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Apprenons le russe par le viol.
Non, c'est pas drôle, mais c'est ce qui m'est venu en lisant ces coups de poings déguisés en pages.
Vous connaissiez l'Estonie, vous ? Capitale Tallin. Pour s'en souvenir, c'est Staline sans S.

L'Estonie borde la mer Baltique et le golfe de Finlande. Regroupant plus de 1 500 îles, son territoire varié se compose de plages rocheuses, de forêts centenaires et de nombreux lacs. Elle compte un grand nombre de châteaux, églises et forteresses juchées sur des collines. Tallinn, la capitale, est célèbre pour sa vieille ville préservée. Merci Wiki.
Environ 1,5 million d'habitants, pour une superficie équivalent à environ un dixième de la France. Disons la Bretagne et le Cotentin réunis.
Á noter : les Estoniens sont finno-ougriens, et donc, pas baltes. Parait même que ça les énerve un peu qu'on les colle ainsi dans le trio des "pays baltes", mais ya des choses plus graves.
Leur petit voisin terrestre, c'est la Lettonie au sud. Et le grand voisin, le grand malheur, la grande ombre sanglante, à l'Est, c'est la Russie.

En lisant ce livre, le destin de quatre femmes dans le tumulte du XXè siècle, cette fois j'ai étudié l'histoire et la géo du pays, je voulais ne rien rater, alors que je m'y suis prise un peu tard pour la Finlande et le livre de Paasilinna - déjà pas vraiment à la gloire des Russes. Je vous résume ça à la louche :
Du XIIIè au XXè siècle, les Estoniens dans leur petit pays ont été envahis par :
les Chevaliers-Porte-Glaive teutoniques en croisade, qui convertissent le pays à la chrétienté, et implantent dans le pays les Germano-Baltes, représentant l'élite. La plèbe c'est les gens du crû, les finno-ougriens.
Puis les Suédois. Avec eux, le pays devient luthérien.
Puis à la défaite de la Suède contre Pierre le Grand, l'Estonie est avalée pour deux siècles par la Russie tsariste, du XVIIIè au XXè.
Le tsar accepte que le pays reste relativement dirigé par la fameuse élite germano-balte.
Les Estoniens louvoient avec tout ce monde, ça ne se mélange pas trop en fait, mais ils gardent le complexe de l'inférieur par rapport aux Germano-Baltes, le complexe paysan, le pays vient à peine de se débarrasser du servage. Il faut attendre les romantiques allemands du XIXè pour que la conscience estonienne relève la tête. Car ces écrivains à la plume alerte se passionnent pour les légendes estoniennes d'avant les croisades, trouvant ça trop chou.
Deux médecins estoniens germanisés, Faehlemann puis Kreutzwald, publient en un très long poème les huit récits mythologiques qui bâtissent l'âme estonienne, lui donnant ainsi un socle national. le gag, c'est qu'ils ont picoré dans des légendes d'ailleurs et en ont même inventé deux-trois, déjà de la fake new ! Mais pas grave, ça a pris, et les habitants de ce pays déjà trois fois annexé sont devenus des Estoniens ayant droit de cité. Et bientôt, fiers d'être estoniens.

Fin du XIXè, après la mort du tsar Alexandre III le pas cool, la pression se relâche. Des hommes politiques estoniens revendiquent l'identité nationale. Pas encore de poussée indépendantiste.

En 1917, pendant la première guerre mondiale, les Allemands occupent l'Estonie toujours sous domination russe. Ils pillent le pays, réinstallent les germanophones, exécutent les bolchéviks infiltrés et les nationalistes estoniens.
Pendant le bordel de la révolution russe de 1917, une grosse manif estonienne devant le gouvernement russe à St Pèt fait que OK OK, la nation estonienne est acceptée avec des frontières qui sont quasi celles de maintenant. La langue estonienne s'impose. Les fonctionnaires russophones sont renvoyés. Les Allemands sont toujours dans le coin.
Et hop, en 1918, l'Allemagne perd la guerre, et quitte le pays. Les clandestins estoniens reprennent le pouvoir.
En février 1919, l'Armée Rouge est foutue dehors. Elle revient par le sud, est repoussée. Pendant ce temps, les Allemands et les Germano-Baltes attaquent par le sud, en Juin ils sont repoussés. L'Armée Rouge s'y remet à Narva et est difficilement repoussée.
Et enfin le 2 février 1920, c'est le traité de Tartu et l'Indépendance de l'Estonie. Même les Estoniens vivant en Russie peuvent revenir (seulement la moitié d'entre eux y parviendra).
Cette indépendance durera de 1920 à 1939.

