pas le plaisir mais le sens même de l'existence. Or, celle-ci ne prend sens que par la joie d'être. Hors cette joie, l'existence n'est que persévérance végétative et consumériste, lutte aveugle et vaine pour la domination, ou combat futile contre l'ennui.

En réalité, aimer c'est d'abord aimer l'autre et ensuite être heureux que l'autre vous aime. Tout dans l'amour véritable se passe comme si chacun offrait à l'autre un don d'amour sans attendre de retour, mais en se réjouissant singulièrement de ce retour éventuel. Et ce mouvement vaut dans les deux sens, de chacun vers l'autre. La réciprocité d'amour n'est pas un dû.

L'éthique de la joie dit que la joie véritable, la joie intense et réfléchie qui se présente comme le Préférable absolu et l'enjeu radical, est une vie à construire et non une grâce à recevoir.

Le Désir, c'est-à-dire la conscience de tout un chacun, ne pourra effectuer le passage de la vie spontanée et maladroite à la vie souveraine et réfléchie que parce qu'il est déjà une conscience capable de se dédoubler, et parce qu'il est donc déjà libre dans sa spontanéité obscure.
Les amants malheureux ne pourront se "reprendre" (se retrouver maîtres d'eux-mêmes et de leur amour) que parce que leur affectivité, leurs Désirs, leurs désirs sont déjà les actes libres d'une conscience.
C'est donc par sa propre nature de conscience libre (d'un premier degré) que le sujet pourra transformer son affectivité malheureuse, angoissée ou agressive, en une affectivité heureuse et accomplie. Encore faut-il que le sujet en ait le Désir.
(p.151)

p 8 – préface Michel Onfray – il effectue une analyse nietzschéenne et… sartrienne de notre rapport libidinal au monde : nietzschéenne, parc qu’il fustige le christianisme d’avoir crée ce corps malade, névrosé, pathologique, jaloux, envieux, possesseur, propriétaire, exclusif, d’avoir sali la sexualité, l’érotisme, les femmes, d’avoir décrété détestable les désirs, es plaisirs, les passions, la chair, d’avoir inventé le mariage, la fidélité, la monogamie, la chasteté à défaut d’abstinence totale, d’avoir intimement lié Éros à Thanatos ; sartrienne, parce qu’il affirme que ce qui est ne l’est que parce que nous le voulons comme tel.
P 143 – l’individu est déjà un sujet, parce qu’il est toujours présent à lui-même comme étant lui-même. Ce premier fait d’évidence rend immédiatement possible son corollaire : tout individu peut passer de la conscience quotidienne (je suis moi) à la réflexion, c’est à dire la conscience de second degré. Tout individu a donc la possibilité se se situer dans une perspective de surplomb : il peut cesser d’agir et se mettre à « réfléchir ». il peut décider de connaître, de se connaître, de s’informer, de se cultiver. C’est évidemment l’éducation qui lui donnera les premiers moyens de de ce redoublement réflexif, mais c’est lui-même par lui-même qui accomplira ce travail réflexif de la formation de soi.