À une dame qui fréquente les théâtres de sa ville, et ne manque jamais les principales « premières » de Strehler, de Visconti ou de Zeffirelli, il est vivement conseillé de ne pas se présenter aux représentations du nouveau théâtre. Ou alors si elle se présente, avec sa symbolique, et pathétique, fourrure de vison, elle trouvera à l’entrée une affiche sur laquelle il est écrit que les dames en vison sont tenues à payer le billet trente fois plus cher que son prix normal (qui serax très bas). Sur cette affiche-là, à l’inverse, il sera écrit que les fascistes (pourvu qu’ils aient moins de vingt-cinq ans) auront entrée libre. Et en plus de ça, on y lira une prière — prière de ne pas applaudir —, les sifflets et les marques de désapprobation seront naturellement admis, mais, au lieu des éventuels applaudissements, sera requise de la part du spectateur cette confiance presque mystique dans la démocratie qui permet un dialogue totalement désintéressé et idéaliste sur les problèmes posés ou débattus (en suspension de sens* !) par le texte.
PIER PAOLO PASOLINI / UNE VIE VIOLENTE / LA P'TITE LIBRAIRIE