Le livre débute en 1992, mais l'histoire des deux héroïnes du livre commence à ce moment. Les sisters sont nées en 1920 et 1925. La vie est jolie en Estonie libre.
Les terres des gros fermiers et du clergé sont revendues aux paysans eux-mêmes. Pas plus de 8h par jour de travail, des congés payés, estonisation des élites, reprise économique correcte après la crise de 29. le pays est plutôt anti-communiste, mais il y a montée du populisme. La ligue fasciste finit par être écartée, mais le pouvoir se durcit.
Puis la tension monte, la 2ème guerre mondiale est en train de s'installer.

En 39, le pacte germano-soviétique trucide littéralement cette indépendance de l'Estonie. Les deux ex-occupants historiques, Allemands et Russes, se font des politesse en se marrant, par Hitler et Staline interposés. Tu veux ci ? Je prends ça, le reste, tu fais comme tu veux. L'Estonie essaye de s'instituer pays neutre comme la Suède vient de le faire, mais Staline ne l'entend pas comme ça. L'Allemagne a demandé le retour d'Estonie des germanophones, qui quittent entièrement le pays pour la première fois depuis le XIIIè siècle.
Maintenant l'oncle Jo fait ce qu'il veut de ses petits voisins ougrio-finno-baltes.

En Juin 40 les troupes soviétiques entrent en Estonie. L'enfer va commencer. Pas de résistance face aux 90.000 bolchos et leurs tanks, on restitue les armes, les Russes prennent les media et interdisent toute activité politique. Des élections truquées ont lieu, remportées à 93% par les communistes, ça alors ! En Août 40 l'Estonie entre dans le giron de l'URSS.
Commencent les purges chères au coeur du tendre Staline.
Le NKVD purge le pays, de ses cadres notamment, arrêtés, déportés ou fusillés, comme il l'a déjà fait à Katyn avec les Polonais. Purge, c'est le nom du livre.
Terres confisquées, économie nationalisée, langue russe imposée, disparition des religions et langues anciennes, presse sous contrôle.
Malgré le pacte germano-soviétique de 39, l'Allemagne se fait menaçante vers 1941, alors hop, répression maximale, 6000 puis 9000 Estoniens supposés à la solde des Allemands sont arrêtés et exécutés sur place ou en Russie, femmes et enfants envoyés en Sibérie, où ça meurt à tour de bras.
L'Allemagne nazie déclenche son opération Barbarossa en Juin 41 et attaque l'URSS. Atrocités commises en Estonie par les soviets comme si c'était de leur faute, 33.000 Estoniens incorporés de force dans l'Armée Rouge (la moitié survivra).

L'Estonie a été moult fois occupée durant son histoire, mais pendant ces deux ans d'occupation stalinienne, ça a été un enfer sur terre.

Voilà comment les Allemands entrant en Estonie sont accueillis comme des libérateurs, pouvant mettre fin au cauchemar que les Estoniens vivent depuis deux ans, et une guérilla se forme pour les aider à repousser les soviétiques. Lesquels avaient évacué leurs collaborateurs au maximum.

En quatre ans d'occupation, les Allemands ont assassiné les juifs qui n'ont pas pu fuir (environ 2000 personnes sur 4500), les Tziganes (à peu près aussi nombreux), et quelques 5000 communistes - parfois aidés par des gens du crû engagés dans l'administration nazie. Puis ils ont installés des camps de concentration pour déporter quelques 10.000 juifs des pays voisins et les prisonniers de guerre russes. La veille du retour de l'Armée Rouge en 44, ils éliminent sauvagement 2000 juifs des camps, et poussent les autres dans les épouvantables marches de la mort. Quant aux Estoniens en 44, certains sont incorporés de gré souvent, de force aussi, dans l'armée allemande, d'autres fuient et rejoignent l'armée finlandaise ou prennent le maquis. C'est la débandade, les Allemands quittent le pays après quatre ans d'occupation,
et les soviétiques s'emparent à nouveau de l'Estonie.

