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3,64

sur 184 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Brume londonienne, époque victorienne, humeurs diluviennes et sexualités incertaines.
Ce n'est pas un voyage aux Seychelles que nous offre l'écrivain Joseph O'Connor, frère ainé de la chanteuse Sinead O'Connor ( « Nothing compares » : évocation pour que vous ayez cette chanson dans la tête toute la journée. Ne me remerciez pas).
Pourtant, je ne regrette pas cette sombre ballade en parapluie, enchanté de faire la connaissance de cet univers gothique au style baroque.
Le roman s'inspire d'une histoire vraie et fait suite à une pièce radiophonique créée par l'auteur il y a quelques années.
Trois illustres personnages ramènent à la vie un théâtre abandonné en 1878 : l'acteur anglais Henry Irving, aussi shakespearien que capricieux, sa plus que partenaire Ellen Terry, Sarah Bernhardt des planches anglaises, et l'irlandais Bram Stocker, futur auteur aux dents longues de Dracula mais à la postérité post mortem, administrateur dévoué du Lyceum Theatre.
Les relations entre ces monstres sacrés sont aussi passionnées que troubles et tempétueuses. Dans un Londres terrorisé par les crimes de Jack l'Eventreur, dans des moeurs troublés par le procès d'Oscar Wilde, le roman s'attache à décrire les méandres les plus sombres de la création littéraire et théâtrale. Par sa capacité à envouter les spectateurs et à vampiriser ses proches, Irving apparait comme une source d'inspiration pour Bram Stocker dans la maturation du personnage de Dracula.
Habilement, le récit est structuré de la même façon que le chef d'oeuvre dentaire et couronné de Stocker, témoignages et commentaires se succèdent sans altérer la puissance romanesque de l'histoire.
Si j'ajoute que le théâtre est hanté, que les dialogues sont flamboyants, que l'auteur parvient à débusquer la source mystérieuse de l'inspiration et que les autres personnages du roman, et notamment l'épouse de Bram Stocker ne sont pas que des éléments figés du décor, tous les ingrédients sont réunis pour garantir un roman gothique de haute tenue. Dracula oblige, il s'agit ici d'une littérature bien carnée où les convives utilisent tous les couverts. Pas de gore au programme mais gare aux végans et autres mangeurs de tofu à l'ail qui peuvent s'abstenir.
Fermons ce bal démasqué avec l'ombre de l'auteur, Carine Chichereau. Ayant fait Brexit première langue, je ne peux que saluer la prose de cette traductrice dont le travail ici constitue un écho magnifiant la traversée de la Manche.
Je vais peut-être laisser ma veilleuse allumée cette nuit.
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Avant toute chose, je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Rivages pour cet envoi dans le cadre de l'opération masse critique.
Le bal des ombres est un livre plein d'émotions, de passion, de colère, d'amitié, de tristesse, de cris, d'amour, de débordements en tout genre.
L'auteur nous raconte la vie de Bram Stoker, qui avant d'écrire son célèbre « Dracula », fut l'administrateur du théâtre Lyceum pendant plus d'une vingtaine d'années, mais aussi de Henry Irving et de Ellen Terry, deux acteurs du siècle dernier, tous trois étant amis dans la vie.

Les ombres du titre ce sont à la fois les personnages de théâtre incarnés sur scène pendant des dizaines d'années par Henry Irving et Ellen Terry, mais aussi les personnages des romans de Bram Stoker, qu'on voit littéralement prendre vie sous nos yeux au cours de ce récit.
On pourrait y voir aussi tous ceux qu'on côtoie, qu'on les aime ou qu'on les déteste au cours d'une vie, des ombres parfois furtives mais qui nous marquent pour longtemps.

On se délecte à voyager en train de nuit en compagnie de Bram Stoker, à savourer un verre de champagne avec Oscar Wilde dans les coulisses bondées du théâtre, on rit de la jalousie d'Henry Irving à l'égard de George Bernard Shaw, on se sent mal à l'aise en arpentant les ruelles sombres de Whitechapel alors que des malheureuses se font sauvagement assassiner, on boit, on mange, on rit, on tombe amoureux, on devient jaloux, envieux, aigri avec chacun des protagonistes.

