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EAN : 9782070727209
252 pages
Gallimard (23/10/1992)
4.34/5   25 notes
Résumé :

" - A nous deux, ma belle.Les relations affectives qui s'étaient établies entre le commandant et son cheval n'avaient rien de ces effusions dévoyées, de ces léchages de museau, de ces caricatures d'amour, de tous ces résidus pervers de sentiments humains qui président aux rapports des vieilles filles et de leur pékinois. C'était d'abord un combat, où la jument savait qu'elle succomberait, où elle dé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Publiée en 1935, Milady, l'une des nouvelles les plus célèbres de Paul Morand, se résume par l'adage « À nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent ! Par Saint Georges vive la cavalerie » et se déroule à l'ombre du cadre noir de Saumur.

Monsieur Zéro, publié l'année suivante, fait écho au krach de Wall Street en 1929, et au scandale du Crédit municipal de Bayonne, origine de l'affaire Stavisky et des émeutes antiparlementaires du 6 février 1934.

Silas Cursitor incarne l'escroc financier, contraint de s'éclipser des USA, via le Canada, vers Europe. Changement d'identité, changement de lieu, achat de complicités, rien n'y fait. La justice américaine le poursuit implacablement, et le proscrit, devenu Monsieur Zéro, achève sa cavale dans une discrète principauté européenne … Un drame d'une criante actualité comme l'illustrent les escroqueries au bitcoin.

Deux nouvelles où la loi de l'argent s'impose aux destinées dans une narration superbe, pessimiste et misanthrope.

Paul Morand au sommet de sa carrière littéraire, au summum de son talent, à mon modeste avis.
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«Sept heures du matin c'est tôt pour un rendez-vous d'amour»
Au cours du chapitre qui suit cette première phrase, Paul Morand nous fait découvrir par approches successives la personnalité et le cadre de vie du commandant Gardefort, ancien écuyer du Cadre noir de saumur. Il distille avec art, les réflexions que suscite toute la préparation fébrile et soignée de sa personne. L'examen lucide qu'il fait de lui-même laisserait penser qu'il va à la rencontre d'une femme.
Gardefort se prépare à accueillir Milady.
«...Une flamme de bonheur passe dans ses yeux bleus ; d'une intonation très douce et très mâle, comme s'il s'efforçait de tempérer un reproche, Gardefort lance un appel à haute voix...
A peine a-t-il parlé que la sonnette retentit.... 
...est-ce une farce de gamin rentrant de l'école ? Non, car le commandant Gardefort a souri ; il rit même ; il éclate de rire en sautant à bas de l'escalier qui conduit à la rue. La porte, il l'ouvre brusquement. Dans le grand cadre clair de la Loire, libéré par les deux batants ouverts, une fine et haute silhouette se découpe sur le ciel maintenant sans nuages.

--- Milady !

Comme chaque matin, elle est là. Mais chaque matin il l'attend comme si elle ne devait jamais revenir...

--- Sept heures, disent les habitants du voisinage. Voilà la jument Milady qui tire la sonnette du commandant»

C'est à une relation passionnelle et fusionnelle, une joute amoureuse entre le cavalier et l'animal où chacun se mesure à l'autre, que nous sommes conviés. 

«C'était d'abord un combat, où la jument savait qu'elle succomberait, où elle désirait d'ailleurs succomber, une lutte qui commençaient dans l'espièglerie, dans la ruse et se continuait dans la rage, pour se terminer dans une sorte de pâmoison soumise, de détente complète où l'un et l'autre trouvaient leur plaisir.»

« --- Comme elle est belle au passage ; elle semble repousser le sol et mépriser la terre qui la porte ! se disait Gardefort avec orgueil
Ils se promenèrent ainsi longtemps, presque sur place, sans parler, comme un homme et une femme enlacés se tiennent par la main, elle, protégée, soutenue, lui, la jambe près, la main délicate et comme à l'écoute de la bouche. Ce dialogue se prolongea. Il la respirait, il sentait monter son odeur échauffée et il savait qu'elle n'était pas moins sensible à la sienne ; quand il s'absentait, il lui laissait toujours dans sa mangeoire un vieux pyjama de pilou dans lequel il transpirait les jours d'attaque paludéenne, pour qu'elle ne se déshabituât pas de lui.»



Cette union de Gardefort et de Milady est inoubliable. L'écuyer, au caractère entier, intransigeant dans son respect de la tradition équestre, aime Milady comme un femme, plus qu'une femme, puisqu'il divorce de la sienne exaspéré par son incapacité à monter correctement en suivant ses conseils. Seule compte pour lui Milady dont il a su découvrir et mettre en valeur les qualités et qui est à la hauteur de son exigence.

«Qui eût reconnu dans cette jument puissante, au dos soutenu, au flanc bien relié, aux pieds de bonne nature, l'animal terne et mal gauchi dont le comité d'achat n'avait pas voulu ?»
Comment dans ses conditions, Gardefort pourrait-il accepter d'en être séparé ? 
Il va y être contraint par un besoin cruel d'argent, pressé par le temps, personne ne voulant lui prêter les cinquante mille francs qui lui sont réclamés par Maître Hareng, notaire chargé de régler son divorce. 
Il sera amené à vendre Milady et il ne pourra se le pardonner.
Ne supportant pas qu'elle appartienne désormais à un autre que lui, un autre indigne de la monter, il l'entraînera avec lui dans la mort.