C'est là qu'il faut se faire violence dans nos valeurs. C'est dingue comme c'est compliqué d'y arriver, je traine encore la patte. Un cinglé sanguinaire, Hitler, a lancé son pays dans une guerre impossible, brandissant des idéaux destructeurs et une armée qui l'est tout autant. Il établit un classement des populations, du sur'homme grand blond aryen au sous-homme à détruire. Tout en bas, les juifs, qu'il faut éradiquer comme des nuisibles. A peine plus haut, les slaves, qu'il faut esclavagiser comme des bêtes de somme. Pour Hitler et son classement, les "finno-ougriens" sont d'une lignée un peu inférieure à celle des Scandinaves vikings mais ça passe, les nazis n'ont pas grand chose contre eux, à condition qu'ils se soumettent, si nécessaire en usant de brutalité.
Pour le peuple estonien plus ou moins à l'abri dans le classement fanatique d'Hitler, les Allemands, c'est une vieille connaissance, ils gèrent à peu près.

Alors que les bolchéviks leur ont mis l'enfer. Pas vraiment les Russes, même si, comme pour les Germanos, l'occupation pendant deux siècles n'a pas été de tout repos.

Les bolchéviks. Avec eux, des morts, des déportés, des sacrifiés, et tout ce qui suit de sadiques, violeurs, tortionnaires, veules, obtus, délateurs, faisant régner la peur à chaque instant, dans chaque regard, presque dans chaque pensée. L'absolue, l'atroce occupation de fanatiques obéissant aveuglement à leur dictateur suprême. Sur un peuple qui pourtant en avait vu d'autres. C'est un petit pays, mais qui détient le pourcentage de destruction le plus élevé en Europe, en perdant 20% de sa population, sous le joug des Staliniens, ou en fuite. Seuls les Cambodgiens ont payé un prix plus fort, avec leur peuple détruit à 25% par les Khmers rouges.

Or, nos valeurs nous interdisent d'imaginer plus atroce dictateur sanguinaire qu'Hitler. Il est le mal absolu.
Je sais, nous savons qu'il est inutile de mettre en concurrence ces hommes et les horreurs qu'ils ont commises.
Ou même de comparer le nombre des victimes, des fantômes qui laissent encore planer leur ombre au-dessus des peuples opprimés par ces cinglés, sur plusieurs générations. Ces dictateurs, ces plaies de l'humanité disparaissent, et parfois renaissent. Ce que vivent les Ouïghours actuellement n'a rien à envier à leurs frères de douleur du passé, dans le classement fanatique des peuples jugés inférieurs à éradiquer, et le grand Onze s'y attèle très tranquillement. Ce livre pourrait leur être dédié.
Mais pour les Estoniens notamment, le mal absolu, ce n'est pas Hitler, c'est Staline. Dans leur chair, dans leur crâne, dans leurs familles, l'horreur s'appelle Staline, l'accumulateur de cadavres s'appelle Staline, le tortionnaire des survivants s'appelle Staline.

Ce n'est pas fini. Vous savez, quand vous pensez avoir survécu au pire, en vous prosternant sur l'air de "Plus jamais ça", et que le pire revient : Tallin retombe au main des soviets le 22 septembre 44, le reste du pays en Novembre.
Les Russes assassins, violents, violeurs, tortionnaires, obtus, veules, délateurs, reviennent. Á ta porte.
Exode massif des Estoniens (9% de la population) par la mer, dont quelques milliers meurent en chemin, leurs bateaux bombardés par les Sovièts. Les survivants vont en Suède, en Allemagne, ceux-ci migreront ensuite vers les Etats-Unis.
Et la répression s'abat sur l'Estonie, aussi violemment sinon plus qu'à leur premier passage. Arrestation de 75.000 personnes, 25.000 assassinés et 50.000 déportés en wagons plombés sur des milliers de kilomètres. Onze fuseaux horaires. Ceux qui prennent le maquis, environ 30.000, s'appellent les Frères de la Forêt. Ils tiennent bon jusqu'en 1949. En mars de cette année 49, pour tenter de les éradiquer complètement, les soviétiques opèrent une déportation massive des fermiers et des hommes politiques ou du milieu culturel, encore quelques 21.000 Estoniens.
A la mort de Staline (53) et lors de la gouvernance de Khrouchtchev, la répression se détend, on ouvre les camps et les déportés estoniens (encore vivants) peuvent revenir à partir de 56.

