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3,18

sur 82 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Roman de Joseph O'Connor.

Londres, 1952. Dans une chambre sordide, on découvre une vieille femme rongée d'alcool et de souvenirs. Une voix s'adresse à elle et la replonge dans le passé. Pendant toute une journée, nous suivons les errances d'une actrice oubliée, d'une amante méprisée et d'une femme ruinée. Molly Allgood, dite Maire O'Neill, a connu le succès sur les planches au tournant du siècle. Son talent servait les pièces que son amant, le dramaturge irlandais John Millington Synge, écrivait pour elle. Molly était belle, libre, irlandaise et exigeante. Et tellement plus jeune que Synge. « Parce que c'est vrai, les commères, les curieuses, les fouineuses en ont toujours fait toute une histoire de votre différence d'âge. » (p. 14) Qu'importait les cancans, elle était son « Enchanteresse », il était son « Vagabond ».

Mais la belle histoire d'amour prend l'eau de toute part. Les fiançailles resteront inabouties. D'abord sourde aux mises en garde, Molly ouvre les yeux et voit son rêve s'étioler. Elle sera la muse de Synge, son amante passionnée, « une maîtresse perpétuelle, une doublure » (p. 189), mais son épouse jamais. Synge s'emploie à dégrossir la jeune Irlandaise pour en faire une femme du monde, avec des manières et de la tenue. Mais on n'enchaîne pas un poulain sauvage. Et la relation amoureuse se teinte d'amertume : « Il est l'exemple type que bien des femmes ont connu : l'amant qui se meurt d'amour, mais qui en secret rêve d'être éconduit. » (p. 113) le couple se déchire et exprime dans son art une passion délétère. « Elle le trouve bizarre. Il est nerveux, l'informe-t-il. Comme tous les écrivains. C'est le prix de l'art. Or elle sait le prix de l'art, elle le paie depuis un moment. Certains des poèmes d'amour qu'elle lui a inspirés sont des hurlements de douleur. » (p. 106)

Molly avait tout pour déplaire à la bourgeoisie bien-pensante et presbytérienne d'Irlande : elle était femme et des plus libres, elle était catholique, elle était une actrice. Les différences d'âge, de religion, de milieu social et d'éducation signaient l'arrêt de mort du couple. À la mort de Synge, elle n'a droit à rien. Elle vit un moment sur la vague de leurs deux succès, elle se grise de la reconnaissance d'un public qui célèbre l'auteur et l'actrice. Mais l'oubli s'approche d'autant plus vite que Molly plonge dans le réconfort mensonger de l'alcool. Les décennies ont filé et Molly n'a pas oublié l'amour de sa vie. Mais il y a si peu à en dire désormais. « Mais que dire ? Il a vécu. Il est mort. Nous nous désirions l'un l'autre. Il avait peur. Quelle mauvaise pièce cela ferait sans héros ni héroïne, les meilleures répliques restant en coulisses. » (p. 31) Entre passé et présent, les remous d'hier font les souvenirs d'aujourd'hui.

Joseph O'Connor distille subtilement des références au fil des pages. On croise Daphné du Maurier et Manderley, Horace Mc Coy et un certain linceul, Oscar Wilde et Dorian Gray, etc. Entrecoupant le récit comme une voix à part entière, les ballades irlandaises donnent au roman une profondeur nostalgique aussi insondable que la solitude dans laquelle se replie la vieille Molly. La voix qui s'adresse à l'actrice déchue quelle est-elle ? Est-ce Molly qui s'admoneste une dernière fois ? Est-ce Synge, d'outre-tombe, qui parle encore à son bel amour ? Est-ce Sara, la soeur également actrice, qui contemple la triste fin d'une artiste qui n'a pas su s'envoler vers l'Amérique ? Peu importe, cette voix devient celle du lecteur et nous accompagnons Molly tout au long de sa journée, comme on accompagne un pèlerin sur le chemin de ses souvenirs.