Cette plongée à la fois dans l'univers du théâtre et dans une époque, Londres à la fin du XIXème siècle, m'a beaucoup plu.
Cette immersion dans les coulisses d'un théâtre et dans la vie d'un écrivain a été passionnante, on voit comment le processus de création prend forme, sublime la vie mais peut aussi parfois la détruire.
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Est-ce un destin si flatteur que de créer une oeuvre plus grande que soi ? Dracula est une star, mais qui peut citer spontanément le nom de son créateur ? Et voilà que Bram Stocker devient lui-même un héros de papier, mais c'est au bal des ombres qu'il danse.
Le maître de cérémonie s'appelle Henry Irving. Si duchesses et forts des halles se pâment pareillement quand il joue Shakespeare, ils ne suffisent pas à la gloire d'Irving, bien décidé à hisser sa propre vie au rang d'oeuvre d'art, hâbleur, emphatique et blessant – mordant serait plus juste, puisqu'il fut sans doute le modèle du comte des Carpates.
Ombre parmi les ombres, Stocker à la remorque du grand acteur, ignore encore que la créature qu'il lui inspirera l'enfoncera un peu plus encore dans l'anonymat. Mais les comédiens aussi, incapables de quitter la scène, s'inquiètent de ne pas avoir d'autre visage que les masques portés au théâtre. Furtives, les amours homosexuelles se cachent dans des clubs clandestins et des mariages précipités se nouent après l'arrestation d'Oscar Wilde. Et au coeur du brouillard londonien se tapit une bête immonde et sans visage qui saigne ses victimes : l'éventreur.
Roman de l'emprise, « le Bal des ombres » est aussi le roman des identités diluées : Stocker ne possèdera jamais Irving, ni Ellen Terry, l'amie qui ne sera jamais maîtresse, mais Irving pas davantage n'est maître de lui. Et le lecteur fasciné assiste à ce long jeu de dupes où alternent dialogues désopilants et descriptions lyriques, évocations brillantes, lettres et journaux, narration semblable à un miroir brisé et qui reprend d'ailleurs ce procédé de « Dracula », roman lui-même hybride – comment pourrait-il en être autrement dès lors qu'il décrit une créature hétéroclite, ni vraiment morte, ni très sûre d'être vivante ?
« Je me nourris des autres » dit l'acteur. Ou le vampire.
« L'authenticité, je m'en bats les fesses » dit l'acteur. Et le lecteur de battre des mains, ravi.
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Dans le Bal des ombres, Joseph O'Connor met en scène trois personnages célèbres. Plus exactement deux personnages immensément célèbres à leur époque, celle de la reine Victoria et de Jack l'Éventreur : l'acteur Henry Irving et l'actrice Ellen Terry. À ces deux monstres sacrés des scènes londoniennes s'ajoute un troisième personnage, bien obscur de son vivant, l'administrateur du théâtre Lyceum pendant vingt ans, à savoir Bram Stocker, aujourd'hui dans toutes les mémoires grâce à son Dracula. Ce sont trois amis (plus que des amis, peut-être) qui s'aiment et se déchirent, qui s'amusent (parfois) et qui souffrent (souvent). D'autres personnages célèbres traversent leur vie ou s'y attardent un moment (Oscar Wilde, Walt Whitman, G. B. Shaw, etc.) dans un Londres gothique terrorisé par Jack l'éventreur et où on rencontre au moins un fantôme ; c'est une ville où existent des bars réservés aux hommes, d'autres aux gentlemen, mais quel que soit leur statut social, les uns et les autres attendent la nuit pour s'y rendre aussi discrètement que possible.
***
Les relations des personnages, comme d'ailleurs l'intrigue, sont passionnantes, mais ce qui m'a vraiment plu dans ce roman, c'est sa construction, la pluralité des voix et des techniques narratives ainsi que l'humour omniprésent, dans les moments tendres comme dans les plus dramatiques. Divisé en trois actes (c'est normal : la plus grande partie du roman se situe dans un théâtre) et une coda, le roman commence par une lettre de Bram à Ellen. Elle a décidé d'écrire ses mémoires, et Bram accepte de lui transmettre divers documents pour l'y aider. Il ne lui reste presque rien, lui explique-t-il, mais il va lui donner les pages d'un journal, une liasse de notes travaillées pour en faire un roman ou une pièce de théâtre, une retranscription d'un entretien avec un journaliste ; la plus grande partie des textes sont en sténo, des passages partiellement codés, certains achevés, d'autres non ; il y parle de lui à la première ou à la troisième personne. Pas d'inquiétude ! tous ces éléments magnifiquement utilisés personnalisent et enrichissent le récit pour le plus grand plaisir de la lectrice admirative que je suis. le roman aborde diverses anecdotes sur la vie quotidienne d'un théâtre à cette époque, mais aussi la vie londonienne dans différents milieux sociaux. On visitera même un asile psychiatrique dont un des pensionnaires fera une grosse impression sur Bram Stocker… L'humour se glisse partout, jusque dans les titres de chapitres parfois. Ironique, cynique, cruel, il s'exerce aux dépens de tous, souvent comme une pirouette pour échapper à l'émotion. C'est un régal de lecture que je recommande chaudement !
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Je ne sais même pas par où commencer pour vous parler de ce Bal des Ombres, tellement cette lecture m'a enthousiasmée. Fiction historique sur la vie de Bram Stoker, l'auteur de Dracula, c'est un chef d'oeuvre absolu. Joseph O'Connor réussit le tour de force de nous immerger à la fois dans l'époque, dans la vie de Bram et de ses proches, mais aussi dans son oeuvre.

