Passage à l'infini

Dans son recueil au nom énigmatique "Passage à l'infini", Nimrod, écrivain reconnu et admiré d'origine Tchadienne, explore l'espace et le temps, une sorte de passage par l'infini pour en faire exploser les limites, où il expérimente une écriture d'extraterrestre.


"Quel est ce pays où je te sens, quelle est cette nudité que tu habites, il me faut dit-il aller plus au nord que toutes les latitudes" écrit-il page 26 … Chercher la vie toute la vie, Nimrod se déploie dans tout le vivant, caressant le langage du végétal, inspirant le souffle des êtres.


J'aime cette poésie de la nature, ses références au lent cheminement des saisons, sentir le beau par la peau ou parcourir ses bouleaux, "intimes sont les caresses reçues de leur voisinage", pareil à un long soupir des branches.


Il nous conduit au crépuscule de la création, hors le champ édulcoré d'une nature douce et nourricière, au milieu d'une nature déchaînée, desséchée ou marécageuse, qui gronde sa fureur et son réveil. La gestuelle de Nimrod la mélodie de sa langue, le place dans le sillage de Rimbaud et de la danse du bateau ivre.


"Les chemins sont pierreux et la solitude les attise:
Au plus vif de la nudité est l'effroi,
au plus bref de l'herbe folle, un olivier vert."
P 50 Au loin le mont Ventoux


La grande prêtresse d'Apollon illumine plein phare les textes de Nimrod, la lumière, source de tous les rayonnements, signe la naissance du monde, là où la lumière fût, au cœur de sa ligne de vie.
"Ses méditations montent vers les ciels où les désirs se haussent."
Quelle amante songe t-il page52 ( vers la chevauchée fantastique), ou encore, "royauté de la lumière qui ne chôme pas, mais débauche l'espace".


Les arbres seront au fil des pages, ses compagnons de route. Devenant complice du poète, un symbole de la vie qui se tient debout, vivant, pareil au bouleau, "debout dans l'énigme des fleurs ; le secret du jardin!"
Auquel le peuplier semble répondre, par " Qui s'élève! Prolonger sa carrière, élever le degré des lustres!"

La richesse de cette oeuvre émane donc bien de l'imagination de Nimrod qui puise par ses sens des soubresauts de bonheur ou de joie, qu'il ne cesse de suggérer, par des petits riens, "plénitude de la noisette nocturne" ou par l'évocation du ciel.

Que dire du style, si ce n'est la métamorphose des idées par une méditation poétique d'une délicatesse charnelle et d'une réalité sensible.
Ainsi la phrase, le ciel réclame une lumière douce, rayonne au coeur, un champ roux inhabité, devient: le ciel est soluble et dans la cire d'un vieux miel, réclame un leurre, une lumière douce sur la place, il rayonne...Page 44.

Ces textes sont des méditations, qui au fil des lectures, s'amplifient pour donner au lecteur une oeuvre d'une originalité délicate comme soyeuse, réparatrice, un havre de paix sauf ses textes sur le Rwanda. Les textes ont un sens, une lisibilité qui s'affirme, et qui devrait inspirer certains auteurs.
L'ensemble est un peu disparate, car dans ces pages, il n'y a pas un vrai thème mais différents sujets, qui devront un jour se redéfinir dans les multiples recueils de l'auteur.
Un ouvrage d'une très grande beauté.