Voilà. de 1939 à 1941, et de 1944 à 1953, les Estoniens ont vécu le pire, puis le pire plus longtemps.

De 1953 à 1991 et l'effondrement du mur de Berlin, les Estoniens se relèvent du grand cauchemar, vivotent, ne lâchent pas prise, subissent encore la Soviétie, avec ses interdits, notamment de quitter le pays. Ils se hissent en première république socialiste soviétique (sur les quinze) pour le niveau de vie, ce qui reste nettement inférieur à n'importe quel pays de l'Ouest. de nombreux Russes sont envoyé peupler l'Estonie, l'intégration ne se fera jamais vraiment. En 76 le petit dictateur coco Karl Vaino qui dirige la république d'Estonie, cherche à éradiquer la culture estonienne et impose le russe autant qu'il peut. Mais ouf, ça ne prend pas, les Estoniens tiennent bon. Les Russes importés, par contre, ne parlent à peu près pas estonien, à quoi bon. Très peu de mariages mixtes, et pour cause. On ne se mélange pas avec les profs de russe...

Voilà Gorbatchev. En 85. Voilà Tchernobyl. En 86. Les Estoniens comprennent que l'industrialisation à la soviétique, comme par exemple la mine de phosphate qu'on s'apprête à ouvrir, est en train de polluer définitivement le pays aux mille lacs. Et puis marre des oukazs, les Estoniens veulent dénoncer l'occupation sanguinaire des soviets, la déportation massive de 1949, le tabou du pacte germano-soviétique, ça gronde, ça manifeste.
Et ça chante. Cette révolution de 87 se fait en chantant. C'est pacifique, c'est beau, ça parle de liberté. On vire Vaino. En 89 des vraies élections libres sont enfin organisées, et c'est la défaite des cocos russophiles conservateurs. le 24 août 89, date anniversaire du démoniaque pacte germano-soviétique, ah ça c'est grand, une chaine humaine est lancée. Des êtres humains se donnent la main, en partant de Tallin tout au nord. Cent personnes, mille personnes, dix mille, cent mille, un million deux millions de gens se donnent la main de manière ininterrompue, de Tallin à Vilnius en Lituanie, en passant par Riga. L'opinion internationale est émue. Ça commence à sentir bon.
L'URSS s'effondre, on ne veut plus voir un seul communiste en Estonie, Ok on va préparer l'indépendance… C'est Boris Eltsine, nommé après le coup d'état qui a fait tomber Gorbatchev, qui l'accorde aux Estoniens très officiellement, en 1991. Ce fut long, depuis le XIIIème siècle…
Liberté. le bloc soviétique s'effondre. Liberté.
Sauf pour ces héroïnes qui font ce qu'elles peuvent de leurs blessures, de leur survie, et demeurent saisies dans leur terreur à jamais. Ou pas. C'est long, une vie.

L'apprentissage du russe par le viol continue néanmoins, dans toutes les ex-républiques du bloc. le tourisme sexuel, les jolies blondes lâchées aux chiens, le porno où les filles de l'Est font florès, et tous ces types qui profitent grassement de cette manne, une sorte de capitalisme aux manières staliniennes dans son efficacité sadique, on en est là aussi.
1992. Nous découvrons une de nos héroïnes du livre. Deux de nos héroïnes.
Pour la petite histoire, les russophones estoniens, plutôt largués socialement en Estonie, sont un met de choix pour Poutine, qui aime tant faire la chasse aux nazis et déteste qu'un ex-pays soviétique se trouve bien dans sa liberté retrouvée. Grâce à lui, la grande ombre sanglante du grand voisin se redéploie. Nos russophones aux mains des nazis estoniens sont torturés, oh la la ben oui, il faut les sauver tudieu !
L'Estonie et ses petites voisines sont entrées dans l'OTAN. Déjà un frein.
Mais la bête immonde a toujours faim.