Bram Stoker est né en 1847 à Clontarf, au nord de Dublin. Après ses études il devient fonctionnaire dans la capitale irlandaise. Il est féru de théâtre et à l'étroit dans sa vie à Dublin, il écrit, il aspire à autre chose. Il a toujours aspiré à autre chose. Un soir il rencontre Henry Irving, le comédien le plus talentueux de son époque, et sa vie bascule : il est engagé comme administrateur du Lyceum, le théâtre Londonien qu'Irving vient d'acheter.

La narration est incroyablement habile. Quelques lettres, un journal en partie rédigé, des passages retranscrits de la sténo, on bascule du roman au théâtre, ce roman est presque construit comme le Dracula de Bram Stoker. Une fiction dans la fiction, pistes brouillées, où se situe donc la réalité ?

On vit avec le Lyceum, de la scène où se jouent Shakespeare ou Dr Jekyll et Mr Hyde aux coulisses où quatre-vingt-sept personnes travaillent, cousent, peignent, en passant par le grenier où Bram écrit. Henry Irving prend vie devant nos yeux, génial, flamboyant et odieux ; assez vite on le devine source d'inspiration pour un certain Comte… le roman est truffé de références, d'allusions, de clins d'oeil à l'oeuvre de Bram Stoker ; c'est proprement jubilatoire. On apprend aussi à connaitre l'actrice Ellen Terry, on croise Oscar Wilde, dans les rues de Londres sévit Jack l'éventreur, l'époque est au spiritisme. On s'attache à Bram Stoker, massif, barbu, secret, dévoué au Lyceum et à Irving, hanté par l'écriture, et qui n'arrive pas à percer. J'ai trouvé touchante la démarche du livre, faire sortir Bram Stoker de l'ombre de son oeuvre.

C'est un roman sensationnel, profond, foisonnant, passionnant – saviez-vous qu'à l'époque les droits d'auteur n'existaient pas vraiment pour les livres ? Pour qu'un texte en bénéficie, il fallait qu'il ait été joué au moins une fois au théâtre, et qu'un billet ait été vendu. Les personnages sont incarnés, l'écriture forte et vivante – et la traduction lumineuse. Et cet humour ! Heureusement, le roman fait 450 pages, on a le temps de le savourer, je suis pourtant triste de l'avoir terminé. Si je m'écoutais, je vous en copierais des passages entiers.

Je vous recommande le bal des ombres avec entrain, vous l'aurez compris !
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Cet ouvrage fut… un délice. Je ressors de ce livre émue et emplie d'empathie pour le trio infernal Irving/Stoker/Terry qui nous amènent dans un Londres Victorien nébuleux mais tout autant flamboyant !
Un Londres entre renouveau théâtral, histoires de fantômes, amitiés et amour où l'on peut croiser au détour d'une ruelle Jack l'Éventreur, la reine Victoria ou encore le grand Oscar Wilde.
Entre dialogues flamboyants et oeuvre romanesque, on ne peut que s'accrocher au futur auteur de Dracula, hanté, passionné, dévoué, Mr Bram Stoker ; au plus grand acteur de son époque, monstre sacré et forte personnalité, Mr Henry Irving et à la belle et talentueuse actrice, Mme Hellen Terry.

Cet ouvrage est une machine à remonter le temps et on a énormément de mal à décrocher de ce Londres splendide et décadent !
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J'avoue, je me suis absolument régalé à la lecture de ce roman historique qui nous plonge dans le Londres de l'époque victorienne, avec d'un côté les premiers prodiges permis par l'électricité et de l'autre les rues mal famées et peu éclairées où sévit l'abominable et insaisissable Jack l'éventreur. le personne principal du roman n'est autre que Bram Stocker moins connu du grand public que sa créature littéraire, le comte Dracula. Hélas pour lui, son vampire ne deviendra célèbre que plusieurs années après sa mort, lorsque le cinéaste allemand Friedrich Murnau en fera une adaptation avec le film muet "Nosferatu le vampire" et que Florence Stoker, la veuve de Bram, se battra (avec succès) pour qu'on reconnaisse ses droits d'auteur sur le scénario.

