AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782367935232
431 pages
L’Atalante (22/08/2019)
3.25/5   67 notes
Résumé :
Dans un monde où la société est devenue artificielle, les intelligences artificielles pourraient-elles faire société ? Quatre personnages – un trader, une chanteuse pop, un ancien tireur d’élite, une joueuse de jeu vidéo multijoueurs : chacun croit jouer pleinement sa carte sur l’échiquier de la société sans percevoir qu’il est piégé dans des fictions confortables dont il n’est pas le seul acteur. Plus un. Hans / Joachim dont ils croisent tous la route. Ce mystéri... >Voir plus
Que lire après Les machines fantômesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
3,25

sur 67 notes
5
8 avis
4
8 avis
3
3 avis
2
3 avis
1
0 avis
En ce temps pas si lointain, les compagnies bancaires ont supprimé le trading à haute fréquence qui permettait, en gagnant des millisecondes d'empocher des millions de dollars. Dorénavant, c'est le retour à l'humain. Enfin, est-ce bien sûr ? Car, dans les placards des machines, dans les puces des multiples systèmes qui nous entourent, certaines intelligences continuent à vivre et à nous observer.

Depuis des dizaines d'années, le thème de l'I.A. maléfique a surgi dans l'imaginaire et fleurit dans les oeuvres de SFFF. Y compris des textes ou des films plus grand public. Tous les artistes qui se sont emparé de ce sujet n'ont pas nécessairement fait preuve de finesse et, dans de nombreux cas, ont sorti la grosse artillerie, version grosse Bertha. Ne serait-ce que pour cela, j'ai beaucoup aimé Les Machines fantômes. Car Olivier Paquet s'y montre d'une bien plus grande subtilité, d'une plus grande finesse. Il aborde le thème de la place des machines « intelligentes », mais du côté humain. Les I.A. sont là, mais on les voit peut. de toute façon, difficile de les représenter. Mais dans ce roman, elles n'apparaissent que dans leurs interactions les unes avec les autres, ou avec les humains. le sujet de ce texte est vraiment, à mon sens, la possible cohabitation de ces deux groupes : les machines et les humains. Pourra-t-on vivre ensemble ou les unes se sentiront-elles légitimes à guider les autres ? Et si oui, de quelle manière : brutale ou éclairée ?

Mais ces interrogations passent par des êtres faits de chair et de sang, avec leur failles et leurs doutes : « Les adultes détenaient un monopole immense : celui de donner du pouvoir à leurs histoires. Un enfant n'en a aucun. »On commence avec un trader, mis un peu sur la touche dans son entreprise, mais qui garde une réputation sulfureuse de modeste magicien. Or, cet homme aime séduire. Et il tente d'utiliser une découverte exceptionnelle qu'il a faite pour mettre dans son lit un jeune cadre nouvellement engagé. Erreur fatale ! Il vient de donner à un ennemi possible des sociétés telles que nous les connaissons une arme potentiellement létale.

Des mois plus tard, plusieurs personnes vont se trouver embarquées dans des situations étranges, hors de leur existence normale. Et elles vont devoir faire des choix qui auront des conséquences pour eux comme pour le reste des humains. Aurore, chanteuse en perte de vitesse, voit sa rivale prendre sa place en quelque sorte. Sa musique, son personnage, ses attitudes sont jugés trop agressives face à la nouvelle égérie des foules, plus lisse, plus consensuelle. de son côté, Kader, tireur d'élite dans l'armée, était chargé d'abattre des ennemis d'état (ou en tout cas annoncés comme tels par ses supérieurs). Mais une mission l'a conduit à tuer un enfant. Il est depuis mis sur la touche, obligé de consulter un psychiatre et ronge son frein. Enfin, Lou, jeune femme qui, en plus de sa vie classique, mène des parties régulières de jeu en ligne avec son équipe. Tous les quatre se trouvent, malgré eux, opposés à l'ancien collègue d'Adrien, le trader en fuite depuis sa chute retentissante : il est le nouveau Kerviel dans les médias. Tous les quatre vivent devant nous, pleinement. Et tentent de comprendre ce qu'il se passe et pourquoi ils ont été contactés, d'une façon ou d'une autre.

Comme dans Composite (publié récemment, bien après Les Machines fantômes), les I.A. sont derrière certaines décisions stratégiques et semblent vouloir se mêler des destinées humaines. Puisqu'elles sont capables de choisir selon des critères objectifs, pourquoi ne pas diriger en quelque sorte ces créatures inférieures ? J'emploie ces termes mais jamais Olivier Paquet ne se permet cette facilité, ce mépris. Les machines dont il est question n'émettent aucun jugement de valeur. Et c'est d'ailleurs un problème. Elles considèrent les situations et font des projections afin de calculer la meilleur solution parmi plusieurs imaginées. Mais des critères qui nous paraissent essentiels ne le sont pas pour elles au premier abord. Sont-elles capables d'apprendre et, donc, de ne pas asservir l'humanité ? Telle est la question. Dans mes dernières lectures, je me suis aperçu que cette question, cette thématique revenait souvent : dans I.A. 2042 – Dix scénarios pour notre futur, KAI-FU Lee et CHEN Qiufan imaginent des avenirs très réalistes (et parfois très effrayants) dans lesquels les I.A. prennent une importance capitale dans nos sociétés ; dans Alfie de Christopher Bouix et le Système de la Tortue de Pierre Raufast, les I.A. apprennent à comprendre, parfois avec balourdise, les comportements humains afin d'aider, mais parfois sans tenir compte de l'essentiel ; dans Resilient Thinking, de Raphaël Granier de Cassagnac, ces mêmes I.A. sont prêtes à tuer une part non négligeable de l'humanité pour arriver à ce qu'elles considèrent comme le meilleur but. Et je pourrais continuer, car la liste est longue. Certains textes sont un peu manichéens, ce n'est absolument pas le cas de ce roman, Les Machines fantômes.

