Pablo Neruda (1904-1973) est avec
Gabriela Mistral l'un des plus grands poètes chiliens, avec
Octavio Paz, l'un des plus grands poètes sud-américains, et avec quelques autres l'un des plus grands poètes mondiaux. Son « Canto General » (1938-1950) est l'oeuvre de tout un continent, de son originalité de sa spécificité et en même temps de son appartenance à un univers multiforme, historique, géographique, scientifique, littéraire, spirituel – notre univers.
Neruda est un citoyen du Chili, comme il est un citoyen du monde, et un citoyen de l'Univers.
On se souvient de lui à cause de son oeuvre d'où émerge un corps poétique impressionnant, dense et profond, marqué par ses racines, son appartenance à un pays, et à une idéologie (le communisme) qu'il veut généreuse et universelle. On se souvient de lui aussi par ses combats pour la liberté, dans ce continent où ce mot a une résonnance toute particulière. On se souvient de lui par les amitiés qu'il a forgées autour du monde. On se souvient de lui par ses textes mis en chansons (Victor Jara, Quilapayun, Paco Ibañez, et notre
Jean Ferrat). On se souvient aussi de lui à cause de sa mort, quelques jours après le coup d'état du 11 septembre 1973 (ce jour, 11 septembre, doit être maudit) qui a vu mourir Salvador Allende et la démocratie.
Neruda meurt douze jours plus tard dans des circonstances pas bien déterminées qui laissent traîner l'hypothèse d'un assassinat politique…
« Vingt
poèmes d'amour et une chanson désespérée » est un recueil paru en 1924.
Neruda a vingt ans. Deuxième recueil de l'auteur (après « Crépusculaire », l'année précédente) c'est un coup de maître dans le paysage poétique : on ne sait ce que l'on doit admirer, la jeunesse du poète, son savoir-faire déjà très personnel, ou son audace. Dans les années 20, surtout en pays ultra-catholique comme l'était le Chili et ses voisins, la morale, et surtout la morale sexuelle faisait loi : certains
poèmes diffusent un érotisme jugé sulfureux (en vérité bien innocent aujourd'hui), mais malgré cette controverse (qui ne va pas bien loin) tout le monde s'accorde pour célébrer la naissance d'un grand poète. « Veinte poemas » sera avec « Canto General » le plus grand succès en librairie de
Pablo Neruda
L'inspiration est essentiellement lyrique : le poète y célèbre la femme sous toutes ses formes, mais aussi la nature :
Poema II
« Dans sa flamme mortelle la lumière t'enveloppe.
Absorbée, pâle, dolente, ainsi située
Contre les vieilles hélices du crépuscule
Qui tourne autour de toi ».
Poema III
« Ah ! vastitude de pins, rumeur de vagues se brisant,
Lent jeu de lumières, cloche solitaire,
Crépuscule tombant dans tes yeux, poupée,
Conque terrestre, en toi la terre chante ! »
La particularité des écrivains sud-américains, la luxuriance, la couleur, la démesure sont présents chez ce jeune auteur qui « donne à voir » (comme dirait
Eluard) : la poésie est directement évocatrice, surtout elle est torrent d'images. Et ça nous on aime !
Claro que si !