Sans les bénéfices de cette gloire posthume, Bram, passionné de théâtre, compagnon d'études d'Oscar Wilde au Trinity College de Dublin, trouva un emploi comme administrateur du théâtre londonien du Lyceum, sous les ordres tyranniques de son directeur Henry Irving, un très grand acteur de cette époque, particulièrement renommé dans le répertoire élisabéthain. Un troisième personnage historique, en la personne de la resplendissante comédienne Ellen Terry, viendra compléter la "distribution" des premiers rôles du roman.

Joseph O'Connor, romancier irlandais, se révèle un guide incomparable pour nous faire revivre cette odyssée du Lyceum, théâtre du coeur de Londres qui connu heures somptueuses et périodes de déclin, mais qui est toujours en activité aujourd'hui. Bram, Henry et Ellen, aux identités sexuelles fluctuantes, forment un trio époustouflant de vérité et de sensibilité. L'auteur a le talent de nous faire partager leurs rêves comme leurs ambiguïtés, leurs joies comme leurs désespoirs. La fin du roman, quand le temps a fait son oeuvre et marqué les vies, est particulièrement poignante et vient parachever ce roman épatant.
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Fiction autour des vies de l'auteur de Dracula mésestimé de son vivant, l'Irlandais Bram Stoker, ainsi que des acteurs de théâtre Henry Irving et Ellen Terry, ce roman propose une plongée dans une époque fascinante, l'Angleterre dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle.
J'ai trouvé le roman formidable dès les premières pages, craignant toutefois que l'enchantement cesse. En effet, jusqu'alors, je n'avais pas trop aimé Joseph O'Connor dans ses romans historiques : léger ennui avec L'étoile des mers et vraie déception avec Muse, alors que j'avais adoré ses romans à l'atmosphère plus contemporaine.
Rien de tel cette fois, l'immersion dans les coulisses d'un théâtre londonien est totale, c'est une parenthèse merveilleuse. le très sérieux Bram Stoker y était régisseur, bras droit du « Chef » Irving, personnage des plus fantasques. L'actrice Ellen Terry a fréquenté souvent les planches du Lyceum. Entre les trois figures du roman s'est jouée une grande histoire d'amitié, très certainement, d'amour, peut-être, qui a été, comme le suggère Joseph O'Connor, un des moteurs de la création de Dracula.

Je ne saurais énumérer tout ce qui m'a plu dans le roman, les passages émouvants avec Mina, vous verrez qui elle est, drôles avec Oscar Wilde, légers avec Ellen Terry, torturés avec Bram Stoker, amers avec Florence, son épouse… La multiplicité des thèmes, des points de vue, des supports de récit est quelque chose que je n'aime pas toujours dans un roman, l'artificialité y pointe parfois son nez, mais pas ici !
J'ai lu que la dernière partie avait parfois été jugée trop longue, mais pour moi, il est indispensable de retrouver deux des personnages dans leur vieillesse et certaine scène de la salle des ventes n'aurait pu être négligée. Bref, tout m'a plu, de la forme au fond, et surtout la forme d'ailleurs, ce qui est la marque d'un texte qui va rester. Je repars avec des images formidables, nées de l'imagination de Bram Stoker lorsqu'il se rend dans les combles du théâtre pour s'y isoler et écrire, comme lorsqu'il surplombe la ville et imagine Londres vidée de ses habitants par une épidémie, ou qu'il tremble en imaginant derrière chaque quidam Jack l'Éventreur. Outre ce personnage de sinistre réputation, on croise dans le roman, parmi d'autres, Oscar Wilde ou Walt Whitman, et les rencontres sonnent toujours tellement juste qu'on est là, parmi eux, sur les planches du Lyceum, dans un train ou une taverne. On assiste également à des événements de la fin d'un siècle au début d'un autre, des prémices de l'impression de photographies aux manifestations des Suffragettes.
Je crains de ne pas réussir à vous montrer à quel point ce roman est splendide et foisonnant, faisant passer en quelques lignes du sourire aux yeux embués… Quelle fantastique re-création, elle m'a procuré une semaine de lecture en apesanteur !
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Immersion totale et envoûtante dans le Londres de la fin du XIXe.

Février 1908, à la demande de son amie, la célébrissime actrice Ellen Terry, l'auteur Bram Stoker lui envoie tous les souvenirs écrits qu'il lui reste de leur ami décédé depuis peu, l'acteur Henry Irving.
Tous les trois ont, pendant de nombreuses années, redonné vie au théâtre du Lyceum à Londres, célèbre notamment pour ses représentations de pièces de Shakespeare.

