Tout commence sur Mars en 1898. le lieutenant Gullivar Jones (Lieut. Gulliver Jones) unit ses forces avec John Carter (John carter - les conquérants de mars) pour se débarrasser d'une race peu accommodante. Pas de chance ses représentants ont déjà décidé d'abandonner la planète rouge pour aller conquérir notre bonne vieille terre.
Sur terre, le premier "martien" atterrit dans la campagne anglaise, créant un gigantesque cratère. le MI5 se rend rapidement sur place en la personne de Campion Bond qui requière immédiatement l'intervention de la League of extraordinary Gentlemen (LoEG), à savoir Mina Murray, Allan Quatermain, le capitaine Nemo, Mister Hyde et Hawley Griffin. Les intentions des envahisseurs deviennent rapidement évidentes et la résistance s'organise : Nemo, Hyde et Griffin défendent Londres pendant que Murray et Quatermain partent dans la campagne anglaise chercher une arme efficace contre ces extraterrestres.
Dès le début de ce deuxième tome, l'effet de surprise est passé : le lecteur sait qu'il va retrouver les 5 personnages de fiction cités plus haut. Il s'attend également à croiser d'autres héros romanesques de cette époque. Et force est de constater que ces variations sur des personnages connus ont déjà acquis leur vie propre. Les romans d'origine des personnages sont déjà oubliés et ces héros sont déjà devenus les créatures d'
Alan Moore. Ce dernier continue sur la logique du premier tome et creuse la personnalité de chacun. Il dépasse les clichés attachés à ces créatures pour explorer l'identité de Mina Murray (même si le nom de son précédent amant n'est jamais écrit). de la même manière les motivations des 4 héros males sont approfondies, ce qui fait ressortir avec encore plus d'acuité qu'il s'agit de 4 individus avec chacun leur histoire, chacun leur point de vue sur la vie et leurs semblables et chacun leurs objectifs.
Alan Moore continue de subvertir le récit de genre (roman d'aventure du début du dix-neuvième siècle) pour s'aventurer dans le domaine de la littérature. Ainsi, Mina Murray dépasse le stade d'archétype pour développer une personnalité à part entière avec ses cotés positifs et ses cotés plus obscurs. de la même manière les névroses des personnages mâles apparaissent au grand jour, voire les déviances psychotiques de certains. Griffin et Nemo disposent de moins d'espace dans les pages de ce tome, mais les 3 autres en profitent pour pleinement s'épanouir.
Coté visuel, Kevin O'Neill a également franchi un pallier. Il devient le complice consentant d'
Alan Moore. En fait il n'a pas trop le choix : dans la première page le script détaillé de Moore impose au dessinateur de reprendre la mise en page de la première page de chaque épisode de Watchmen (page divisée en 9 cases commençant par un gros plan sur un détail, suivi d'un travelling arrière développé sur les 8 cases suivantes). La suite est magnifique. O'Neill utilise des cases de la largeur de la page pour toutes les scènes d'action à la campagne, évoquant les mises en scène de
Sergio Leone. La morphologie des martiens met en valeur leur caractère extraterrestre et répugnant de manière très convaincante (beurk !). Les corps humains sont toujours délimités par des traits anguleux qui obligent le lecteur à regarder les individus avec un regard concentré, inconciliable avec une indifférence pressée. Cette esthétique peut nécessiter un temps d'adaptation dans la mesure où elle ne flatte pas l'oeil. Mais une fois qu'on y est habitué, on ne peut plus s'en passer. Les monstres sur Mars sont inoubliables. Les scènes de rapports sexuels (consenti et non-consenti) ont un impact d'autant plus grand que les dessins ne permettent pas de se rincer l'oeil. La bestialité de Hyde agresse la rétine du lecteur. La détermination de la petite bonne femme qu'est Mina Murray emporte le lecteur dans une empathie pleine de respect.
À la fin du tome se trouve 46 pages de texte (en petits caractères, avec de rares illustrations) intitulé " The New Traveller's Almanac". Je dois vous faire un aveu : je n'ai pas pu en terminer la lecture.
Alan Moore a constitué un texte sous la forme de récits parcellaires rapportant les pérégrinations de Mina Murray et d'un ou deux autres autour du globe. À chaque halte correspond la des rencontres étranges ou merveilleuses ou des sites dotés de propriétés surnaturelles. le lecteur le plus persévérant apprendra d'où sort Allan Quatermain junior et où apparaît Orlando pour la première fois (son visage est intégré dans la couverture du présent tome). Pour ma part, les allusions incessantes à des ouvrages qui me sont totalement inconnus m'ont empêché de trouver quelque plaisir que ce soit à cette lecture fastidieuse ; j'ai abandonné à mi-parcours.
Malgré cette partie indigeste, ce deuxième tome continue d'emmener le lecteur dans des régions inexplorées aux confins de la littérature académique pour un voyage aux milles saveurs. La suite des aventures de LoEG prend la forme d'un patchwork de références très inventif dans "Le dossier noir".