Gardefort a été incarné de manière magistrale par Jacques dufilho dans un téléfilm d'une qualité qu'on ne connait plus actuellement, diffusé pour la première fois le 21 juillet 1976, deux jours avant le décès de Paul Morand ; ce qui peut sembler troublant car cette nouvelle, écrite au cours de l'été 1935, donne l'impression que Paul Morand s'est rassemblé pour donner dans un jaillissement, le meilleur de lui-même.
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Une relation passionnelle entre un commandant à la retraite et sa jument Milady qui se termine tragiquement, un banquier ruiné en fuite rattrapé par son destin, ces deux nouvelles dramatiques de Paul Morand ont un thème commun : l'argent. Car c'est l'argent qui est le maître du destin de ces deux hommes, et qui, au delà de la passion, aura le dernier mot. L'argent qui entraine irrémédiablement leur destruction.

L'un à Saumur, attaché au passé, à l'art équestre, a trouvé à la fin de sa carrière le cheval fait pour lui. Mais il a fait l'erreur autrefois d'épouser une femme. Qui ne comprenait rien aux chevaux. L'autre à New York, au coeur du monde nouveau, de la frénésie des affaires, a bâti un empire financier. Mais il se trouve à 64 ans en pleine banqueroute.

Deux hommes qui finalement se heurteront à la finitude de leurs destinées : l'impossibilité d'aller plus loin.

Deux textes puissants, offrant une réflexion sur l'instabilité des possessions humaines, l'angoisse de l'homme privé de sa raison de vivre dans le cas de Milady, la fuite en avant de la fortune au néant pour monsieur Zéro, poursuivi pour être extradé, réfugié dans le plus petit pays du monde, réduit à n'être Personne...A la fois nostalgie d'un monde qui disparaît, un peu désuet, et absurdité de la vie moderne où tout va trop vite, où l'on ne perdrait pas "une minute de son temps à regarder flotter une plume de mouette"...Perte de soi dans les deux cas.

Deux textes sur le pouvoir de l'argent, à méditer, même si l'on n'est pas particulièrement amateur de chevaux...
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Quelle belle surprise ! Un texte concis, précis. le style est si bien maîtrisé que, comme dans le dressage equestre, on ne voit rien de grossier, mais on devine une main très sûre, celle d'un maître, derrière cette nouvelle à la fois fraîche et triste.

Amateurs d'équitation, fervents du dressage en manège, vous serrez ravis par cette évocation, de l'intérieur, de la vie et de l'Oeuvre, d'un écuyer du prestigieux cadre noir de Saumur. Amis des chevaux, vous dégusterez cette histoire d'amour, osons le dire, entre une jument et son propriétaire (que ce mot convient mal!). Habitués des romans français du début du XXème siècle, vous vous délecterez de cette évocation de la vie provinciale qui a presque quelques accents flaubertiens.

L'histoire est inscrite dans les premières lignes, et la fin de la nouvelle ne fait que venir confirmer la fatalité que l'on redoute, et dont on ne sait comme elle va s'exprimer.

Un seul regret, les femmes sont traitées avec un peu de misogynie, même si quelques défauts ou fautes bien posés doivent la justifier, le trait est un peu forcé.

Ce que vous aimerez le plus : toutes les références à l'art équestre. Paul Morand était-il si bon cavalier ?
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
C'est admirable, disait une jeune dame au lieutenant-colonel de service, de voir ce qu'on peut arriver à faire avec des bêtes.
- Ici nous n'appelons pas les chevaux des bêtes, Madame, répondait l'officier avec politesse.
- Comme j'aime leurs jolies petites pattes fines...
- On dit plutôt des pieds.
- ... leurs gueules, toutes mousseuses d'écume...
- Les chevaux n'ont pas de gueule, Madame, ils ont une bouche. Ce ne sont pas des lions.
Le lieutenant-colonel de service ôta son monocle et haussa les épaules. "Tous les ans, pensait-il, il nous en arrive comme ça, pendant une semaine, par l'express de Paris."
(In "Milady"")
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La fortune lui avait souri comme sourit une femme à qui on fait des signes mais qui, quand on s'approche, ferme sa fenêtre. Aujourd'hui, elle lui claquait ses volets au nez et mieux eût valu pour lui ne jamais gagner son premier million !
(in "Monsieur zéro")
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Et aussitôt la jument faisant le col de cygne abaissa sa jolie tête couronnée au frontal de cuir verni, tout heureuse entre les jambes apaisées du cavalier qu'elle aimait, elle goûta librement son mors.
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Ce fut le divorce. Il fit défaut en conciliation. "Elle refuse d'engager ses postérieurs sous la masse" écrivit-il à l'avoué. La plaignante répliquait que son mari l'avait rendue ridicule en adressant à tout Saumur, lors de la naissance d'un poulain, une lettre de faire-part rédigée au nom de sa jument préférée. Le juge haussa les épaules...
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Équitation et Équité, c'est la même chose.
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