Reprenant l'idée originale de
Nicholas Meyer (et ne s'en cachant pas dans sa préface et sur la 4ème de couverture)
Keith Oatley fait se rencontrer Sherlock Holmes et
Sigmund Freud à Vienne au tournant du XXe siècle. Comme chez
Nicholas Meyer, il s'agit pour le bon Dr Watson d'amener Holmes à son insu en consultation chez le Dr
Freud dans le but de guérir le détective de ses crises de « mélancolie » et de son addiction à la cocaïne.
Le roman comporte plusieurs narrations qui se recoupent : « le journal d'Emily », fil conducteur du récit rédigé par le personnage principal, qui sera une patiente pour Sigmund et une suspecte pour Sherlock ; « La conférence de
Freud », donnant l'avis du thérapeute sur sa patiente ; «
L'affaire viennoise », un manuscrit non publié de John H. Watson ; et pour terminer « le récit de Sara et d'Emily » qui donne sa conclusion au roman dans une quatrième partie.
Nicholas Meyer nous avait servi un thriller échevelé, où transparaissaient déjà les intentions belliqueuses de l'Allemagne à la vielle de la première guerre mondiale ; l'intention de
Keith Oatley, qui exploite également ce thème, est toute autre. Nul thriller ici (le contexte géopolitique et les manoeuvres allemandes font figure d'alibi), nulle intrigue policière (on sait tout du crime supposé, du coupable et de la victime), l'enquête policière elle-même est plutôt plan-plan et s'étire en longueur, l'action est réduite au minimum, et l'accent est plutôt mis sur les théories psychanalytiques alors naissantes, seul sujet qui semble intéresser
Keith Oatley. Alors que les références aux publications de
Freud sont légion, on ne peut en dire autant des références au canon holmésien, même si elles existent incontestablement (l'incontournable allusion aux plans du Bruce-Partington et les débuts de Holmes dans la carrière d'espion au service de la Couronne britannique).
Mise à part la participation réduite d'Holmes et de Watson cantonnée dans une partie du récit, ce roman présente d'autres défauts qui ne manqueront pas d'agacer les amateurs d'histoires holmésiennes : Watson prend trop souvent en charge les dialogues à la place de Holmes (notamment en présence de
Freud) ; le livre est très bavard et ressasse une histoire somme toute assez simple, sans réels rebondissements ; le « crime » d'Emily, présenté dès le départ comme de la légitime défense, ne vaut même pas la peine que l'on s'y arrête ; il faudra attendre la page 298 pour qu'Holmes et
Freud se rencontrent enfin, et cette rencontre – qui donne son sous-titre au roman – ne présentera guère d'intérêt ; l'analyse comparée des méthodes d'Holmes et de
Freud et l'influence supposée de l'un sur l'autre sont bien peu convaincantes ; la piste allemande est étudiée hors champ, par des intermédiaires, et elle s'intègre assez mal au récit, etc.
La liaison entre Emily et Sara, que l'on voit venir à des kilomètres, n'apporte même pas le piquant qui aurait pu donner un tournant sulfureux et un regain d'intérêt au récit. Hélas, la narration de la dernière partie adopte le même ton uniformément mièvre sans véritablement relancer le scénario.
En conclusion, ce livre ne peut intéresser que les collectionneurs de pastiches holmésiens, mais sans constituer pour autant un achat prioritaire, de meilleurs romans que celui-ci peuvent en effet être conseillés, à commencer par La solution à sept % de
Nicholas Meyer sur un sujet identique. On peut également trouver d'autres bons polars où
Freud mène l'enquête (mais sans Sherlock Holmes) comme
L'interprétation des meurtres de
Jed Rubenfeld et Manhattan
Freud de
Luc Bossi.