L'auteur fait revivre avec brio et finesse un couple d'amants maudits. Il place avec justesse Molly sur le devant d'une scène qu'elle n'aurait pas du quitter. Et Synge reprend ses droits d'auteur et d'homme sur le coeur de la jeune fille. Pygmalion d'un nouveau genre, Joseph O'Connor rend à Molly Allgood sa place sur un piédestal éternel. Ce roman, habilement construit et superbement écrit, soulève le rideau d'un théâtre immuable, celui des passions humaines.
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Ce livre débute sur l'image d'une vieille femme imbibée d'alcool ressassant ses souvenirs d'une époque révolue. Nous sommes à Londres en 1952 face à Molly Allgood ou Maire O'Neill, ancienne actrice qui connu le succès et muse du célèbre dramaturge John Millington Synge.

Dans ce roman, nous suivons l'actrice déchue durant une journée dans les rues de Londres mais aussi dans les ruelles de son passé, évoquant son amour pour Synge et ses rêves. Leur amour sera bref, les différences trop importantes pour cette époque aux moeurs fragiles : différence d'âge, religieuse et sociale, tout pour déplaire à la famille Synge si à cheval sur les conventions. Aucune union entre les deux amants, le sacrifice d'une séparation et la mort de l'homme de sa vie rongé par la maladie auront raison de la fragilité de Molly, noyant son chagrin dans l'alcool.



Un voyage entre les époques qui finit tout de même par être un peu lourd s'y ajoute également trop de platitude à mon goût, l'histoire en elle-même est passionnante à n'en pas douter mais je persiste sur le fait que les nombreuses métaphores et descriptions trop longues ont alourdi le récit de détails inutiles.



Roman nostalgique et belle ballade irlandaise autour d'un amour perdu et de la solitude.
Lien : http://stemilou.over-blog.co..
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Si le dramaturge John millington Synge connaît une belle notoriété parmi les amateurs de littérature irlandaise, l'actrice Molly Allgood ne peut en dire autant parmi nos contemporains. Selon les voeux de Synge, ce couple de légende est resté dans l'ombre et Molly, terminera sa vie seule et sans le sou avant d'être internée en hôpital psychiatrique.

C'est d'ailleurs en 1950, à Londres, que nous retrouvons l'ancienne actrice. La belle a perdu de son lustre et c'est désormais une vieillarde qui traîne ses nippes dans les rues à la recherche de quelques sous. Une vieille femme donc, qui survit péniblement, en se réchauffant à coup d'alcool et de souvenirs. Car des souvenirs, Molly en possède de nombreux. Tous liés à son grand homme de théâtre à qui elle restera toujours fidèle même après avoir choisi de le quitter. L'histoire d'amour de toute une vie que Molly nous conte à sa façon dans ce roman qui s'appuie sur des faits réels.

Muse nous plonge donc dans les affres nostalgiques de Molly, suivant au gré de ses pensées des épisodes du passé. Se déroulant sur une journée à l'issue tragique, son parcours ne manquera pourtant pas de nous conduire à travers les époques.
Sans aucun ordre chronologique, nous allons découvrir les débuts de Molly, sa rencontre avec Synge qui signera le début d'une vie amoureuse compliquée par la trop grande pudeur de Synge, son désir de rester secret et de ne pas trop s'impliquer, pris par les affres de la création et trop tenu par une mère dominatrice. Molly, elle, respire l'insouciance, la liberté. Elle n'hésite pas à braver les traditions de la famille pour vivre comme elle l'entend. Issu d'un milieu populaire, elle découvre à ses côtés l'art, la littérature et tente de perdre son accent peu raffiné. On est le spectateur de leurs échanges épistolaires, riche de références intellectuelles et de petits mots passionnés.Il est protestant , elle est catholique et pourtant leur amour dépasse les clivages.
Au delà de leur histoire d'amour, on découvre aussi toute une époque, tout le milieu théâtral anglais qui vît les débuts de Synge et de Yeats, l'incompréhension du public, l'attachement de Synge envers les petits paysans qui va à l'encontre de son éducation.

Leur histoire tournera court et c'est la vieille Molly qui, en tant que dernier témoin, nous livrera son témoignage sur cette époque bénie. le contraste est d'autant plus choquant que Molly vit désormais dans le dénuement le plus total, se nourrissant de souvenirs faute d'aliments. Sa déchéance est poignante, tout comme sa fierté à vouloir sauver la face, envers et contre tout. Les allers-retour entre les époques perturbent quelque peu au départ, avant de nous embarquer dans un tournoiement de misère et de gloire. Synge n'est plus mais l'amour de Molly continue de flamboyer sous sa carapace décrépie, s'accrochant à quelques lettres comme à un trésor de grande valeur.

