Icarios, roi d'Acarnanie, se désespère. Sa femme Périboéa lui a donné cinq fils, mais il voudrait une fille pour ensoleiller ses vieux jours, et peut-être aussi pour concurrencer la célèbre Hélène, fille de son frère Tyndare, vantée pour sa beauté et son intelligence. Cette naissance tant espérée finit par s'annoncer, accompagnée d'une prophétie qu'Icarios préfère ignorer : “Ta fille gouvernera longtemps un peuple sans tête”. Il se réjouit, mais lorsqu'il voit sa fille pour la première fois, il est déçu, et se détourne d'elle.
Pénélope grandit donc entre ses cinq frères en toute liberté, et développe son intelligence et sa curiosité, devenant une jeune fille indépendante. Un peu trop, au goût de ses parents, qui, lorsqu'ils en prennent conscience, décident de la marier dès que possible, avant qu'elle ne devienne totalement indomptable. Momentanément vaincue, Pénélope a l'intelligence de jouer le rôle qu'on attend d'elle, si parfaitement qu'elle en conserve une part de liberté.
Elle refuse ses prétendants les uns après les autres, jusqu'au jour où s'annonce Ulysse, roi d'Ithaque. Pénélope, intriguée par la réputation qui le précède, décide de le rencontrer seul, sans qu'il ne sache qui elle est. Elle tombe sous le charme, lui aussi, et ils se marient bientôt, malgré les réticences parentales.
Pénélope devient reine d'Ithaque à ses côtés, elle est heureuse, amoureuse, vit en toute simplicité et au grand air comme elle l'a toujours souhaité, et donne bientôt naissance à leur fils Télémaque.
Mais le destin est en route : Hélène, la légendaire cousine, dont l'existence ne cesse de s'imposer à Pénélope, est enlevée par Pâris. Tous les rois qui ont juré de porter assistance à l'époux d'Hélène, Ménélas, sont sommés de prendre la route de Troie pour aller récupérer la fugitive. Ulysse a prêté serment, il n'a pas le choix, il doit partir, laissant Pénélope prendre en charge le royaume d'Ithaque, le “peuple sans tête” … malgré sa douleur immense.
Avis : Raconter la légende, connue de tous, du point de vue de Pénélope est une belle idée, très bien servie par le récit d'I. Pandazopoulos. On y découvre une Pénélope aussi rusée et intelligente que son mari, et les aspects féministes de cette réécriture permettent un regard moderne sur cette histoire multi-millénaire. On ne se souvient souvent de Pénélope que pour l'ouvrage qu'elle tissait le jour et défaisait la nuit, mais dans ce récit, elle fait surtout rapidement ses preuves comme reine d'Ithaque, gouvernant avec intelligence, bonté, bienveillance, pendant les vingt ans d'absence d'Ulysse, et se montrant d'une finesse sans égale pour s'assurer que l'homme de retour, qui prétend être Ulysse, est bien son époux.
Le roman est découpé en courts chapitres, avec un narrateur extradiégétique, chacun comportant un titre annonçant le contenu, rappelant les titres de Candide de
Voltaire.
C'est une très belle réussite, un point de vue original sur cette légende fondatrice, un récit bien mené, une voix féminine singulière face à la suprématie virile habituelle de la mythologie.