Purge ne laisse pas indifférent, et les critiques tous azimuts (beaucoup de bonnes et quelques moins bonnes) prolifèrent sur le site, je vais donc en ajouter une de plus, sans lire les précédentes pour ne pas être influencé.
On compare
Sofi Oksanen aux écrivains de polars venus du froid, et il y a au moins quatre bonnes raisons à cela : on trouve bien quelques meurtres et quelques mafieux dans le roman, l'histoire oscille entre plusieurs époques, la tragédie prend racine pendant la seconde guerre mondiale et en effet la latitude de l'Estonie n'augure pas un climat des plus cléments (capitale : Tallinn : 59°26 N, soit largement plus au nord qu'Ystad, la ville du polar suédois par excellence située à 55°25 N).
Mais les ressemblances s'arrêtent là. J'avoue avoir eu du mal à entrer immédiatement dans cette histoire, et il m'a fallu franchir la première centaine de pages avant de m'intéresser réellement aux personnages, assez antipathiques. Une espèce de mamie Nova en jupon s'active dans sa cuisine avec sa tapette à mouches. Une jeune SDF mal en point et mal lunée échoue dans la cour de sa ferme. On ne sait rien sur elles, et pour cause, tout le roman va tourner autour de ces deux femmes pour progressivement révéler leurs lourds secrets et leur sordide passé. Pas d'énigme à résoudre, pas d'enquête ni d'enquêteur, pas d'aveux. Les ressorts de l'histoire sont ailleurs, nous découvrons par petites touches les liens qui unissent ces deux femmes, aux destins chahutés et broyés par l'histoire de leur pays tour à tour pro-allemand, pro-russe, pro-occidental... Ce qui dérange dans ce roman, ce sont la mise à nu des instincts les plus bas : jalousie, haine, folie, trahison, intégrisme politique, esclavage sexuel... et j'en passe, et la brutalité de certaines scènes, accrochez-vous, en trois mots, on assiste à des meurtres qu'on n'avait pas vu venir la phrase précédente. Il faut reconnaître l'efficacité du style de
Sofi Oksanen pour décrire la violence pure, dérangeante car brutale et sans explication. Dérangeant également le fait que les personnages principaux, certes des victimes, ne sont pour autant pas si irréprochables, ce qui ne favorise ni l'identification ni l'empathie.
La fin curieuse du roman apporte des clés indispensables pour déchiffrer tout ce qui précède, sous la forme froide et distanciée de rapports administratifs confidentiels. Procédé étrange et surprenant mais encore une fois très efficace. Un bon roman alors ? efficace ? nécessaire ? oui mais difficile à avaler et amer... comme une
purge.