J'apprends le russe par le viol.
Plus j'en découvre sur les compatriotes, plus je me demande comment font les gens normaux, les Russes qui ont pu se barrer à temps par exemple, pour sentir dans leurs veines le sang de ce peuple-là qui n'en finit pas de détruire, de violer, au nom de son dictateur vénéré. Parce que maintenant, l'Ukraine. L'éventail de l'âge des victimes de viol en Ukraine par les soldats russes depuis février 2022, va de 4 ans à 86 ans. Hommes et femmes, tant qu'à faire. Un nouveau dictateur se prend d'une violente envie de détruire en s'en donnant les moyens, et applique l'apprentissage du russe avec ces mêmes manières, sur un peuple frère violé très incestueusement. Comment peut-on être persan, pardon, russe ? N'en ont pas marre d'être détestés partout où ils passent ?

On lit ce livre. On dévale la montagne. On comprend ? On comprend qu'il ne doit pas gagner, le prof de russe actuel ? On se met bien ça dans le crâne ?

J'avais mal lu, je pensais que c'était un homme, Sofi Oksanen l'écrivain. de mère estonienne et de père finlandais. Au coeur du sujet. Ça me faisait bizarre de parcourir ces récits écrits par un homme. Mais en découvrant à la fin du livre que non, c'était bien une femme qui a écrit-décrit ces vies, ça m'a mise dans un drôle de vertige. Courageux d'avoir trempé sa plume dans ces fluides. le corps en est plein. le corps parfois est plein des fluides des autres. L'odeur s'en ressent. Les destins aussi.
Sofi l'écrivaine décrypte ces destins, les obéissances, les envies de s'envoler, le placage au sol et les changements de pouvoir.
Et l'odeur des oignons.
Je ne peux pas le recommander, ce livre. Et pourtant je le recommande. J'irais même plus loin : je le jetterais bien à la tronche de ceux qui m'expliquent que faut comprendre, le tsar contrarié a ses raisons, il ne fallait pas l'asticoter avec l'Otan, lafota lézamérikin, et puis l'Ukraine ils n'ont pas été blanc bleu pendant la guerre, voilà voilà. Qu'ils lisent ce livre, regardent "Le Capitaine Volkonogov s'est échappé", apprennent sévèrement le russe, et reviennent me causer.
Non parce que.
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L'histoire du communisme n'est pas un sujet qui m'intéresse particulièrement mais les conséquences d'un régime totalitaire sur les êtres humains sont par contre passionnantes. Ceux-ci sont horribles ou merveilleux, comment ne pas se poser la question de savoir ce que nous aurions été dans les mêmes circonstances. Un livre très dur, plein de paradoxes avec juste un peu d'humanité malgré tout, un peu de grisaille dans tant de noirceur.
C'est une amie qui m'a parlé de ce livre et de Sofi Oksanen, un grand merci à elle et vite je vais lire un autre de ses livre "Les chèvres de Staline".
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La purge, on part en Estonie, un pays que je ne connais pas vraiment.

Une vieille femme seule, Aliide, isolée et heureuse ainsi, qui fabrique dans la petite cuisine de la maison familiale, conserves et remèdes à base de plantes, trouve un matin dans son jardin, une jeune femme en détresse: Zara.

Le destin réunit ces deux femmes qui ne devaient pas se rencontrer. Leurs histoires nous transportent dans le temps et l'espace. de la jeunesse d'Aliide, bien avant que sa chère Estonie soit disputée durant la guerre entre l'Allemagne et la Russie.
Avant que le pays soit envahi de travailleurs Russes approuvés par le parti, que les terres soient réquisitionnées au nom du communisme et bien avant que les résidents Estoniens soient déportés en Sibérie pour leur manque de collaboration.

De son côté Zara, jeune femme russe, éduquée, en santé et heureuse a voulu tenter sa chance à l' Ouest où l'argent coulait à flot. Berlin ne tint pas ses promesses.

Le récit est saccadé, entrecoupé, allant d'une époque à l' autre, d' une histoire à l' autre dans un amalgame qui semble décousu. Les secrets portés par les personnages nous semblent tout aussi décousus. Pourtant, vient un point où on ne peut s'empêcher de se demander : "mais qu' est-ce qui a bien pu se passer?"

De page en page, d'une anecdote à l' autre, la toile se tisse. le malaise est grand et l' attachement encore plus grand.

Le style de l' auteur rappelle la structure du récit. Les descriptions brutales remplies de détails côtoient les non-dits, les sous-entendus et mettent en évidence les zones grises.

Impressionnée, parfois choquée et souvent touchée; la survie de ces femmes, malgré tout ce que la vie les a obligés à subir, n' inspirent jamais la pitié.