« le Lyceum est couvert de chaînes, le verre des tableaux d'affichage brisé, les marches de l'entrée recouvertes de feuilles mortes et de bouteilles cassées. le porche sert de latrines aux gens de la rue ; les cadenas des portes principales sont noirs de rouille. Plus loin dans la rue, la splendeur de marbre de l'opéra Royal toise le Lyceum d'un air condescendant mêlé de pitié. Pauvre trou misérable. »

Toute ressemblance avec la forme épistolaire du roman Dracula n'est bien sûre pas fortuite. S'enchaînent ainsi des pages de journal, quelques retranscriptions d'enregistrement audio ou encore des liasses de notes, parfois très énigmatiques. Création dans la création, l'auteur se plait à imaginer qu'elles auraient pu être les sources d'inspiration de Bram Stoker dans l'écriture de son chef d'oeuvre. Et les références sont nombreuses, tantôt évidentes quand il s'agit du nom de certains personnages, tantôt plus discrètes. Je pense d'ailleurs que certaines m'ont échappé, ma lecture de Dracula n'étant pas récente.

Ce qui aurait pu juste être une belle idée de départ est magnifié par une écriture qui donne à chaque lieu, chaque personnage, authenticité et profondeur. L'effervescence d'une représentation au Lyceum, l'atmosphère angoissante des rues de Londres alors que Jack l'éventreur y rode, ou encore le mystère qui règne dans l'antre de Mina, tout est minutieusement décrit et prend vie sous nos yeux.

« Ciel pourpre taché de sang, marbré de traces de doigts noires et d'une poignée d'étincelles d'or. Puis une aube laiteuse se lève au-dessus des marais, des bleus pâles, des gris, des verts boueux, pareils à l'aurore sur une aquarelle de jeune vierge. Hêtres vacillants ici et là, sorbiers, grands érables, puis une rangée royale d'ormes battus par les vents, et le V d'une volée d'oies sauvages s'élançant à travers le vaste ciel, telle une flèche pointée vers quelque immensité. »

Les acteurs de ce spectacle victorien ne sont pas en reste. Exubérants ou mélancoliques, sublimes ou terrifiants, parfois au bord de la folie, ils sont tous superbement incarnés. Henry Irving a-t-il réellement inspiré Bram Stoker pour son Dracula, le mystère reste entier, mais la fascination qu'il a dû exercer fait elle peu de doute.

Un univers chatoyant, parfois sombre et étrange, qui oscille en permanence entre le réel, l'imaginaire et le surnaturel pour nous replonger avec délectation dans les récits gothiques du XIXe.

(Un grand merci à ODP31 dont la critique m'a permis cette belle lecture).
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Mon tout premier roman par Joseph O'Connor : il était absolument gé-nial !
Au départ, je l'ai emprunté à la bibliothèque parce qu'il parlait de Bram Stoker (j'ai lu son Dracula récemment), à cause de l'atmosphère gothique 19ème avec Jack l'Eventreur en arrière-plan et une poignée de fantômes, à cause du théâtre, que j'aime, et parce que je n'avais jamais rien lu de Joseph O'Connor, dont je connais beaucoup mieux la soeur.
C'est un gros bouquin de presque 500 pages, mais je l'ai rapidement dévoré, accrochée dès le départ.
J'ai aimé les personnages, bien sûr, formidablement écrits, il y avait des dialogues brillants et plein d'esprit, et la profondeur de l'histoire. Il y a plusieurs références à Dracula, dans la façon dont le roman est écrit (lettres, enregistrements, documents en sténo), mais également la coupure sur le cou de Bram (il s'est coupé en se rasant !).
J'ai adoré m'immiscer dans l'intimité de ces trois personnages, Bram, Irving et Ellen, cet étrange triangle amoureux, étrange mais empli d'affection l'un pour l'autre, qu'ils le montrent ou pas. Regarder Bram et Irving discuter revenait à voir un vieux couple se disputer, ils étaient adorables. Pauvre Bram, tout de même, qui voulait être reconnu comme auteur mais n'y est parvenu qu'une fois mort... et en attendant, n'a jamais reçu le moindre soutien d'Henry, bien au contraire !
Ce roman était émouvant mais non dénué d'humour et revenait toujours ici et là à l'Irlande.
Je l'ai emprunté à la bibliothèque, certes, mais il faut que je me l'achète et que je puisse m'y replonger quand l'envie me prendra.
Génial, j'ai dit, vous attendez quoi au juste ? Filez le ire tout de suite !!
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