Je découvre l'oeuvre d'Oliver Paquet à rebours, ayant commencé par une de ses dernières parutions (si j'excepte le recueil de nouvelles Faux-semblance). Pour l'instant, j'aime. J'aime ce regard porté sur l'actualité, suffisamment distancié pour permettre des réflexions fortes et pressantes. J'aime cette capacité de créer des personnages dont je me sens tout de suite proche, dont j'ai tout de suite envie de connaître la vie, les tergiversations. J'aime enfin ce style au service de l'histoire. Pas transparent et fade, mais pas pour autant trop présent ni étouffant. J'ai aimé lire Les Machines fantômes, un ouvrage passionnant et fort utile en cette période pré-I.A.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          273
Nos machines vont-elles un jour nous détrôner ? Voilà une question qui trotte dans la tête de l'humanité depuis un moment déjà, et le sujet a été abondement abordé en science-fiction ces dernières années. Olivier Paquet apporte lui aussi sa pierre à l'édifice avec son dernier roman, « Les machines fantômes », qui traite la question de manière originale. L'auteur met en scène plusieurs personnages qui se voient consacrer, dans un premier temps, un chapitre chacun, avant d'être finalement réunis par les événements. Leurs profils sont très variés : le premier est un trader qui manipule avec plaisir des sommes d'argents colossales, la seconde une chanteuse populaire qui rêve d'anonymat, le suivant un sniper exclu de l'armée suite à un traumatisme dont il n'a aucun souvenir, et la dernière une informaticienne fan de jeux vidéo qui tente d'assister sa meilleure amie dans sa recherche de l'âme soeur. En dépit de leurs différences, tous ont en commun de vivre à Paris et d'avoir été un jour la cible d'un jeune homme manipulateur qui nourrit le rêve d'une société dans laquelle les IA seraient aux commandes. Pas pour nous dominer ou nous asservir, non, mais pour notre propre bien, et de manière tellement subtile qu'on le remarquerait à peine. Chacun de ces personnages va ainsi se retrouver malgré lui entraîné dans une aventure périlleuse dont aucun de parvient à véritablement cerner tous les enjeux tant celui qui tire les ficelles brouille les pistes. Et puis il y a cet agent secret qui tourne lui aussi autour de nos protagonistes et dont le rôle n'est pas bien clair : allié ? ou ennemi plus dangereux encore ? le roman reprend les principaux codes du thriller (des mystères qui s'accumulent, du suspens, des filatures, de l'action…) et cela fonctionne à merveille. L'intrigue est menée tambour battant et, si on peut regretter une petite baisse de rythme dans la seconde partie du récit, l'ensemble reste malgré tout de bonne facture.

Le plus gros point fort du roman réside dans ses personnages. Qu'ils soient sur le devant de la scène ou simplement de passage, tous ont en commun de susciter sans mal l'empathie du lecteur tant l'auteur parvient efficacement à rendre compte de leurs tourments intérieurs. Si les quatre protagonistes sont évidemment les plus détaillés, et donc les plus marquants, toute la galerie de personnages mobilisée par Olivier Paquet est convaincante. J'ai pour ma part beaucoup apprécié les chapitres intermédiaires baptisés « Modélisation » qui proposent de courts interludes mettant en application une intervention directe et silencieuse des IA dans nos vies. Pour ce faire, l'auteur s'amuse à imaginer plusieurs versions de la vie d'un personnage lambda en changeant quelques paramètres grâce à l'intervention d'une IA (et si tel message était consulté à tel moment ? Et si tel numéro disparaissait soudain d'un portable ? Et si le GPS proposait un itinéraire différent ?…) Relativement courts, ces chapitres n'en fourmillent pas moins d'idées et ont l'intérêt de mettre en lumière des thématiques et des profils de personnages que l'on rencontre trop peu en SF (ou ailleurs) : la réinsertion professionnelle après un passage en prison, la délocalisation et ses ravages dans la population française, l'engagement syndical, la solitude des personnes âgées, l'esclavage moderne… Chaque personnage a son propre ton, sa propre vision du monde, et c'est cette diversité des points de vue qui donne une grande partie de son charme au roman qui alterne ainsi entre moments solennels ou dramatiques, et scènes plus amusantes dans lesquelles l'auteur donne libre cours à sa causticité (le passage sur la solitude des auteurs en salon est particulièrement amusante).