Formidable roman dont la très belle écriture nous interpelle dès les premières lignes ! La narration se fait à la deuxième personne et prend à partie à la fois le lecteur et Molly, comme une petite voix de la conscience qui admonesterait son enveloppe physique. Très écrit, dans une prose raffinée qui retranscrit bien les formes et l'ambiance de l'époque, Muse nous catapulte dans un Londres théâtral où les carrières se font et se défont au gré d'une opinion publique arrêtée et peu novatrice. Amour, solitude, difficulté de la création littéraire, théâtre, histoire irlandaise, ce roman d'inspiration historique et littéraire s'avère très dense et riche d'émotions. Suivant le parcours d'une jeune fille naïve qui deviendra néanmoins la muse d'un grand auteur, le lecteur ne peut que s'attacher au personnage et découvrir un aspect peut-être méconnu de l'auteur. Centré autour de Molly, le texte tend à mettre en avant celle qui fut toujours dans l'ombre tout en brillant sur les planches.

Muse est sans conteste un roman brillant qui fait la part belle à la finesse et transforme un amour à la fois passionné et douloureux en un petit bijou littéraire. Un superbe hommage à un dramaturge que, je dois le reconnaître, je ne connaissais pas vraiment.
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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Muse/Joseph O'Connor
Arrivé à la page 124 de ce récit, je me pose la question de savoir si je vais poursuivre ma lecture jusqu'au terme. En effet, ce roman est certes bien écrit comme l'ont souligné divers lecteurs. Mais il suinte l'ennui, un ennui latent, permanent, irrépressible comme la grisaille irlandaise émanant de ces lignes. Est-ce dû à la technique narrative et la construction un peu confuse ou à l'amoncellement de détails descriptifs ? Un peu sans doute, mais aussi en raison de longueurs. L'ennui arrive avec cette tristesse des lieux décrits sur un ton monocorde et un sentiment de déréliction. le froid, la pluie, la monotonie et le mal-être de Synge envahissent le lecteur. Un ensemble assez décousu et laborieux en définitive.
Certes de très belles descriptions des paysages irlandais émaillent ce récit, mais souvent on ne sait plus où l'on est. Ce roman ressemble à une succession d'instantanés ou de tableaux juxtaposés sans lien véritable qui puisse entrainer le lecteur. Je retiendrai l'élégante manière de tenir des propos salaces et aussi certains dialogues assez cruels entre Molly et John après les fiançailles.
La fin est particulièrement tragique et les errances de Molly, actrice oubliée et ruinée, amante méprisée font mal.
En définitive, c'est un assez bon livre, mais pas très facile à lire. Demande de la persévérance pour parvenir au terme.
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Curieusement, j'éprouve souvent plus de difficultés à exprimer les raisons qui m'ont fait aimer un roman, que celles qui ont occasionné une déception. Je crois que cela tient, dans certains cas, au fait que la beauté du texte s'impose à moi et m'enchante, avec comme conséquence l'envie de me laisser mener docilement par la plume de l'auteur, d'éprouver le plaisir de sa prose sans que me vienne à l'esprit l'idée de l'analyser au risque de perdre une partie du plaisir.

C'est ce qui s'est passé avec "Muse", le dernier roman de Joseph O'Connor. L'écriture y est si envoûtante, elle rend son héroïne si émouvante, que vous ressentez le besoin de relire plusieurs fois certains passages, pour vous en imprégner, les apprécier profondément, et surtout, vous vous efforcez de ne pas lire trop vite, dans l'angoisse du dénuement que vous pressentez à l'idée de la fin d'une si belle expérience de lecture.

L'histoire de "Muse" n'a, au fond, rien de très original. C'est celle de l'amour interdit, contrarié, au début du XXème siècle, entre Molly Allgood, jeune actrice irlandaise, et de l'auteur John Millington Synge.
Tout, a priori, les sépare : le milieu social, l'âge, le caractère... Leur liaison durera à peine deux ans, écourtée par la mort de John qui, atteint d'une grave maladie, n'atteindra pas quarante ans. Et pourtant, des sentiments très forts les unissent.
Chacun d'eux, à sa façon, se veut libre et indépendant. Lui, solitaire, fuyant les obligations mondaines, se livre à son art sans concession, ni tolérer aucune censure, qu'elle soit morale ou religieuse. Son oeuvre majeure, "Le baladin du monde occidental", fit scandale dans l'Irlande puritaine et attachée aux conventions de ce début du XXème siècle.
Quant à Molly, sa modeste condition ne l'empêche pas d'être frondeuse et sûre d'elle en toutes circonstances, d'exprimer ses opinions sans complexe.