L' auteur, du début à la fin, ne nous livre pas toutes les réponses. Comme dans la vie, les personnages nous quittent sans jamais s'achever. Tout comme nos aïeux qui disparaissent avec toutes leurs traditions, leurs souvenirs et leurs secrets, on quitte Aliide et Zara.

Une lecture souvent perturbante mais dont on ne peut se détacher
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📚 Début de l'histoire - Estonie, 1992 : la vieille Aliide trouve dans son jardin Zara, jeune femme en fuite. Contre toute attente, en dépit de ses appréhensions, elle lui ouvre la porte de sa maison.

🖊️ Ce texte nous propose une narration autour de plusieurs époques, autour de la vie de ces deux femmes. de leur vie, de leurs amours, de leurs lâchetés, de leurs secrets.

💥 La construction du récit est vraiment intéressante ; l'ensemble forme un puzzle passionnant à lire. Les allers-retours entre les différents moments de la vie de ces femmes. Les ellipses, nombreuses, comblées un peu plus tard, lorsque ce sera le moment.

🖊️ J'ai craint un instant que ma méconnaissance du contexte géopolitique de l'Estonie au XXe siècle ne soit un problème : en fait, le texte est habilement écrit pour ne pas perdre totalement le lecteur. À la fin du livre, se trouve une petite chronologie, à consulter dès que nécessaire.

💥 J'ai apprécié le style de l'autrice ; le travail de traduction doit y être aussi pour beaucoup. le choix des mots, les accumulations dans les descriptions, la façon de nous montrer les émotions, les sensations, les odeurs...

🪰 Et les mouches qui reviennent régulièrement, comme un leitmotiv... Dès le départ, cette présence m'a étonné (et je vais rester volontiers énigmatique à ce sujet).

💥 Bilan ? Vous aimez les histoires à tiroirs, les fresques sur plusieurs années, les personnages féminins bourrés d'imperfections, alors lisez-le !
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Sofi Oksanen raconte les violences faites aux femmes d'une manière crue et sans fard, à travers deux personnages de générations différentes. En cet été de 1992, en Estonie, dans les mois qui suivent l'effondrement de l'Union Soviétique, le destin d'Aliide Truu, une vieille veuve qui a vécu l'invasion allemande puis celle de l'Armée Rouge au milieu du XXème siècle, croise celui de Zara, une jeune russe qui tente d'échapper aux proxénètes qui la retiennent. Je ne dévoile pas davantage l'intrigue pour laisser aux lecteurs le loisir de le faire par eux-mêmes. Je dirais juste que l'autrice ne semble pas avoir cherché à rendre ces deux femmes particulièrement sympathiques, comme pour insister sur le fait que, du fait des violences qu'elles ont subies, elles se sont construit une carapace qui amoindrit leur capacité à être en empathie avec celles et ceux qui les entoure.

La langue utilisée par l'autrice est simple et efficace. Parfois trop simple avec certains paragraphes qu'on aimerait réécrire. Mais peut-être s'agit-il d'un problème de traduction.
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Plongée dans une partie de l'Europe et de son Histoire récente. Un monde que je ne connaissais que vaguement. Il faut s'accrocher un peu au début, la narration paraît décousue. Une fois immergé on suit l'auteure dans sa jonglerie entre les époques et entre les personnages, c'est addictif !
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"Purge" de Sofi Oksanen est un roman sur l'histoire de l'Estonie entre les années 30 où ce pays était indépendant et 1992, moment où l'Estonie retrouve son indépendance après les occupations successives de l'URSS, de l'Allemagne nazie et à nouveau de l'URSS. Après la chute de l'URSS, le peuple estonien fête un nouveau cycle.

Pourtant, une vieille femme, Aliide, occupée à faire des confitures, découvre dans son jardin une jeune femme cachée dans son jardin, recroquevillée et passablement effrayée. Elle s'appelle Zara et semble avoir été violentée. Ses vêtements sont déchirés, elle porte des pantoufles et elle est sale.

Aliide, bien qu'elle ait peur que Zara soit un appât pour attirer des voleurs, aide la jeune femme et l'accueille chez elle.

