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EAN : 9782213687032
304 pages
Fayard (19/08/2015)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Edgard Demont, le frère homosexuel d’Hélène (l’héroïne de Sommeil des dieux, dernier roman paru d’Erwin Mortier), a survécu aux tranchées de la guerre de 14-18, mais, comme tous ceux qui sont passés par là, il ne s’en libérera jamais. Miroitements se compose d’une série de récits – les souvenirs qu’Edgard garde de ses amants, rencontrés au fil de moments cruciaux de l’histoire de la première moitié du vingtième siècle : au front, à la frontière entre la Belgique et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Miroitements », son nouveau livre, traite pourtant d'un sujet ressassé : un soldat a survécu aux tranchées de 14-18 et, comme tous ceux qui ont vécu cet enfer, il ne parvient pas à s'en libérer.
« Je ne savais pas qu'être rappelé du néant pouvait être aussi atrocement douloureux, comme si les lois naturelles se révoltaient d'être défiées », confesse-t-il. Dans une sinueuse cérémonie des adieux, cet ancien soldat, Edgar Demont, parcourt les couloirs du temps, façon de se souvenir des bras des garçons qui émerveillèrent son existence.
Matthew, rencontré à l'hôpital militaire et qui fut à la fois son amant et l'époux de sa soeur Hélène (la narratrice du « Sommeil des dieux », un précédent roman d'Erwin Mortier) ; Pierre, resté avec lui après les combats et qui deviendra son domestique, tout en se glissant la nuit venue dans les draps de son maître ; Heinz, le juif allemand de Berlin durant la montée du nazisme ; Paul, le peintre aimé à Londres sous les assauts de la Luftwaffe ; Noburu d'Osaka, devenu aveugle en 1945 durant les bombardements américains. On ne comptera pas les aventures d'un soir et les élans sous un porche.
Ce sont là anecdotes, envolées lyriques, et, soudain, scènes d'un érotisme torride qui se succèdent, pour rendre compte d'une double impasse : impossible de comprendre le monde, entre destructions, espoirs, pas cadencés (Nous « restons pour notre espèce tant la pire abomination que la pire bénédiction »)… et impossible de comprendre l'autre, celui que nous croyons posséder, et qui nous échappe. Car, « même dans les étreintes les plus intimes, le bien-aimé est comme un mot qui nous reste toujours sur le bout de la langue ». le monologue d'Edgar est de bout en bout éblouissant, faits de fragments épars, lumières du passé, éclairs de demain, le travail de la mémoire en somme.
Tout est chair, tout est incarné, les paysages comme les hommes. Une expérience physique, tendre, âpre et sensuelle. Pour dire que l'étreinte des corps n'est peut-être pas si éloignée d'un champ de bataille. Combats d'une vie pour exister, se faire accepter, se faire comprendre. Puisqu'en ce monde, « il n'y a que des alphabets et des prières, tout le reste est bruissement ».

Paraît simultanément en poche, « Psaumes balbutiés », son ouvrage précédent, une pure merveille récompensée en 2013 par le prix du Meilleur Livre étranger. Maman perd la boule, elle s'affaire comme un lion en cage, elle panique et pleure sans cesse. Alzheimer. le déclin est à la fois lent et violent. Papa est épuisé, mais ne se résous pas à la placer. L'éternelle culpabilité. Les enfants se relaient et parmi eux Erwin, l'écrivain, qui tient ce « livre d'heures ». Tout devient insupportable : se souvenir de qui elle était avant la maladie ne la frappe ; assumer ce qu'elle devient, ce délabrement sans répit, sans retour. Un monde s'en va : « Vous étiez le centre, toi et papa. Nous étions des enfants et vous étiez des parents. Un univers gravitait autour de vous ». Un univers qui s'effiloche, part en lambeaux. On s'interroge sur ce que représente la vie en fin de compte. Pas grande-chose quand on voit cette femme, autrefois si dynamique, n'être plus que l'ombre d'elle-même. Un fantôme hors de contrôle, « comme si j'étreignais un sablier d'os et de peau ».
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Fayard publie pour cette édition 2015 de la rentrée littéraire le septième roman d'Erwin Mortier, un auteur belge flamand néerlandophone qui fêtera cette année ses 50 ans. Infirmier de formation, celui qui débuta sa carrière en psychiatrie se consacra par la suite à l'écriture de romans, de poèmes, d'essais historiques ou encore de chroniques pour un quotidien flamand progressiste, de Morgen.

Dans Miroitements, il retrouve l'époque de la première guerre mondiale, époque qui lui tient à coeur et dans laquelle il avait déjà plongé sa plume lors d'un précédent roman, Sommeil des dieux.

Edgard Demont est homosexuel, et se raconte sans pudeur dans ce récit en filigrane, où il est question de ses amants. Il y a Matthew, le mari britannique de sa soeur (la narratrice du Sommeil des dieux) avec qui il vit une histoire aussi belle que clandestine durant de nombreuses années, qu'il rencontra dans l'hôpital militaire où il fut soigné pour ses blessures lors de la première guerre.

Il y a Pierre également, un jeune homme qui reste à ses côtés comme un domestique, et qui troque son rôle de valet lorsque la nuit tombe pour se glisser sous les draps de son maître. Il y a le cousin Paul, il y a les garçons d'un soir, et ceux des gestes brusques dans l'intimité d'une ruelle. Et probablement ceux qu'Edgard ne raconte pas.

De ce récit de vie se dégage une grande mélancolie, l'histoire se raconte comme un bilan désabusé, des blessures restées ouvertes, des cicatrices qui défigurent. C'est un roman complexe et douloureux à la fois, mêlant une écriture parfois poétique aux passages grivois sans prévenir. Miroitements s'achève comme un pincement au coeur, se referme sur les illusions d'Edgard.

Je regrette néanmoins les très nombreux dialogues en anglais, et certains en allemand, qui ne sont traduits qu'en fin d'ouvrage plutôt qu'en note de bas de page, et qui saccadent la lecture si l'on n'est pas anglophone (on retrouvait ce procédé fastidieux dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littell).
Lien : https://www.hql.fr/miroiteme..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La période entre la première guerre et la suivante, je l’ai vécue comme la plus poétique de ma vie. Je peux tout aussi peu nier l’immoralité de cette observation que sa véracité. La confusion de la paix créa un appétit de rétablissement qui fut aussi féroce que la soif de changement. Je pouvais l’entendre piaffer dans les rues, cette rumeur boulimique, par-dessus la respiration de ton sommeil ou celui des autres, dans mon lit, dans ma mansarde – mon refuge, mon fragile bastion. Elle ne m’est pas étrangère, la tentation que procure l’impression de se fondre dans une marée humaine. La libération qu’on éprouve à être aspiré comme une minuscule molécule dans un flot puissant, de devenir particule liquide dans un grand corps liquide que ne peut contenir aucun barrage ni digue, l’euphorie de se perdre dans le collectif – rares sont les âmes qui n’aspirent jamais à leur propre annihilation.
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Notre monde n’est pas un monde paisible, je le comprends, à présent que je reviens à ce beau soir de mai et me glisse dans mon jeune torse qui me serre comme une veste étroite. Je crois que c’est ce soir-là que je comprends vraiment pour la première fois, non seulement avec ma tête, qui a sans doute tiré ses conclusions depuis belle lurette, mais de manière plus fondamentale, dans la moelle de mes os, que les modes de vie conventionnels ne m’offriront jamais un port d’attache.
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