Pourquoi Pascal a-t-il autant marqué nos esprits ? Pou rquoi le marque-t-il encore aujourd'hui ? Ce janséniste, qui à priori, n'a pas de lien avec nous, ce janséniste qui fait l'apologie de la religion chrétienne, ce janséniste, qui peut paraître, à certains égards, étonnant dans ses propos ; a compris quelque chose d'essentiel : la profondeur de l'existence. C'est cette philosophie que nous retenons, car elle répond, au fond de nous, par un écho vrai qui sonne aussitôt familier. C'est qu'elle fait l'expérience de l'homme. On peut sans doute y creuser quelques germes de l'existentialisme, qui fleuriront véritablement quelques siècles plutard.
Il est vrai que Pascal fait l'apologie de la religion chrétienne, au mépris des autres religions. Pour Pascal, la seule religion chrétienne est une religion de Dieu, accomplie par les prophéties. Par opposition, à Mahomet et sa religion " d'homme". le message du christianisme est le seul digne et corrige les défauts de l'homme. le modèle de perfection, étant Jésus Christ.
Jésus Christ est le modèle de Pascal. Il est l'exemple à suivre. D'où son assistanat auprès des pauvres, sa charité sans bornes. A cet égard, Pascal affirme : "Et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur, qui les a mis en moi et qui d'un homme plein de faiblesse, de misère, de concupiscence, d'orgueil et d'ambition a fait un homme exempt de tous ces maux par la force de sa grâce, à laquelle toute la gloire en est due, n'ayant de moi que la misère et l'erreur." C'est que Jésus Christ s'est sacrifié pour les hommes afin de racheter leurs péchés. Avant Jésus, le péché est le royaume du coeur. Par la grâce, ce royaume peut se régénérer, se purifier. Il n'y a que lui qui peut être source d'un tel comportement chez l'homme. Car, toujours selon Pascal, dans une perspective augustinienne : le coeur de l'homme " est creux et plein d'ordures".
Sa pensée est ainsi déterminée par une perception chrétienne, et notamment janséniste. Il tire ses influences de St Augustin comme on le voit à de nombreuses occurrences.Par là, Pascal porte un un regard sombre sur l'homme. Et c'est par ces yeux, qu'il pénètre dans le tréfonds de l'âme humaine. Sur quoi porte cet examen sévère et lucide ?
On peut soulever des thématiques clés ( en rapport avec l'existence), sans prétention à exaustivité.
L'être véritable et l'apparence.
La dichotomie entre être / paraître, ce qu'on peut définir comme " moi profond" et " moi social". Pascal reproche aux hommes la victoire du moi social sur le véritable être, authentique. Ce passage est éclairant : "Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître." L'homme, au profit de gloires vaines, se dépouille de son être. Il façonne une image fausse, artificielle. Il prend enfin goût à cet être fantômatique. Par là, l'essentiel de la vie intérieure est complétement oublié, délaissé comme le premier frisson que nous offre la vie. Nous ne voyons que la superficialité des choses, de ce point de vue.
Le moi est tyranique.
Il s'érige en jugement de tous. "En un mot, le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout : il est incommode aux autres, en ce qu'il les veut asservir, car chaque moi est l'ennemi et voudra être le tyran de tous les autres". Ici, l'éternel problème de l'égocentrisme, du naricisme surgit. Mais il n'est que vanité. En effet, Pascal s'efforce de montrer que le "moi" n'existe pas. On n'aime jamais personne. Ce ne sont que des qualités qu'on aime. C'est pourquoi, il prend l'exemple d'un amour qui s'est fané avec le temps. de même que la fleur, belle et jeune fane, la beauté physique, l'apparence sont condamnées aussi. Ici, la beauté était la qualité qu'on estimait. Si elle vient à manquer, l'amour s'éteint.
Le temps et le bonheur.
Si l'homme n'est jamais heureux, c'est qu'il ne peut l'être jamais. En effet, il vit tantôt au passé, tantôt au futur. Pourquoi l'homme est-il en proie au malheur, à l'angoisse, au dégout ? C'est que Pascal a saisit un manque, même si on peut ne pas être d'accord sur le principe final ( Dieu). L'homme s'ennuit et ne trouve qu'à un trompe-l'oeil, une parfaite illusion pour éviter d'être en tête à tête avec lui même, et donc le néant : le divertissement. le manque de l'homme serait dû à un état de complétude antérieur, à jamais déchu, par la faute originelle.
Ces thèmes sont bien évidemment en corrélation avec la christologie etc, et les grands principes chrétiens. On reprochera le pessimisme profond, sévère de Pascal. Ce pessimisme est fortement influencé par ses croyances. Pascal n'est pas éloigné de la réalité. Il ne propose pas une philosophie systémique, il épouse le flux des
pensées, seule dignité de l'homme, à condition qu'on pense " bien".
Il y a tout de même des points lucides soulevés, malgré un pessimisme sombre et aveuglant : comme l'apparat, la fuite hors du présent, le mal-être existentiel... Ne seraient-ce pas des résonances dans notre présent ?