Entre les deux femmes il y a beaucoup de mensonges, de méfiance et de non-dits. Elles se sondent, se parlent, se taisent. Nous apprendrons plus tard que des secrets de famille se jouent en ces instants. Zara n'est pas arrivée là par hasard. Elle a été naïve lorsqu'une de ses amies lui a vanté la vie en Occident. Zara part à Berlin et se prostitue sous l'égide de son proxénète, Pacha accompagné de son congénère, Laverty. Elle s'échappe alors qu'elle est emmenée en Estonie et se réfugie donc chez Aliide.

L'histoire d'Aliide est aussi émaillée de violence, de compromission, de trahison envers sa soeur, Ingel car elle aime le mari de cette dernière. Elle considère Ingel comme une concurrente. le mari d'Ingel, Hans, était un nationaliste anti-bolchévique. Il a donc aidé les allemands pendant l'occupation nazie. Pourtant, Aliide continue à l'aimer.

Nous assistons à des scènes difficiles de violences par les soviétiques contre Aliide, Ingel et sa fille et celle d'Hans, Linda. Hans est caché par les femmes et les communistes le recherchent. Elle ne parleront pas, y compris la petite fille. Pourtant, les violences physiques et sexuelles sont extrêmes.

Pour se protéger de son passé, Aliide se marie avec Martin, un communiste reconnu et respecté dans le village.

Les uns et les autres sont troubles et personne n'est pur et sans tache comme tout être humain sans doute.

Sofi Oksanen nous entraîne dans une histoire plutôt glauque, poisseuse en passant d'un personnage à l'autre et d'une époque à l'autre. de carnets en monologues voire dialogues entre Zara et Aliide. Chaque personnage a sa langue, son rythme. Il y a un suspense qui monte crescendo.

Ce livre est difficile mais il n'est pas possible de le lâcher après l'avoir commencé. La psychologie des personnages est passionnante et malgré l'ambiance plutôt lugubre l'auteure nous donne envie de les accompagner jusqu'au bout, jusqu'au moment où Aliide va jusqu'au bout pour aider et sauver Zara.

Je ne connaissais rien de l'histoire de l'Estonie et aujourd'hui j'en connais un peu plus. Je recommande cette lecture exigeante.
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1992. Aliide Truu, une vieille femme, vit seule et dans la peur dans sa ferme d'Estonie Occidentale.
Un matin, une jeune femme, qui prétend fuir un mari violent, débarque dans sa cour. Aliide craint une manipulation de ses ennemis et est tentée de repousser l'intruse. Mais son humanité prend le dessus, et elle accepte de l'héberger temporairement.
Zara, c'est le nom de la fille, ainsi que la désigne la vieille femme, semble avoir d'autres motivations, qui réveillent un sombre passé.

Ce roman n'est pas des plus faciles à lire, du fait de ses nombreux aller-retours dans le passé, à des époques différentes, vécues par plusieurs personnages. Trouver le fil conducteur n'est pas aisé, mais c'est le défi que nous lance l'autrice.
L'intrigue nous fait visiter l'histoire contemporaine de l'Estonie : état indépendant dans les années 1930 ; envahi par la Russie soviétique en 1940, puis par l'Allemagne nazie en 1941 ; attendant une libération par les forces alliées avant d'être annexée par les soviétiques en 1944 ; ne retrouvant enfin son indépendance qu'en 1991, lors de la dislocation de l'URSS.
Aliide a traversé toutes ces époques en tentant, avec plus ou moins de succès, de sauver son intégrité. On comprend qu'elle n'y a pas toujours réussi. Elle nous fait découvrir les états d'âme d'une population soumise aux uns puis aux autres, qui a parfois choisi un camp, pas toujours le bon... Elle nous fait vivre les déchirements qui ont détruit sa famille, dont ses désirs les plus intimes.
Les deux personnages principaux sont contrastés, à la fois tout en contradiction et tout en nuance. Tout les oppose, mais tout semble devoir les réunir. Un peu comme si des armures protectrices, construites au fil du temps, se délitaient pour laisser la place à l'humanité des deux femmes..
L'écriture n'est pas facile ; la lecture non plus. Je me suis accroché sur le premier quart du livre. Ensuite ce fut plus fluide. Peut-être parce que la trame historique du livre est peu à peu apparue.