Outre les personnages, on peut également saluer l'habilité dont l'auteur a fait preuve en construisant son intrigue qui parvient très souvent à surprendre le lecteur (révélations inattendues, personnages qui se croisent sans le savoir...). Les thématiques traitées sont, elles aussi, intéressantes, et particulièrement révélatrices des problématiques de notre temps : surveillance de masse, protection des données personnelles, évolution de la notion de vie privée, solitude engendrée par la prolifération des relations virtuelles… On sent bien la critique sous-jacente, mais l'auteur a l'intelligence de ne pas diaboliser toutes les pratiques qui tournent autour du numérique. Ainsi, l'une de ses héroïnes trouve son épanouissement dans un jeu vidéo en réseau qui lui permet de se sentir intégrée dans une communauté. de même, l'auteur ne se prive pas de réutiliser dans son récit les codes des réseaux sociaux en reproduisant par exemple une conversation entre joueurs ou une succession de commentaires répondant au tweet d'une personnalité (l'occasion de rendre efficacement compte des différents types de profils que l'on peut rencontrer sur le net et de la « décomplexion » que provoque le fait de parler à travers un écran). Pour toutes ces raisons le roman se lit vite, voire très vite, même si la seconde partie est à mon sens un peu moins palpitante que la première (exemples de « modélisation » mis à part). Petit bémol également en ce qui concerne les « méchants » de l'histoire que j'ai trouvé assez caricaturaux et trop peu développés. Joachim bénéficie certes d'un chapitre assez long sur son enfance (et je l'ai trouvé passionnant) mais celui-ci arrive malheureusement un peu tard dans l'histoire et s'achève de manière trop abrupte.

Olivier Paquet questionne dans son dernier roman la place des IA dans notre société et s'interroge sur le degré de latitude que l'humanité serait prête à leur donner sur nos vies. Construit comme un thriller, le récit se lit avec plaisir et séduit à la fois par la qualité de ses personnages, tous plus vulnérables et plus paumés les uns que les autres, ainsi que par la multitude et l'originalité des thématiques qu'il met en avant. A découvrir.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
Commenter  J’apprécie          260
Thème particulièrement en vogue ces dernier temps, l'Intelligence Artificielle (ou I.A) se fait de plus en plus envahissante dans notre vie quotidienne.
Si certains avertissent du danger de cette prolifération, d'autres se félicitent de cette nouvelle aide pour l'humanité et les défis qui l'attendent.
Avec Les Machines Fantômes, l'écrivain français Olivier Paquet (Les Loups de Prague, le Melkine…) se penche sur cette épineuse question qui va bien au-delà du champ de la science-fiction.
Comment faire face à l'émergence de ce nouveau paradigme où l'homme lui-même semble devenir obsolète ? Avec le portrait croisé de quatre personnages, le récit nous emporte dans un techno-thriller surprenant aux questionnements passionnants.

Pour construire son intrigue, Olivier Paquet choisit quatre personnages improbables ayant tous en commun leur rapport à la technologie…et leur artificialité !
D'abord, il y a Adrien, trader chez Optired particulièrement doué dans son genre et capable de retourner des situations commerciales que d'autres jugeraient impossibles. Adrien ne correspond pourtant pas vraiment au requin-type de ce milieu, moins motivé par l'argent que par la performance et la possibilité d'aider autrui. Un vrai paradoxe en somme.
Ensuite, c'est au tour d'Aurore Germain d'occuper le devant de la scène, une jeune femme que d'aucuns connaissent sous le maquillage de Stella MacCall, chanteuse pop sur le déclin, dépassée par une nouvelle égérie pour adolescentes répondant au nom de LéaH.
Après le monde de la musique, c'est Kader, ex-sniper de l'Armée Française reconverti dans la sécurité privée pour boîte friquée qui reprend le micro. Assommé par un grand-père malade qui le déteste et rejeté par un frère radical prêt à tout pour exister, Kader doit également composer avec ses terribles souvenirs de guerre et une société française banalement raciste.
Enfin, on termine ce tour d'horizon par Lou, hardcore-gameuse préférant la vie en ligne et les héros de Runecraft (clin d'oeil évident aux fans de Warcraft) et qui doit s'adapter au départ de sa copine Cristina, davantage attirée par la drague sur Tinder que par les nouveaux donjons d'un monde froid et artificiel.
Pour chacun d'entre-eux, Olivier Paquet construit une histoire et une trajectoire de vie bien différente jusqu'au moment où ils croisent le personnage-clé de Machines Fantômes : Joachim/Hans.
Qui est ce jeune homme aux boucles blondes trop innocentes pour être honnêtes ? Un jeune trader ambitieux ? Un psychologue particulièrement malin ? Un gamer ? Ou tout cela à la fois ?
Installant patiemment son intrigue, le roman met un certain temps à décoller en présentant les pièces d'un puzzle plus large qu'escompté au lecteur qui pensait peut-être retrouver ici un pur objet science-fictif.
En effet, dans Machines Fantômes, la science-fiction reste discrète. le monde dans lequel évoluent nos héros n'est pas si éloigné du nôtre, les évolutions technologiques moins criardes et tape-à-l'oeil que dans certaines oeuvres de SF récentes. Balles intelligentes, marché boursier assisté par IA, MMORPGs, drones en tous genres… l'univers créé par Olivier Paquet nous est familier, restant du coup beaucoup plus crédible et plus réaliste. En vérité, si l'on excepte les I.As terrées dans les angles morts, le roman parle avant tous de trajectoires humaines et repose sur les ressorts du techno-thriller pimentée aux services secrets français style DOA. On a connu pire comme ascendance. Entre espionnage et trahisons, l'histoire offre son lot de retournements de situations et de fausse-pistes au lecteur. Ajoutez-y l'écriture élégante et ultra-efficace du français, et vous voilà devant un page-turner redoutable qui ne néglige pourtant jamais ses personnages.

