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Edouard Tétreau (Autre)
EAN : 9782365262750
226 pages
Editions Première Partie (20/01/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
En septembre 2017, Jean-Baptiste Nouailhac s'installe dans une petite ville de l'Aisne où 40% des jeunes sont en décrochage scolaire. Dans un supermarché désaffecté, l'auteur, accompagné de quatre professeurs, ouvre le Cours Clovis, un collège pour les enfants de la France périphérique.
Aujourd'hui, l'établissement accueille 70 élèves de primaire et de collège. Loin des pesanteurs de l'Éducation nationale, Jean-Baptiste Nouailhac et son équipe ont su offrir à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je ne m'attendais pas à dévorer ce manifeste en faveur d'une politique ambitieuse de lutte contre le déclassement et le décrochage scolaire subis par les élèves déshérités de la "France périphérique", ces oubliés des politiques publiques.
Pourtant j'ai été happée par ce témoignage de l'un des fondateurs d'une école hors contrat d'excellence et d'humanisme (primaire+ collège)spécialement pensée pour eux, et implantée à dessein dans une zone sinistrée de la désindustrialisation et de la vampirisation des énergies vives du territoire et de l'économie par les métropoles : la commune De La Fère, dans l'Aisne.

Jean-Baptiste Nouailhac est l'auteur d'un livre clair, assez court, riche d'exemples, bien structuré, qui se lit comme un roman, dans lequel il dresse avec intelligence et clairvoyance un panorama le plus large possible des difficultés majeures auxquelles sont confrontées tout à la fois l'instruction, l'éducation et l'élévation des enfants français, et des défis qu'elles doivent relever aujourd'hui. Ensemble.

Car, et c'est toute la force de son approche, l'auteur ne conçoit pas de méthode éducative qui ne soit pas "intégrale" : il démontre implacablement l'importance d'une prise en compte holiste de l'enfant en tant que jeune personne en construction et en recherche d'une nourriture à la fois affective, intellectuelle et manuelle. M. Nouailhac sait combien ces élèves, qui ont souvent vécu harcèlement, phobie scolaire, violences intrafamiliales, difficultés d'apprentissage, handicaps... ont besoin de retrouver confiance dans l'institution scolaire, et l'institution pour eux a le visage concret et humain des professeurs et du directeur.
C'est pourquoi il ne cloisonne pas de manière artificielle et schizophrène le développement personnel de ces enfants, d'une part, et leur progression académique, d'autre part ; ni la figure du professeur, d'une part, et celle de l'éducateur et de l'adulte-référence, d'autre part. Tout en restaurant la position d'autorité et de transmission verticale des professeurs (vouvoiement réciproque, pas de familiarités, exigence, port du costume par les enseignants, fait de se lever quand un adulte entre...), il a tenu à développer les moments partagés, en dehors de la classe, dans un cadre moins hiérarchique, entre enseignants et élèves : football à la récréation, barbecue de rentrée, sorties en forêt un soir pour écouter le brame des cerfs, ateliers hebdomadaires visant à leur faire partager une passion ou un talent d'un enseignant : art oratoire, jardinage, cuisine, bricolage...

Ce livre foisonne de tant de constats si justes, de si bonnes idées, de critiques si bien argumentées de ce qui est à améliorer dans le système scolaire (sans jamais se départir de l'humilité de rigueur, car, comme il le rappelle, les enseignants du public et du privé sous contrat n'ont pas, eux, de classes de 18 élèves maximum, mais de 25 à 35, n'ont pas les moyens d'exercer correctement leurs fonctions, ne sont pas suffisamment rémunérés ni soutenus par leur hiérarchie...) qu'il en vient à constituer un excellent programme de réforme de l'Éducation nationale, dans la perspective de 2027 par exemple.

Méthode semi-globale vs méthode syllabique, remplacement de la notation par des gommettes de couleur, quasi-abolition des redoublements, surnotation généralisée au nom d'une "bienveillance" mal comprise qui est un cadeau empoisonné, organisation des apprentissages par cycles de 3 ans au lieu des années scolaires, instauration du Collège unique, atomisation de la société qui a perdu ses références communes et une bonne partie de ses lieux de sociabilité, addiction aux écrans ou au porno, instabilité des modèles familiaux qui fragilise les enfants de familles monoparentales, perte du goût de l'effort et de la rigueur et du sens de l'autorité, défiance entre les parents et les enseignants, ravages du constructivisme pédagogique, dévalorisation insidieuse de la culture populaire française qui concourt à la faillite générale de la société à se transmettre aux plus jeunes générations, à transmettre la fierté d'être qui ils sont et la confiance en ce qu'ils sont capables d'accomplir... Aucun facteur de l'effondrement du niveau et du mal-être de nombreux jeunes en déshérence n'échappe à l'oeil acéré de l'auteur, qui synthétise cette réflexion en proposant le contre-modèle abouti à tout cela.

Ni arrogance ni assertions péremptoires (le livre est très bien sourcé et l'auteur n'hésite pas à rendre à César ce qui est appartient à César, en précisant ce qu'il doit à d'autres et ce qu'il sait par des études statistiques réalisées par les services de l'État). Ni moraline ni "yakafokon". Seulement la volonté de se mettre au service de tous les enfants, et une tendresse à leur égard qui affleure partout.

