Moi je n'espère pas, j'ai blasphémé la nature et Dieu peut-être dans Lélia, Dieu qui n'est pas méchant et qui n'a que faire de se venger de nous, m'a fermé la bouche en me rendant la jeunesse du coeur et en me forçant d'avouer qu'il a mis en nous des joies sublimes. Mais la société c'est autre chose. Je la crois perdue, je la trouve odieuse et il ne me sera jamais possible de dire autrement.
Adieu, mon frère, mon ange, mon oiseau, ma mignonne adorée, adieu tout ce que j'aime sous ce triste ciel, tout ce que j'ai trouvé sur cette pauvre terre. Chantes-tu encore quelquefois nos vieilles romances espagnoles ? et penses-tu quelquefois à Roméo mourant ? adieu, ma Juliette.
Votre maladie n'a rien de plaisant, quoique vous ayez envie d'en rire ; il serait plus facile de vous couper une jambe que de vous guérir ; malheureusement on n'a pas encore trouvé de cataplasme à poser sur le coeur.
(...)Et nous, vivons à l'ombre, ô ma belle princesse !
Faisons-nous des amours qui n'aient pas de vieillesse :
Que l'on dise de nous, quand nous mourrons tous deux :
Ils n'ont jamais connu la crainte ni l'envie ;
Voilà le sentier vert où, durant cette vie,
En se parlant tout bas, ils souriaient entre eux.
A de Musset
Vous aimez, vous êtes aimé. Tant mieux. Après tout, voyez-vous, il n'y a que cela de bon sur la terre. Le reste ne vaut pas la peine qu'on se donne pour manger et dormir tous les jours.
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* :
« La confession d'un enfant du siècle », _in_ _Oeuvres de Alfred de Musset,_ ornées de dessins de M. Bida, Paris, Charpentier, 1867, p. 432.
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