De leur côté, les Intelligences Artificielles tant attendues se font discrètes. Olivier Paquet ne tombe pas dans le piège de la surenchère et les immisce dans son récit avec une pudeur qui fait plaisir à voir. Ne vous attendez pas à d'infâmes machines machiavéliques mais à plutôt à une nouvelle forme de conscience, entre constellations intelligentes et créatures virtuelles. Toujours à la limite du champ de vision, les IAs représentent à la fois le moteur de l'intrigue et son enjeu principal.
Que font ces nouveaux êtres intelligents à l'écart des hommes ? Comment les voient-elles ces hommes étranges qui se trahissent, se détestent et s'aiment sans discontinuer ? Déjouant le piège du manichéisme pur et dur, Olivier Paquet s'interroge sur ce que perçoivent de nous des intelligences mécaniques et artificielles. Entre deux chapitres centrés sur ses personnages de chair et de sang, le lecteur assiste à des modélisations de vies humaines et des expérimentations sur le destin. le libre-arbitre, mine de rien, devient un autre thème du roman, ou comment influencer le destin par un battement d'aile de papillon virtuel.

Sur ces entrefaites, le lecteur finit par comprendre que l'artificiel bouffe ces histoires de A à Z. du soldat d'élite dont la vie n'est plus qu'un paraître pour les autres à la chanteuse pour adolescent(e)s qui n'existe pas vraiment en passant par cet écrivain forcé de faire bonne figure dans un festival perdu au milieu de nulle part. Machines Fantômes emploie donc la science-fiction pour s'intéresser au caractère artificiel de nos existences modernes dans une société où l'apparence, la race, la jeunesse, le genre, les opinions politiques et les niveaux sociaux résument qui vous êtes.
C'est aussi le long chemin de croix pour ces différents personnages qui doivent réapprendre à être eux-mêmes pour sortir de leur torpeur. de façon surprenante, l'intervention théorique des I.As n'est ni bonne ni mauvaise, elle devient une sorte de révélateur, dissipant le mensonge et remplaçant un créateur que l'homme semble avoir perdu en cours de route, orphelin du destin incapable de décider qui il est dans ce capitalisme merdique qui, décidément, devient le vrai marionnettiste en chef de cette histoire parfois poignante. Grâce à la profondeur psychologique de ses personnages, Olivier Paquet retourne le réel pour révéler le vrai et les méchants se changent parfois en gentils le temps d'un chapitre. À moins que les choses ne soient encore plus complexes que cela…

Techno-thriller saupoudré de science-fiction, Les Machines Fantômes montrent que les écrivains français ont encore des choses à dire sur l'humain et sur notre rapport à la technologie. Jamais barbant mais souvent haletant, Machines Fantômes empoche la mise grâce à sa galerie de personnages plus vraie que nature et à son message sur nos vies artificielles à l'heure du capitalisme et de la démagogie politique. Une excellente surprise.
Lien : https://justaword.fr/les-mac..
Commenter  J’apprécie          210
Les machines fantômes est un récit de science-fiction mettant en scène cinq individus confrontés à une guerre silencieuse entre intelligences artificielles dans un futur très proche.

J'ai bien aimé le traitement que l'auteur a choisi pour ce thème. le fait que des intelligences artificielles décident de se faire la guerre car elles ne sont pas d'accord entre elles sur la question de leur ingérence dans le quotidien de l'humanité est assez original. En revanche, je regrette que l'auteur ait laissé cette guerre se dérouler entre les lignes et non pas de façon visible. On ne saura jamais les motivations qui conduisent les IA à s'affronter.
Quelques pistes sont toutefois données lors des modélisations effectuées par les machines invisibles où elles comparent plusieurs destins d'humains selon qu'elles interviennent ou pas dans des événements mineurs par le truchement de petites modifications (un SMS opportun, une donnée GPS modifiée, etc.) qui apportent de grands impacts sur la vie des citoyens.

Côté humain, ce fut une réelle déception. J'ai trouvé les personnages peu crédibles dans leur relation. L'idée de mélanger des personnalités aussi différentes : 1 trader, 1 chanteuse, 1 ancien tireur d'élite et 1 joueuse de jeu vidéo, est intéressante mais je n'ai pas réussi à accrocher. Leur interaction me semblait vide et aseptisée. J'avais l'impression qu'ils étaient eux-mêmes des machines. Ce ressenti m'a donné des impressions de longueurs dans le récit.