Une démarche humaniste, pleine d'affection et d'estime pour l'intelligence et les ressources de ces jeunes dont beaucoup d'adultes n'ont pas su révéler la valeur, et qui se transforment radicalement sitôt qu'ils sont considérés, aimés et encadrés comme ils le méritent. Je ne m'attendais pas à être émue par un livre de ce type ; et pourtant, j'ai pleuré plusieurs fois.
Un magnifique projet, à soutenir autant que possible.
Un livre nécessaire et pourtant trop peu connu, que je recommande à tous, le sujet étant d'importance capitale pour chaque citoyen.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Cinq ans dans l'Aisne m'ont rendu évident que, bien loin de se résorber, le déclassement de la France périphérique continue de s'aggraver. Cinq ans d'expérience du Cours Clovis m'ont convaincu que c'est à l'école que commence ce déclassement. Il est vrai que l'école a sa part de responsabilité : une idée dévoyée de la bienveillance la conduit à priver les plus modestes de l'exigence qui leur est due et la distance qu'elle entretient vis-à-vis de familles participe à la fracture de notre lien social. Il faut reconnaître que, ces dernières années, l'école a dû faire face à des enjeux nouveaux auxquels elle n'était pas préparée : l'éclatement des familles, l'intrusion des écrans, l'explosion de la délinquance juvénile... Autant d'enjeux pour lesquels elle n'a pas été pensée. Pour relever ces défis et ceux de demain, comme ceux posés par l'intelligence artificielle et la robotisation, auxquels les enfants de la France périphérique sont particulièrement exposés, il nous faut mettre tout en œuvre pour adapter l'école. Le déclassement scolaire de la France périphérique prive notre pays de nombreux talents et empêche la réinstallation dans les Ruralités des CSP+ qui pourraient contribuer à les redynamiser. Aujourd'hui des initiatives pédagogiques innovantes, plus individualisées, plus intégrales, plus adaptées aux besoins du terrain et aux défis de demain, fleurissent de toutes parts. Malheureusement elles sont réservées aux enfants des milieux les plus favorisés. Ceux qui en auraient le plus besoin n'y ont pas accès.
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Nous voulons leur montrer en quoi le monde serait moins beau sans eux, en mettant en valeur leurs talents pour qu'ils ne doutent pas de ce qu'ils peuvent apporter. Cela se fait assez facilement dans le domaine scolaire : le professeur aura à cœur de souligner les qualités dont un élève fait preuve dans sa matière. Régulièrement, les professeurs informent le directeur et le reste de l'équipe pédagogique des réussites des élèves pour qu'ils puissent être félicités par toute l'équipe éducative. Je me souviens en particulier d'un jour où Anthony, qui était en décrochage avant d'arriver en 5e, avait obtenu 20/20 à sa leçon d'histoire. Son professeur d'histoire m'en avait informé au début de la récréation. Ayant croisé Anthony dans la cour, je lui avais lancé :
« Bravo pour votre note en histoire !
– J'ai eu 20/20 Monsieur ! 20/20 vous vous rendez compte ? »

Fou de joie il était revenu frapper à la porte de mon bureau dans la journée pour me montrer sa copie. Ce n'était qu'une interrogation écrite sur le cours mais cela lui montrait qu'il pouvait retenir, qu'il avait su se mettre au travail, notamment grâce au suivi en étude. Cette réussite valorisée lui a fait gagner beaucoup de confiance en lui dans les jours qui ont suivi.
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L'attention des enseignants conduit la plupart des enfants à retrouver une véritable confiance dans le monde adulte. Certains en viennent même à demander de l'aide à leurs professeurs dans les difficultés qu'ils traversent. C'est Tina qui confie à sa professeure de français, quelques mois après son arrivée dans l'école, qu'elle était harcelée dans son ancien collège à cause d'un élève du Cours Clovis qui avait fait circuler sur son compte d'odieuses rumeurs et qu'elle craint que cela reprenne maintenant qu'ils sont dans la même école. C'est Jonathan, 12 ans, qui confie au directeur qu'il est accro à la pornographie et les techniques qu'il utilise pour contourner les mesures mises en place par sa mère pour l'empêcher d'accéder à Internet. Grâce à cette confiance restaurée, nous avons pu prendre à temps des mesures pour aider ces élèves et beaucoup d'autres, en intervenant auprès de leurs parents ou des enfants qui les menaçaient.
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Au Cours Clovis, nous sommes persuadés que le rôle du professeur ne s'arrête pas à la porte de la classe. Le professeur est aussi un éducateur qui doit utiliser toutes les occasions qui lui sont offertes pour faire grandir l'enfant, en cherchant à développer son intelligence bien sûr, mais également ses émotions, sa sensibilité, sa volonté ou son sens moral. Cette mission d'éducateur n'est pas contradictoire avec la mission de professeur, elle la nourrit. Nous constatons chaque jour combien elle est essentielle à la réussite des élèves sur le plan scolaire. Les élèves ont besoin, pour progresser, d'être en confiance et pour être en confiance de se sentir considérés dans ce qu'ils sont en totalité. Aimer les élèves ne les détourne pas des savoirs, cela leur permet simplement de les aborder avec confiance.
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Cette excellence humaine à laquelle nous invitons nos élèves rejaillit en dehors de l'école. Un jour, la maman de Melvin a dit à un journaliste qui lui demandait ce que l'école avait apporté à son fils : « Il s'est mis au travail, mais ce n'est pas que ça. Il est plus honnête : l'autre jour, il avait cassé la manette de la Playstation de son frère, il est venu me le dire. Quand je lui ai dit qu'il allait devoir la rembourser, il m'a répondu : "C'est normal, maman, il faut assumer les conséquences de ses actes". Il ne m'aurait jamais dit ça avant ! » Ce témoignage m'a beaucoup touché car la semaine précédente l'effort de la semaine était : « L'élève du cours Clovis engage sa responsabilité dans tout ce qu'il fait. »
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