Leur relation nous est restituée par Molly avec le recul des années. le récit débute en 1952. La belle et jeune actrice au caractère bien trempé est devenue une femme prématurément vieillie, indigente, alcoolique et solitaire. Nous apprenons fugitivement qu'après son histoire d'amour avec John, elle a été mariée, a eu deux enfants (dont un fils mort à la guerre) et pourtant, c'est la mémoire de son écrivain d'amant qui, trente ans après, la hante sans relâche.
Les souvenirs de cet amour, de sa gloire d'alors, en tant qu'actrice (qui perdurera quelque temps après la mort de John) se manifestent à tout moment, colonisant ses pensées, ses sentiments, rendant plus cruelle et plus amère encore la misère sordide et esseulée qui constitue désormais son quotidien.
Elle donne le sentiment de se raccrocher, pour survivre et ne pas sombrer complètement dans la folie, à des fantômes : celui de son amour perdu, de sa jeunesse, celui d'une autre elle-même qu'elle rend, par la force émotionnelle de ses réminiscences, étonnamment palpable, vivante.

Ne passez pas à côté de ce superbe roman, dans lequel Joseph O'Connor, de son écriture à la fois puissante et poétique, nous révèle toute l'étendue de son talent.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Captivant et émouvant : un beau roman qui retrace l'amour de deux êtres que tout séparait.


Captivant car difficile de lâcher la lecture de ce livre qui est à la fois un récit de type biographie mais aussi une reconstitution historique.
Ce qui m'a surtout intéressée, c'est le ton et le type de narration employé; ce n'est pas un roman historique mais plutôt l'histoire de cette jeune comédienne et de son amoureux un célèbre dramaturge irlandais du début du vingtième siècle.
Cette histoire de facture classique avec une très belle écriture classique aussi, dépeint la vie en 1908 début de la passion entre une jeune comédienne âgée de 19 ans et un dramaturge de 37 ans.
Molly est catholique et lui est protestant mais surtout ils sont issus de classes sociales différentes, la mère de Synge n'admet pas que son fils fréquente une « catin de comédienne ».
Ce qui est émouvant aussi c'est la force de cet amour face aux difficultés de leur existence : refus de la famille de Synge de reconnaître la jeune fille mais surtout le cancer qui frappe le dramaturge.

Du tragique donc dans ce roman, de l'amour aussi bien sûr mais de la tendresse également : « l'enchanteresse » ou Molly telle que la nomme son amoureux a toujours gardé beaucoup d'amour pour son « vagabond », jusqu'au bout, elle conserve une lettre de son amoureux.
La description de la fin de sa vie détruite par l'alcool, la faim et la solitude m'a beaucoup émue aussi.

La construction narrative avec l'alternance entre le passé et le présent ainsi que le « tu » employé par Molly lorsqu'elle se raconte ont contribué au plaisir de la lecture de ce roman.

C'est un livre à partager et à recommander à tous les passionnés de littérature.




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Ceci est un achat compulsif, une envie de voyager dans le temps par la lecture. Si le lancement a été un peu laborieux, le temps de se faire à l'utilisation de "tu" pour parler au personnage principal, l'actrice déchue Molly Allgood, la lecture de ce roman s'est déroulée ensuite de manière très fluide, Joseph O'Connor nous fait voyager dans les terres du Wicklow, de Dublin et de Londres avec une grande facilité et permet à quiconque de (re)découvrir qui pouvait bien être ces deux personnages, les amoureux maudits du théâtre de Dublin, Maire O'Neill et John Millington Synge, l'auteur du Baladin du monde occidental.
Les amateurs de flaskbacks seront comblés, une lecture très belle, et enrichissante, en rappelant bien qu'il ne s'agit pas d'une biographie...

Lien : http://lesquotidiennesdeval...
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