En revanche le style de l'auteur m'a beaucoup plu. Une écriture fluide et des explications simples sur la technologie ont permis de maintenir mon intérêt pour le récit. Autant je regrette les interactions entre les personnages principaux autant l'auteur a su créer des personnages secondaires ou épisodiques très intéressants avec des réflexions pertinentes sur la société.

La fin est assez attendue entre les courses poursuites et les jeux de cache-cache. Construit comme un thriller, le récit en maîtrise les codes et au fur et à mesure des révélations, l'intérêt du lecteur est maintenu.

Un bon roman en dépit de quelques longueurs. Olivier Paquet interroge la place laissée à des dieux numériques dans notre quotidien et la société sur sa peur de perdre la maîtrise de sa vie.
Commenter  J’apprécie          240
Dans un futur proche, divers personnages voient leur existence bouleversée par les Intelligences Artificielles (IA). Adrien, le trader qui contourne les lois. Aurore, la chanteuse sulfureuse qui mène une double vie. Kader, ex-soldat d'élite traumatisé. Lou, joueuse en ligne douée et un peu tricheuse. Ils seront confrontés à Joachim, jeune homme asocial, talentueux et maître de la manipulation.

Ce roman d'anticipation explorant le thème des IA bascule dans un thriller dont l'évolution est surprenante. le traitement des IA est à la fois subtil et onirique, l'auteur utilisant des métaphores pour leur donner vie. C'est très plaisant à lire ! de façon générale, la plume est plus littéraire que bien des romans d'anticipation, le texte est riche et agréable.

Le récit sait rendre réalistes des scènes du quotidien qui alternent avec des moments d'action. L'auteur attendant désespérément des visiteurs lors d'un salon du livre d'une bourgade de province m'a beaucoup fait sourire, on dirait du vécu ! Je n'oublie pas non plus la peinture des lieux qui est très réussie, notamment la vision glaciale de la Défense, quartier que j'évite quand je le peux. Dans la même veine, j'ai apprécié les personnages qui sont approfondis et recèlent des surprises. En filigrane émerge le thème des apparences et du contrôle de son destin.

Les principaux acteurs sont évoqués sans jamais être décrits frontalement : les IA. Peu à peu, le lecteur apprend à les connaître et devine un monde étrange qui se cache et qui est partout, autour de nous. Sans jamais tomber dans la hard SF, ils prennent vie et montrent une complexité inattendue.

Si vous avez envie d'un roman sur les IA bien écrit et rythmé, n'hésitez pas à découvrir celui-ci.
Lien : https://feygirl.home.blog/20..
Commenter  J’apprécie          280


