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Aurelio Rongaglia (Éditeur scientifique)René de Ceccatty (Traducteur)
EAN : 9782070782284
656 pages
Gallimard (23/11/2006)
4.1/5   15 notes
Résumé :
En projetant et en commençant d'écrire mon roman, j'ai bien réalisé autre chose que de projeter et d'écrire mon roman : j'ai organisé en moi le sens et la fonction de la réalité ; et une fois que j'ai organisé le sens et la fonction de la réalité, j'ai essayé de m'emparer de la réalité. M'emparer peut-être, sur le plan doux et intellectuel de la connaissance ou de l'expression ; mais malgré tout, essentiellement, brutalement et violemment, comme cela se passe pour c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cercles capitalistes, progressistes, de l'Enfer, ample réflexion, dont il ne reste que des notes, sur les récits, la façon dont les construire à partir de citations et de pastiches, d'emprunts et de collages ; récit renseigné aussi sur les magouilles mafieuses, étatiques, d'une compagnie pétrolière italienne, récit simultané des mythes et des scissions, des interdits et tabous prétendument levés par une émancipation dont Pasolini ne cesse d'interroger le progrès. Ultime oeuvre de Pasolini, Pétrole est un de ses romans inépuisable, résistant toujours à toute interprétation unitaire, où l'auteur développe sa conception de l'art du roman, de la politique, du fascisme comme de l'intellectuel de gauche. Un roman total dont la fragmentation, l'incertitude sur son achèvement, reste l'horizon le moins imparfait.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Cher Alberto,

je t'envoie ce manuscrit pour que tu me donnes un conseil. C'est un roman, mais il n'est as écrit comme sont écrits les romans [véritables] : sa langue est celle qu'on adopte pour le essai, pour certains articles journalistiques, pour les critiques littéraires, pour les lettres personnelles ou même pour les poèmes : rares sont les passages que l'on peut qualifier de [nettement] narratifs et dans ce cas, ce sont des passages narrativement tellement découverts ("mais maintenant arrivons-en aux faits", "Carlo marchait") (...) qui rappellent plutôt la langue des synopsis ou des scénarios que celles des romans classiques : autrement dit, il s'agit de 'passages narratifs à proprement parler' fait 'exprès' pour suggérer le roman.

Dans le roman d'habitude, le narrateur disparaît, pour laisser la place à une figure conventionnelle qui est la seule qui puisse avoir un véritable rapport avec le lecteur. Véritable, justement parce que conventionnel. C'est si vrai qu'en dehors du monde de l'écriture - ou, si tu préfères, de la page et de sa structure telle qu'elle se présente à quelqu'un du métier - le vrai protagoniste de la lecture d'un roman est précisément le lecteur.

Or dans ces pages je me suis adressé au lecteur directement et non pas de façon conventionnelle. Cela veut dire que je n'ai pas fait de mon roman un 'objet', une 'forme', en obéissant donc aux lois d'un langage qui en assurerait la nécessaire distance par rapport à moi (...) presque, carrément en m'abolissant, ou à travers quoi je me nierais généreusement moi-même, en jouant humblement le rôle d'un narrateur pareil à tous les autres narrateurs. Non : j'ai parlé au lecteur en tant que moi-même, en chair et en os comme je t'écris cette lettre, ou comme souvent j'ai écrit mes poèmes en italien. J'ai rendu le roman objet non seulement pour le lecteur mais aussi pour moi : j'ai mis cet objet entre le lecteur et moi, et j'en ai discuté en même temps ( comme on peut le faire tout seul, en écrivant).
Maintenant, au point où j'en suis arrivé (voilà la raison de cette lettre), je pourrais récrire complètement ce roman à partir du début, en l'objectivant : c'est-à-dire en disparaissant en tant qu'auteur réel, et en jouant le rôle du narrateur conventionnel (qui, (...), est beaucoup plus réel que le narrateur réel) : je pourrais le faire je le répète. Mais si je le faisais, j'aurais devant moi une seule route : celle de l'évocation du roman. Autrement, je ne pourrais pas faire autre chose qu'aller au bout d'une route sur laquelle naturellement je me suis mis en marche. Tout ce qui, dans ce roman, est romanesque, l'est en tant qu'évocation du roman. Si je donnais corps à ce qui n'est que potentiel, à savoir si j'inventais l'écriture nécessaire pour faire de cette histoire un objet, une machine narrative qui fonctionne toute seule dan l'imagination du lecteur, je devrais forcément accepter ce caractère conventionnel qui est, au fond, un jeu. Je n'ai plus envie de jouer (vraiment, jusqu'au bout, c'est-à-dire en m'appliquant avec le sérieux le plus total); c'est pourquoi je me suis contenté de raconter comme j'ai raconté. Voici le conseil que je te demande : ce que j'ai écrit suffit-il à dire dignement, poétiquement ce que je voulais dire ? Ou bien serait-il nécessaire que je récrive tout sur un autre registre, en créant l'illusion de la vie vécue et demeurée intacte derrière moi, révélant comme de vraies réalités ces choses qui semblaient simplement naturelles ?
Je voudrais que tu tiennes compte, dans tes conseilles, du fait que le protagoniste de ce roman est ce qu'il est, à part les analogies de son histoire avec la mienne, ou avec la nôtre - analogies de milieux ou de psychologie, qui sont des pures enveloppes existentielles, utiles pour donner un aspect concret à ce qui arrive à l'intérieur d'elles-mêmes -, répugnant pour moi : j'ai passé une longue période de ma vie en sa compagnie, et il me serait très pénible de recommencer à zéro pour une période qui serait probablement encore plus longue.
Bien sûr, je le ferais, mais ça devrait alors être absolument nécessaire. Ce roman ne sert plus à grand-chose dans ma vie (comme les romans ou les poèmes que l'on écrit dans sa jeunesse), ce n'est pas une proclamation, hé, hommes ! j'existe, mais le préambule d'un testament, le témoignage de ce peu de savoir que quelqu'un a accumulé, et qui est complètement différent de ce à quoi il s'attendait /ce qu'il imaginait/!
ton
Pier Paolo
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Note 37
Quelque chose d'écrit

