Ce livre a un intérêt très particulier, il présente les paysages de Renoir plutôt que ses portraits (qui sont les plus célèbres). Il est vraiment captivant de voir une autre facette des oeuvres de Renoir et cela donne envie de visiter la National Gallery de London.
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Bateau-lavoir sur la Seine, près de Paris, 1871 :
L'hiver 1871-1872 marque une page sombre de l'histoire de Paris. Après la défaite de la capitale face aux armées prussiennes,la brutale répression de la Commune, à l'automne 1871, n'a fait qu'ajouter à ses malheurs.
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... ce bateau-lavoir sur la Seine est coiffé d'un ciel lourd, qui induit des tons plus sombres et d'inquiétants reflets d'encre dans l'eau. On distingue en arrière-plan les usines que l'on rencontre encore aujourd'hui à la périphérie de la capitale, mais leurs façades grises ne laissent voir aucun signe de vie.... Pour une fois, le "peintre de la joie de vivre" semble avoir rendu les armes devant la misère du monde qui l'entoure.
Emile Zola, qui devait se faire l'ardent défenseur de Manet et de ses amis impressionnistes, fera un peu plus tard du lavoir un symbole du monde ouvrier moderne dans son roman L'assommoir, publié en 1876 : "un plein jour blafard passait librement dans la buée chaude suspendue comme un brouillard laiteux... Il pleuvait une humidité lourde, chargée d'une odeur savonneuse, une odeur fade, moite, continue ; et par moments, des souffles plus forts d'eau de javel dominaient. Le long des batteries, aux deux côtés de l'allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu'aux épaules, le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers lacés."
Bien que Renoir ait entrepris d'illustrer le roman de Zola en 1878, c'est bien avant la rédaction de L'assommoir que le peintre choisit de décrire cet endroit à la fois pénible et indispensable, où les femmes de la classe ouvrière viennent laver et nettoyer à grand renfort de battoirs, de brosses et de détergents le linge et la garde-robe des autres.
Dépeindre un tel lieu est une démarche radicale, non seulement parce qu'il se dégage intrinsèquement aucune beauté, mais parce que ce prétendu "paysage" n'a pas grand-chose à voir avec un joli chemin de campagne.
Ce tableau se présente comme un enregistrement pictural des dures réalités de la vie urbaine moderne, une forme de naturalisme grinçant auquel Renoir ne nous avait pas habitués.
(pour voir ce tableau : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pierre-Auguste_Renoir_-_Bateau-lavoir_sur_la_Seine.jpg)