Comme toujours, je me suis intéressé au livre, avant d'aller lire le CV de l'auteur. J'ai ainsi découvert que la mère de l'autrice avait fui l'Estonie soviétique pour s'installer en Finlande dans les années 1970, comme Talvi, la fille d'Aliide. Ce qui donne certainement une dimension autobiographique à ce roman ?


Lien : http://michelgiraud.fr/2024/..
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J'avais acheté ce livre peu de temps après sa sortie en France, car il avait alors fait grand bruit (à l'échelle d'un livre, qui plus est de littérature étrangère, il ne faut pas exagérer…) et le sujet et le lieu, que je rencontre rarement dans mes lectures, m'avaient attirée.
Je savais que le livre était violent, mais j'ai tout de même eu du mal à lire certains passages très crus auxquels je n'étais pas préparée. Mais ces scènes ne sont jamais gratuites et m'ont permis de me confronter, par pages interposées (ce qui reste donc une situation somme toute bien confortable), à des sujets que je préfère en général ne pas voir, c'est tellement moins dérangeant de détourner le regard.
La construction romanesque du roman, avec ses amours cachés et ses rapprochements entre génération ne m'a pas convaincue, et m'a paru un peu trop improbable, plus digne d'un Dumas du XIXème siècle que d'un roman bien noir du XXIème siècle. Mais l'artificialité de l'intrigue ne m'a pas dérangée plus que cela, tant il est évident que le propos de l'autrice n'est tout simplement pas là. En faisant se télescoper deux périodes de l'histoire récente de l'Estonie (mais aussi plus généralement de l'URSS), au moment de la Seconde Guerre mondiale où le pays tout juste indépendant se retrouve à nouveau sous la coupe d'un de ses grands voisins, puis de l'autre, puis au moment de l'effondrement de l'URSS, c'est la place de la femme dans ces quotidiens instables qui est en discussion, et même peut-être plus précisément la place du corps de la femme. La façon dont il est utilisé comme une arme de destruction, de peur, de domination. Mais aussi, c'est plus ténu mais j'ai cru le lire entre les lignes, la façon dont, malgré tout, des femmes vont être capables, non de pardonner, non de passer outre, mais de se relever malgré tout, de faire leurs choix, et peut-être parfois même de prendre les hommes à leur propre jeu et de faire de ce corps une arme à leur service et non plus au service de l'autre.
Je ne lirai pas tous les jours des livres comme cela, mais je crois que je suis contente que mes pas de lectrice aient croisé celui-là, car si j'ai trouvé la lecture éprouvante, elle m'a fait découvrir un coin d'Europe que je ne connaissais pas et des instants de l'histoire plus ou moins récente sur lesquels j'avais pris garde de ne pas trop me pencher. Ce n'est pas un livre qui rend très optimiste quant à la nature humaine, ni qui rend enviable le sort des petites nations coincées entre de grands voisins, nul n'en sort indemne. Les compromissions semblent indispensables pour survivre, mais les allégeances fluctuantes semblent rendre toute idée de vie paisible illusoire.
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Coup de coeur pour Purge.Sofi Oksanen , finlandaise, nous plonge dans l'Estonie des années 1939 à 1992.L'Estonie au cours de ces décennies passe de République d'Estonie à République socialiste soviétique d'Estonie, est occupée par l'Allemagne de 1941 à 1944 puis par les Soviétiques jusqu'en'1991. La République d'Estonie est restaurée en août 1992.
C'est sur fond de ces bouleversements historiques que l'auteure bâtit une fiction où se déploient la répression idéologique ,les complots, les trahisons,la tentation de l'Ouest,les passions humaines.
C'est un roman très dur qui dit la noirceur de l'âme humaine .Sofi Oksanen à travers les personnages d', Aliide estonienne et Zara originaire de Vladivostok mais de retour de Berlin, déroule la violence faite aux femmes qui vont trouver dans une forme de sororite et dans l'échange une sérénité.
Et le début de l'histoire ?
Le récit s'ouvre sur un village estonien dépeuplé. C'est la fin de l'été. Aliide , une vieille femme, découvre dans sa cour, une fille crasseuse, Zara. Elle est russe mais parle aussi estonien.Elle est parvenue à échapper à la vigilance de ses souteneurs .Pour combien de temps?
Des échanges entre les deux femmes , va peu à peu se dévoiler le lien qui
les lie…
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Purge, de Sofie Oksanen

En 1939-1945, l’Estonie était rattachée à :

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