Publié chez Gallimard en 1946.
On ne lit plus guère
Zoé Oldenbourg de nos jours. Est-elle seulement rééditée ?On a oublié aussi d'où elle venait. Zoé est arrivée en France en 1924, à l'âge de onze ans, avec ses parents et ses frères et soeurs, poussés par la Révolution russe et tombe amoureuse de la France et de sa langue.
Argile et Cendres fait partie des livres de
Zoé Oldenbourg qui ont le temps des Croisades comme cadre comme
La Pierre angulaire qui lui vaudra le Prix Fémina en 1953.
Les Croisades, en 1965 complète ses écrits sur la période sous la forme d'un essai.
Pourquoi lire
Argile et Cendres aujourd'hui ?
D'abord parce que c'est un roman diablement bien écrit.
Zoé Oldenbourg y déploie une langue riche et simple à la fois, évocatrice et précise. Sans affèterie ni fioritures inutiles.
Parce qu'elle nous conte une histoire : l'histoire d'une famille de petite noblesse de Champagne au tournant des XIIème et XIIIème siècle.
Parce que l'histoire de cette famille champenoise nous permet de mieux connaître la réalité quotidienne ainsi que le contexte historique de cette période. Sa connaissance de cette période, ses moeurs, son économie, son contexte social et religieux lui évite les poncifs et donne au roman, paradoxalement, une modernité et une dimension remarquables.
Zoé Oldenbourg participe, à sa façon, et plutôt en avance de phase, à la réhabilitation qu'a connue le Moyen-Âge dans la seconde partie du XXème siècle. Elle fait oeuvre également de sociologue, sans que cela nuise au plaisir de lecture et notre autrice ne se départisse de son objet qui est de nous faire partager les destins de ses protagonistes. Une galerie de portraits, dont de nombreuses personnalités féminines retiendra longtemps l'attention des lecteurs. La vie est dure à cette période, la violence et la guerre omniprésentes, les conflits nombreux qui se règlent dans une logique de vendetta en l'absence d'un Etat en cours de construction. La part belle revient alors à l'homme, d'autant que les femmes, y compris dans la couche la moins pauvre de la population, la noblesse, mariées très jeunes, quasiment dès leur nubilité, connaissent des maternités en grand nombre, régulées par une importante mortalité infantile.
La religion est omniprésente dans la société matérialisée par la quête du Salut, ressort essentiel des Croisades. La religion catholique n'exclut pas, dans la réalité du quotidien, le recours à la superstition et aux pratiques occultes.
Ainsi, les protagonistes du roman prennent une épaisseur, une dimension qui contribuent à la vérité des situations et des sentiments. Là est d'ailleurs une originalité de
Zoé Oldenbourg : la présence d'un volcan de sensualité, de liberté sexuelle incapables de disparaître sous les tentatives de maîtrise des règles sociales, dont l'amour courtois naissant, et religieuses. Les exigences du corps sont trop fortes.
Partageons avec
Zoé Oldenbourg ces destins remarquables, ces personnalités uniques, leurs bonheurs, leurs douleurs, leurs désespoirs et leurs espérances peut-être pas toujours si éloignés que cela des nôtres, nous qui venons presque dix siècles après eux.