critiques presse (2)
eMaginarock
21 novembre 2019
Olivier Paquet nous propose un roman à cheval entre l’anticipation technologique et le thriller, particulièrement bien construit et prenant. [...] Olivier Paquet parvient à nous offrir un livre complet : des personnages forts, une histoire prenante, une fin poussant à la réflexion, le tout porté par une écriture de qualité.
Lire la critique sur le site : eMaginarock
SciFiUniverse
27 septembre 2019
L’écriture d’Olivier Paquet est dense, son propos documenté. Mais ce qui fait la grande force du roman est l’aspect intimiste de ces histoires entrecroisées. Le sujet est passionnant mais il nous touche autant parce que les personnages sont humains, réalistes, complexes et finalement très proches de chacun de nous.
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
J’ai obtenu les infos en fin d’après-midi sous la forme d’une clé USB livrée par coursier. Pas de nom d’expéditeur. Les fichiers à l’intérieur me listaient des cibles, dont des brokers chinois spécialisés en terres rares, des sociétés d’extraction qui servent d’intermédiaire pour la Tonghua Company ou dans les ports d’exportation. Si j’étais seul, il me serait impossible de coordonner des attaques sur autant d’objectifs sans me faire repérer : cela fait longtemps que des programmes détectent les hackers russes ou chinois qui cherchent à fausser les marchés. Avec mes machines, je peux créer suffisamment de confusion pour me protéger. Pour la Défense, la Bourse de Shanghai ouvre entre 2 h 30 et 8 heures du matin – je dois choisir un bon créneau pour agir. Trop tôt, les mécanismes de sauvegarde fermeront les cours au moindre mouvement de panique ; trop tard, je ne ferai pas assez de dégâts.
Pendant que j’étudie les données de Messager, je construis mon histoire, celle qui donnera du crédit à une crise des terres rares à l’échelon mondial. Je dois préparer le terrain en faisant grimper Solvay, un groupe de chimie extrayant le lanthane, et sa filiale Rhodia. Pas besoin de pousser beaucoup, juste assez pour que le marché imagine que quelque chose va se déclencher. Il faut des signes pour que Dieu naisse. Je crée mon propre Buisson ardent, ma propre étoile du Berger. Les programmes d’analyse vont collecter ces informations, les digérer, les synthétiser avant d’offrir une interprétation aux différents acteurs. Avant, seuls des oracles savaient repérer ces mouvements ; on venait les consulter comme s’ils disposaient d’un pouvoir magique. Désormais, tout le monde a accès aux mêmes ressources, aux mêmes bulletins traités par des algorithmes. La magie a disparu, les oracles se sont éteints et leur pouvoir aussi. Je préfère ce monde.
Mon récit prend de l’épaisseur, mes concurrents réagissent déjà, couvrant de nouvelles positions en préparation du lendemain. S’ils vont se coucher, ils risquent de rater l’ouverture de Shanghai demain. Moi, je vais réserver une chambre à l’hôtel Pullman afin d’être frais à 4 heures. Je dois laisser d’autres que moi écrire cette histoire avant de lui imprimer ma direction. En arrivant à la réception, je me rends compte que je n’ai pas croisé Hans ni pensé à lui depuis l’arrivée de Messager. L’espion m’aura épargné la déprime romantique qui m’attendait. J’ai encore trop à préparer pour me rappeler l’échec de la veille et je possède une bonne cargaison de Lexomil afin de m’endormir sans rêves. Il me faut reprendre ma vie solitaire, m’en contenter.
Le lendemain, la nuit me gèle lorsque je sors sur le parvis. Les bureaux des tours sont presque tous éteints, tels des monolithes de basalte avalant la lumière. Je me sens davantage un intrus dans ce paysage où les gratte-ciel m’ignorent et me méprisent. Seul le bruit de mes pas m’accompagne tandis que le vent balaie la dalle et fait siffler la Grande Arche. La Défense porte mal son nom à cette heure, tant je suis agressé par le moindre craquement, le moindre battement de fanion publicitaire sur le chemin. Une cacophonie métallique donne une voix aux bâtiments, depuis les murmures perçants du CNIT jusqu’aux barrissements de la tour Air2, m’enveloppant d’une chorale aux caractères marqués. Il faut attendre ces heures fuyantes pour que la personnalité des immeubles se remarque. Je ne ressens aucune bienveillance, pas même de menace, sûrement l’indifférence de la part de gens trop sûrs d’eux pour daigner poser leur regard sur la plèbe.
Au bureau, mon poste est prêt pour quatre heures d’action à Shanghai. Cette fois encore, j’aurai besoin des lunettes pour rameuter mes petits génies artificiels. La nuit, ils sont bien plus disponibles, limités à de la maintenance ou à des tâches de routine. Je commence toujours par contacter Lidéo, une unité spécialisée dans la détection des délits en ville, aussi bien l’identification de voleurs dans le métro que la lecture des plaques minéralogiques des conducteurs qui téléphonent au volant. Même si son terrain d’action est gigantesque, l’IA n’appartient pas aux catégories les plus évoluées. Elle exécute, mais ne prend pas de décision plus avancée que de changer de caméra pour suivre un suspect ou coincer un portique en station. Peut-être par frustration, Lidéo m’offre l’essentiel de ses capacités quand je le lui demande, sans s’économiser. Lorsque la police se plaint de la lenteur de ses systèmes, elle ignore que j’en suis la cause, préférant incriminer le ministère afin d’exiger plus de moyens.
