Quatre jeunes ados paumés, déboussolés, avec des histoires familiales compliquées et un cadre de vie où l'ennui vient se conjuguer au désespoir. Pour eux, l'école n'a jusqu'à présent pas vraiment tenu ses promesses et l'avenir ne leur paraît pas grandiose. C'est en cours de Français en lycée professionnel que Lilou, Bastien, Samantha et Farouk se découvrent. Les voilà réunis par une prof qui a décidé de les faire participer à un concours d'éloquence. N'importe quoi ! Mais Agathe Fortin est tenace : elle sent en ces jeunes une multitude de mots qui ne cherchent qu'à sortir et qui leur permettront enfin de révéler qui ils sont.
L'idée de départ de ce roman ado était plutôt bonne : montrer que le pouvoir des mots peut aider à valoriser des jeunes en difficultés en leur montrant que eux aussi sont tout à fait capables de réussir un concours d'éloquence. Utiliser la parole pour les révéler à eux-mêmes en somme, tout en les révélant aux autres.
Isabelle Pandazopoulos a l'habitude de travailler avec des élèves en grandes difficultés. Ici, elle nous révèle leurs complexes et leurs doutes. Elle nous parle aussi – un peu – du défi à relever par leur professeur car l'éloquence, cela s'apprend – et c'est pour cela que cela peut être à la portée de tous. En cette période de Grand oral, le thème tombe à pic… Qui plus est, les personnages sont assez attachants et quelques jolis passages soulignent bien les émois et les doutes qui se posent à l'adolescence.
Malheureusement,
Isabelle Pandazopoulos n'a pas pu éviter de tomber dans la caricature. Des élèves tout d'abord : ils sont élèves en lycée professionnel et ont donc des histoires familiales – à part Bastien dirons-nous – totalement dramatiques. Tu as une famille dysfonctionnelle ? Tu finiras en lycée pro ! le proviseur ensuite, archétype du personnel de direction obtus, uniquement obnubilé par sa hiérarchie, les résultats, l'image de son établissement et ce que pensent les parents d'élèves. Quant à ces derniers, s'ils n'ont donc pas des problèmes sérieux chez eux, ils se liguent tout simplement contre une prof qui innove un peu dans ses cours. La prof enfin, qui aurait mérité un peu plus de profondeur, reste d'une fadeur extrême. On ne la cerne pas, elle ne nous touche pas. Quant au lycée en lui-même, on a l'impression qu'il est vide.
Pour le style, que dire ? J'étais parfois perdue dans les dialogues. Mais qui parle, bon sang ?
Allez, pour terminer sur ma lancée, une petite remarque personnelle qui ne manquera pas de faire réagir mes collègues prof-doc : page 60, on a droit à la « dame du CDI ». On l'imagine en petite dame gentille et très émotive. Ce qui me fait tiquer, c'est que
Isabelle Pandazopoulos est prof de Français à l'origine et a certainement eu des collègues professeurs-documentalistes. Des hommes peut-être aussi ? Un peu dommage cette vision totalement dépassée quand on sait que ce sont les professeurs-documentalistes qui inscrivent généralement les classes aux prix littéraires, les font travailler sur les livres et qui se démènent pour faire venir des écrivains. Ils ne font pas que cela en même temps, ce sont des enseignants avant tout.
J'ai la dent dure pour ce roman, à ma grande déception, car j'avais adoré «
La décision ».
Ah oui, ce livre est sélectionné pour le Prix des Incorruptibles 2022 sélection lycée… On pourrait presque croire qu'il est sponsorisé par
Jean-Michel Blanquer.
Dommage, dommage.