Après Elric, Hawkmoon puis Erekosë, me voilà en train de lire les aventures du quatrième mousquetaire et déclinaison du Champion Éternel du multivers moorcockien, j'ai nommé
Corum.
Bon, pour l'instant la séduction qu'étale ce cycle est un poil trop délayée pour m'hypnotiser. Je ne peux même pas jouer le blasé qui-a-tout-lu, dans la mesure où j'ai déjà lu ce premier tome il y a longtemps et que mon ressenti est sensiblement identique.
J'ai bien apprécié le schéma du début, cette ancienne race Vadhagh vivant dans des châteaux isolés, uniquement préoccupée d'abstractions et d'art, pourvue de connaissances au-delà de l'imagination, percevant l'existence de cinq autres Plans de la Terre (un peu comme les Neuf Mondes de la mythologie nordique) jusqu'à pouvoir s'y déplacer. Et en opposition, la nouvelle race de l'Homme, brutale, cruelle, destructrice, rien à sauver. Une affreuse et réaliste constatation que l'érudition pacifique passe pour de l'arrogance et, au final, pour de la faiblesse auprès de ceux qui ne causent que par la violence et de désir d'expansion.
Mais rapidement le gris apparaît au milieu de ce noir et blanc. le Prince
Corum Jhaelen Irsei (ah ces noms sont un délice pour l'oreille !) est un Vadhagh, le dernier. Il ne faut pas longtemps pour que la vision du carnage provoqué par les Hommes n'instaure en lui la haine et le désir de vengeance, venant remplacer cette sage sérénité dans laquelle baignait sa race depuis des siècles. En parallèle, il découvre l'existence d'hommes et de femmes pacifiques, chaleureux et, même, dignes d'amour.
Tout au long du roman, je n'ai cessé de m'interroger sur cette soi-disant connaissance encyclopédique de l'univers acquise par les Vadhags.
Corum n'en fait nulle part usage. Il est sans cesse surpris par la réalité du monde. Il ne comprend pas la sorcellerie. Il n'accepte pas l'idée des Dieux. Légendes ! Billevesées ! Il faut qu'on lui colle le visage sur les événements pour qu'il finisse, frein à main serré à mort, par les admettre.
Car il y a des Dieux. Les Dieux du Chaos, et surtout Arioch aussi nommé le Chevalier des Épées. le même Arioch qui tire les ficelles de la destinée d'Elric ? Probable. Mais il est ici beaucoup plus incarné. La description de sa Maison est abominable, chaotique, perverse. C'est la seule vision de dégoût que j'avais gardée de ma première lecture. L'édition L'Atalante du roman choisit en couverture un détail d'une peinture de Jérôme Bosch, et le choix de ce peintre du chaos infernal est tout à fait adapté à la situation. Un Dieu dont on se passe bien.
Corum, torturé, privé de son oeil droit et amputé de sa main gauche, reçoit en « cadeau » l'Oeil de Rhynn et la main de Kwll, les anciens frères Dieux ennemis. Cela sent le cadeau empoisonné, comme l'épée Stormbringer d'Elric. Ils rendent pourtant de fiers services et le fonctionnement commun de ces deux artefacts est plutôt fascinant. Mais effectivement, ils ont un prix.
Arioch n'est que l'un des trois Dieux du Chaos qui se sont emparés et partagés les Quinze Plans. Vous vous en doutez,
Corum sera ensuite amené à rencontrer les deux autres. Prochaine étape : la Reine des Épées.