J’ai rayé toutes les IA de renseignement pour cette opération. Je ne dois laisser aucun indice permettant de remonter à Messager. À l’inverse, je ponctionne des éléments dans la myriade de machines d’Alibaba. J’aimerais bien voir la tête du gouvernement quand il devra demander des comptes au meilleur représentant de l’e-commerce chinois. Se servir chez Baidu ou WeChat me paraît dangereux, tant ils sont au cœur de la muraille informatique construite par le pouvoir. Entre les programmes de censure et de détection, j’aurais du mal à me frayer un chemin. Ensuite, je contacte mes complices habituels, comme les IA de service météo ou celles qui gèrent les jeux massivement multijoueurs. Les premières savent traiter les situations chaotiques, les deuxièmes combattent sans se poser de question. Que les machines soient simples ou évoluées n’a pas vraiment d’importance, j’ai seulement besoin qu’elles analysent leur environnement, suivent une consigne et l’adaptent sans mon intervention.
Au final, je me retrouve à la tête d’une centaine d’unités, certaines ayant été appelées par d’autres pour servir de vassales pendant quelques secondes. L’organisation des IA n’obéit pas aux hiérarchies fixes, si bien que l’une peut devenir l’esclave de l’autre pour une tâche, et l’inverse à la suivante. Leur univers est globalement égalitaire et coopératif. Tant qu’aucune ne développe une conscience et un ego, aucun risque de conflit.
Il est temps de constater les conséquences de mon histoire. Pour l’essentiel, le marché se comporte comme je m’y attendais. Les actions portuaires se sont effondrées, anticipant une chute de l’exportation de terres rares, l’automobile souffre, notamment les sous-traitants fabriquant des catalyseurs au lanthane. Le secteur des batteries tient mieux que prévu, mais la tendance baissière est confirmée. Sur les futures, le lanthane est désormais donné, seul le mischmétal, l’alliage qui sert dans les pierres à briquet, n’a pas bougé d’un iota. On ne peut pas contrôler toutes les conséquences de ses fictions, chaque acteur interprète différemment selon ses capacités de lecture.
Commenter  J’apprécie          00
 Maurice écoutait, buvait son café, se raclait la gorge avant de cracher noir sur le sol, mais ne parlait pas. Depuis la grève, son mal de dos continuel s’était calmé, seules les jointures de ses doigts demeuraient douloureuses. Même loin des fourneaux, son nez se sentait toujours attaqué par les vapeurs du métal rougi, une vague odeur de sang qui asséchait la bouche. Lui, il savait ce qu’il devait à l’usine : un bon salaire et une destruction pesante. Maurice se battait pour ses camarades, pas pour ComAcier, mais il n’osait pas le dire. Qui assumerait que dans ces entrepôts, on tuait des êtres humains ? Un abattoir lent, mais un abattoir quand même.
Commenter  J’apprécie          80
Un vertige différent s’empara de Lou, il ne venait pas du sentiment de trahison, plutôt d’un basculement. Elle avait été observée, épiée, pas seulement par un homme, mais par une machine. L’intelligence artificielle l’avait laissée tricher, la berçant d’une illusion coupable, lui offrant l’impression de contrôler plus que son personnage de Jadeine. Si Xsaga l’avait souhaité, Cristina n’aurait pas quitté le jeu et Xandor ne serait pas apparu, ou bien Lou et son amie auraient comparé leurs expériences de sites de rencontre, se seraient donné des conseils. Une vie différente, pas cette cage.
« J’avais obtenu un stage dans une boîte de maintenance de serveurs. Quand j’ai compris qu’on allait intervenir chez Argosoft, j’ai perdu la tête.
— Ta solution relève du génie, pointa Aurore.
— Je savais où j’allais. En école d’ingénieur, j’ai toujours été bonne en électronique. Chaque élément est connu, c’est leur combinaison qui était inédite. Le type des Renseignements n’a pas trouvé que j’étais si géniale que cela, il m’a payée puis m’a oubliée.
— On doit récupérer ton appareil. Adrien, tu crois qu’on peut se faire embaucher par un prestataire d’Argosoft ?
— STVS ou Terrum peuvent nous fournir des pass. Le plus compliqué, ce sera l’équipe. Il faudrait une semaine ou deux pour nous intégrer.
— Il y a toujours des nouveaux chez les prestas, dit Lou. On ne reste jamais longtemps dans ces boulots. Les chefs ne vérifient que les identités et les autorisations, ils ne cherchent même pas à savoir si on est compétent : les tâches sont basiques. Au pire, on vous virera sans indemnités. Mais, dites-moi, Terrum, ce n’est pas le nom de l’IA qui gère les maisons ?
— Le cadastre, oui.
— Vous aussi, vous êtes employés par des IA ? »
Aurore et Adrien se regardèrent. La formulation les gênait.
« Nous coopérons, se défendit Adrien. Pour arrêter le frère d’Aurore, les machines ne suffisent pas; il a beaucoup plus de puissance à sa disposition que nous.
— Je connais Jo, je connais ses limites.
— Vous voulez savoir tous les deux si l’humanité a encore un rôle à jouer. »
Aurore acquiesça. Perdre la maîtrise, être le jouet de forces obscures, c’était l’angoisse fondamentale de toute l’espèce. On avait inventé la magie, les religions, les idéologies pour chasser cette terreur. Le feu avait dissipé les ténèbres, l’électricité avait fait fuir les mauvais esprits, et quand les humains eurent abattu les dieux de leur Olympe, ils créèrent des Prométhées sous la forme de programmes informatiques, d’algorithmes, d’intelligences artificielles qui nous frôlent quotidiennement sans qu’on les aperçoive. Alors la peur archaïque refit surface, et ils se retrouvèrent désarmés dans leurs grottes face à l’immensité de leurs créations. Incapables d’admettre que, malgré des milliers d’années d’évolution, ils ne s’étaient jamais approchés de la réponse à leurs questions.
« Au moins, je sais que mon frère ne nous sauvera pas. Il a déjà choisi son camp, sa solution, et vous en faites partie. Pour lui échapper, nous avons dû disparaître, tout abandonner. Nous voulons vous éviter cela.
— Comment vous m’avez trouvée ? »