A la fin de mon "Argonautique", je sens que je dois quelques explication au lecteur, en me référant à tout ce que je disais dans la Note22i à propos de la stylistique 'bizarre' dans un roman qui s'est proposé d'être austèrement normal. Il s'agissait alors de l'insertion d'un 'graphique', il s'agit ici de la longue insertion d'un texte grec ou néo-grec (ou plus précisément du néo-grec littéraire utilisé par Cavafy). Eh bien, ces pages imprimées mais illisibles veulent proclamer d'une façon extrême - mais qui se pose comme symbolique, également pour le reste du livre - ma décision : qui n'est pas d'écrire une histoire mais de construire une forme (...) consistant simplement en 'quelque chose d'écrit'. Je ne nie pas que certainement la chose la meilleure aurait été d'inventer carrément un alphabet, si possible de caractère idéogrammique (...) mais ma formation culturelle et mon caractère m'ont empêché de construire ma 'forme' à travers de semblables méthodes, extrêmes, oui, mais extrêmement ennuyeuses. Voilà pourquoi j'ai choisi d'adopter, pour ma construction autosuffisante et inutile, des matériaux apparemment significatifs.
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Il était probable que cette personne qui était Thétis avait choisie pour confidente - c'est-à-dire pour dépositaire d'un secret qui ne pouvait qu'être d'une énorme valeur publique - aurait eu le courage, la témérité extrémiste même, d'en faire bon usage : mais de toute évidence elle ne le voulait pas (...) Quinze ans s'écoulèrent, et Thétis resta toujours près d'elle. Mais elle, désormais par partis pris, ou, comme on dit dans notre horrible langage, par choix idéologique, avait décidé de ne pas l'écouter. Durant cette période, elle alla habiter dans un quartier blanc aux confins de la ville, qu'on avait commencé à construire au temps du fascisme. Sa maison était tout à côté d'une énorme église - une espèce de faux Saint-Pierre entièrement blanc. Devant, s'étendait la dépression sur laquelle coulait le fleuve jaune et sale, plein de pots de chambre. Il y avait un faubourg lointain, de l'autre côté, sur certaines hauteurs pelées, et quelques cabanes, au-dessous, dans l'herbe qui poussait, probablement sale et poussiéreuse, près du fleuve. Ensuite, à mesure, la ville commençait à s'approcher et à menacer avec de longues terribles rangées de gros immeubles, avec la construction de nouvelles usines parmis lesquelles une grande XXXX d'une industrie automobile du Nord, avec l'invasion de voitures et de gens de mieux en mieux habillés et aux habitudes plus délicates, quoique, en même temps, de plus en plus vulgaires et presque odieux et répugnants. En tout cas jamais, durant toute cette période historiquement importante, la personne choisie par Thétis comme dépositaire d'un secret que nous pourrions bien dire historique, ne voulut l'écouter. Même si (...) elle était (...) de toute évidence de plus en plus courageuse et plus capable de payer de sa personne, car elle s'était mise en était de n'avoir en substance plus rien à perdre. Elle (...) ne voulait pas savoir quelque chose de dangereux et de révélateur qu'elle aurait été la seule en mesure de pouvoir rendre public. Et comme cette personne inutilement cherchée et sollicitée par Thétis était un écrivain, on en déduit aisément comment dans les livres de cet écrivain, quelque que pleins et complets qu'ils eussent été, il manquait en réalité "quelque chose" : et cela les destinait, par conséquent, à une ambiguïté fatale.
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("parlant" de son personnage "Carlo") Comme je l'ai dit, c'est un ingénieur : autrement dit, s'il est assez intellectuel pour vivre les contradictions sociales et politiques de notre temps, il ne l'est pas assez pour les vivres à travers cette conscience qui assure l'unité de l'individu, faisait de l'état schizoïde un état naturel et de l'ambiguïté un mode d'être.
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Le marxisme avait révélé à l'homme que l'homme, contrairement à sa fausse idée de lui-même, est divisé (par classes) et cela le rend coupable (exploitation de l'homme par l'homme). Et semblablement la psychanalyse avait révélé à l'homme intérieur qu'il est (toujours contrairement à sa fausse idée de lui-même) divisé (Moi et Ça, conscient et inconscient) ce qui le rend coupable (tous les péchés infinis, innombrables, immonde que l'homme, par voie hallucinatoire, ne cesse jamais d'accomplir et de vouloir). Quand à l'art, il faudrait qu'un Troisième Juif vînt à prouver qu'il n'est ni innocent, ni unique...
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PIER PAOLO PASOLINI / UNE VIE VIOLENTE / LA P'TITE LIBRAIRIE
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