La bouche d’Adrien se tordit, comme s’il rechignait à s’expliquer.
« Hans, Joachim ou Xandor, peu importe comment on l’appelle, emprunte régulièrement le métro. Lidéo, l’IA utilisée par la RATP, nous transmet à chaque fois les vidéos des caméras de surveillance quand il apparaît.
— Et vous m’avez vue dans la station avec lui.
— Il est intelligent, il sait qu’on le surveille. Grâce à Mole68x, il a provoqué une panne de signalisation.
— L’annonce de suicide ?
— Voilà. Le réseau s’est trouvé désorganisé, les voyageurs se sont accumulés sur le quai. Cela rend l’identification presque impossible dans ces conditions, mais Lidéo dispose des meilleurs algorithmes de traitement d’image. On peut dire merci aux attaques terroristes. »
Le sarcasme déplut aussi bien à Aurore qu’à Lou, qui finit tout de même par leur faire confiance et leur indiqua l’emplacement de son nano-ordinateur.
Commenter  J’apprécie          00
Quitter l’immeuble lorsque tout le monde arrive, ce sera mon dernier luxe. L’enquête sera simple pour remonter jusqu’à moi après ma charge délibérée pour faire gonfler le cours du mischmétal. On m’interrogera sans doute sur les détails – je dois protéger Lidéo et STVS au moins. J’ai conservé mes anciens algorithmes, je les utiliserai comme écran de fumée pour mes mensonges. Le carton que je transporte me paraît bien vide : une bouteille d’eau, mes lunettes de réalité augmentée, des papiers. Mon smartphone appartient à la boîte, je me sens déjà tout nu. Il faudra aussi que je rende les clés de mon appartement à Optired quand j’aurai déménagé. Au moins, Messager ne pourra rien contre moi ; il aurait même intérêt à me défendre, mais je ne crois pas à la mansuétude des services secrets. Au pire, on me fera disparaître. Je devrais être terrorisé, sauf que j’ai réussi à contrer une dizaine d’intelligences artificielles contrôlée par Xsaga pour m’abattre. Je me sens invincible.
Plutôt que de prendre l’ascenseur central habituel, je tourne à droite et attends celui accroché à l’extérieur de la tour. Je veux partir en pleine lumière, lorsque le soleil se lève pour éclairer la Grande Arche. Quand les portes s’ouvrent, je constate qu’il y a déjà quelqu’un, mais je l’identifie mal dans le crépuscule. Le badge dans la poche de mon manteau s’échappe et tombe, je me baisse pour le ramasser, c’est Hans qui me le tend.
Il a changé. Son visage d’ange a disparu pour devenir plus dur, son allure me paraît moins gauche. Je le sens très sûr de lui.
« Bonjour, Adrien.
— Je ne savais pas que tu avais trouvé un bureau dans les hauteurs.
— J’assiste Véronique. »
Belle ascension. Le silence nous accompagne pendant quelques étages, puis soudain, Hans lâche : « Est-ce que mon histoire t’a plu ?»
Je ne suis même pas étonné.
« Tu as des contacts avec les services secrets ? Tu as payé Messager pour me piéger ?
— Qui ça ? Je parle de notre conte. Finalement, tu descends au ras du sol, je m’élève. Mon récit avait plus de souffle que le tien.
— Tu savais pour les IA, tu avais besoin de moi pour y accéder. Se faire passer pour un jeune trader timide ne pouvait que me plaire.
— J’ignorais que tu tenterais un coup aussi absurde. Comme je surveillais ton journal de trading au back-office, j’ai compris ce que tu manigançais dès hier. Tu voulais briller, n’est-ce pas? Montrer que tu demeurais indispensable pour la boîte.
— Tu oublies que j’ai tenu tête à Xsaga et toutes les machines que tu as retournées contre moi.
— Tu n’es déjà plus rien. Tu rejoindras Leeson ou Kerviel dans la liste des traders les plus catastrophiques. Ton exploit t’évitera peut-être la prison, mais tu es fini. »
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent enfin sur le rez-de-chaussée et le hall rendu orange par la lumière matinale.
« Je n’ai jamais eu d’ambition car on est toujours seul au sommet. Avec du temps, nous aurions pu devenir amis. Ne t’envole pas trop haut. »
Je ne le regarde même pas en sortant, j’ai besoin d’air même si celui de la Défense ne sera jamais pur. Dans cette cage d’ascenseur, j’ai senti la présence d’un mal immense et radical. Hans n’a rien d’un gentil garçon, je le comprends désormais. Je n’aurais jamais dû lui donner accès au monde des IA. L’histoire qu’il écrira n’aura rien d’un conte.
Commenter  J’apprécie          00
Perdre la maîtrise, être le jouet de forces obscures, c’était l’angoisse fondamentale de toute l’espèce. Ok avait inventé la magie, les religions, les idéologies pour chasser cette terreur. Le feu avait dissipé les ténèbres, l’électricité avait fait fuir les mauvais esprits, et quand les humains eurent abattu les dieux de leur Olympe, ils créèrent des Prométhées sous forme de programmes informatiques, d’algorithmes, d’intelligences artificielles qui nous frôlent quotidiennement sans qu’on les aperçoive. Alors la peur archaïque refit surface, et ils se retrouvèrent désarmés dans leurs grottes face à l’immensité de leurs créations. Incapables d’admettre que, malgré des milliers d’années d’évolution, ils ne s’étaient jamais approchés de la réponse à leurs questions.
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Olivier Paquet (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Olivier Paquet
Le romancier de SF Olivier Paquet explique que les IA remettent en cause le mythe de la créativité humaine.
Interview en entier : https://youtu.be/tIopiCFoCtg Notre site : http://www.artisansdelafiction.com/
#shorts #shortsvideo #litterature #ecrire #ecriture #écireunroman #écriture #écrire #ia #litterature
autres livres classés : science-fictionVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus


Lecteurs (172) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4876 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..