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EAN : 9782021292527
320 pages
Seuil (07/09/2017)
3.27/5   11 notes
Résumé :
Non loin du village de Galveias, dans le sud du Portugal, un étrange objet tombé du ciel s’abat sur un champ, emplissant les lieux d'une insupportable odeur de soufre. Des pluies incessantes succèdent à une chaleur suffocante, le pain et la farine prennent un goût exécrable. Autour du cratère se rassemblent bientôt les habitants, dont la vie et les secrets sont peu à peu dévoilés, soudain mis à nu au contact du mystérieux phénomène agissant tel un révélateur. Sans q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Une nuit d'hiver (janvier 1984), l'univers touche Galveias, un petit village de l'Alentenjo : une explosion, un fracas terrifiant, puis un cratère au centre duquel se trouve la « chose sans nom » qui émane une forte odeur de soufre. S'ensuit une semaine de pluies torrentielles. L'odeur et le goût de soufre persistent durant des mois, imprégnant les vêtements, la peau et les aliments (en premier lieu le pain). C'est dans cette ambiance mystérieuse et quelque peu apocalyptique que l'auteur présente la vie de plusieurs habitants de Galveias, tous liés les uns aux autres.
Catarino, de son vrai nom Nuno Felipe (Catarino est en fait le prénom de son père) vit avec sa grand-mère Amélia et sa compagne Madalena, à qui il n'adresse pas la parole. Il cache sa sensibilité sous une attitude fruste et tente de remédier à son désoeuvrement et à ses blessures – l'absence de son père parti immigré en France, l'accident de son meilleur ami, João Pablo, la mort, également par accident, de son amie Isabella, prostituée de la discothèque – en compagnie de Famélia, sa mobylette.
João Paulo, la vingtaine comme Catarino, mécanicien passionné et extrêmement compétent, s'est marié au mois de juillet (1984) avec Cecilia qu'il fréquentait depuis huit ans. Alors qu'il allait la chercher dans son salon de coiffure récemment ouvert, il est victime d'un accident de moto suite auquel il devient paraplégique.
Le vieux Justino, éleveur à la retraite, est marié depuis près de six décennies. Il a une fille (Maria Luisa) et une petite-fille (Ana Raquel). Suite à une discorde au moment de l'héritage, il entretient depuis des années une relation haineuse avec son frère. le soir où, peu de temps après l'explosion, il retrouve sa femme sans vie dans leur lit, il décide d'aller tuer son frère. Mais les deux vieillards qui ne se sont pas vus depuis cinquante ans finissent par se réconcilier.
José Cordato, frère de Justino, veuf et sans enfants se souvient avec beaucoup de tendresse de sa femme, décédée il y a seize ans. Il a passé sa vie à gérer les propriétés du docteur Matta Figueira, dont il a très bien connu le père. Il vit avec ses deux chiens et sa perruche, qu'il trouve morte le lendemain de l'explosion. Quelques jours plus tard, il décide d'aller rendre visite à sa nièce et sa petite-nièce à qui il donne la chaîne ayant appartenu à sa mère (également prénommée Ana Raquel). Il intercède auprès du docteur Matta Figueira pour aider le fils de Júlia à trouver un emploi. Júlia est la femme qui travaille chez lui et avec qui il entretient une relation charnelle, malgré les trente-sept années qui les séparent. Tout le village l'apprend la nuit de l'explosion. Affligée par la honte, Júlia n'est pas revenue.
Jacinto, le fils de Júlia, âgé de 25 ans ne parvient à travailler nulle part. En juin, suite à l'intervention de José Cordato auprès du docteur Matta Figueira, on lui propose d'être gardien de nuit d'une exploitation agricole de liège. Quand il entend une voiture s'arrêter près du tas de liège, il prend peur et fait usage de sa carabine. Les balles atteignent son chien et Isabella qui se trouvait dans la voiture. Dès le lendemain, il est conduit au poste de police, puis au tribunal, et enfin en prison. Abasourdi, Jacinto pense à sa mère, à Ana Raquel, sa fiancée, à Isabella, la prostituée brésilienne qu'il connaissait, à sa mobylette…
Ana Raquel, petite-fille de Justino et petite-nièce de José Cordato, étudie à Lisbonne où elle loue une chambre chez une dame acariâtre. Au village, où elle revient très régulièrement, elle flirte avec Jacinto. Un soir, alors qu'elle se rend en métro à une fête avec une amie, elle perd la chaîne que lui avait donnée quelques mois plus tôt son grand-oncle. Son désespoir frôle la crise d'épilepsie.
Rosa Cabeça, mère de famille nombreuse, a travaillé pour José Cordato avant de se marier. Ayant eu vent des rumeurs selon lesquelles son mari la trompe avec Raquel Barreta, elle prépare un récipient avec ses selles accumulées pendant une semaine et s'en va le déverser sur sa rivale. Ironie du sort, les deux femmes commenceront très vite une relation charnelle.
Le chien de la Barreta, auquel un très beau chapitre est consacré, est le témoin impassible des ébats des deux femmes, ainsi que de nombreux non-dits du village.

Maria Teresa, jeune institutrice récemment arrivée dans le village, loue une maison à Manuel Camilo. Un matin, elle trouve sa salle de classe saccagée, une chienne éventrée sur le bureau et sur le tableau, écrit en gros à la craie « Dégage, sale pute ». Il semblerait que sa campagne pour l'alphabétisation des adultes n'ait pas été au goût de tous les villageois. Alors qu'elle va acheter du pain à la boulangerie-discothèque, elle se fait agresser par Miau, l'adolescent attardé. Elle le soupçonne d'être l'auteur de la malversion dans la salle de classe.
Manuel Camilo vit avec sa femme Zefa depuis plus d'un demi-siècle. Celle-ci devient sourde après l'explosion. Il a travaillé durant des années sur les terres du docteur Matta Figueira et depuis qu'il a arrêté, il s'occupe de son potager et de ses ruches. Il essaie en vain de surprendre sa locataire, la jeune institutrice, dans la salle de bain et courtise une voisine, Tina Palmada, âgée de 15 ans. Celle-ci cède aux avances du vieux pervers de 72 ans qui l'a attirée chez lui en achetant une télévision. Quelques mois plus tard, Tina Palmada avorte, avant d'aller proposer ses services de boulangère-prostituée à Isabella.
Isabella est arrivée du Brésil il y a neuf ans pour accomplir la promesse faite à son ancienne patronne, une Portugaise de Galveias installée à Belo Horizonte, de ramener son corps afin de l'enterrer dans le cimetière de son village natal. En échange, Dona Fátima faisait d'Isabella son unique héritière. Très vite, la jeune femme brésilienne monte une discothèque et une boulangerie. Les années passent mais elle a le mal du pays. Elle demande conseil à sa famille pour éliminer le goût du soufre dont est imprégné son pain depuis l'explosion. Un soir alors qu'elle se trouve dans la voiture du fils du docteur Matta Figueira, jeune homme marié, elle est atteinte d'une balle et finira pas être elle-même enterrée dans le cimetière de Galveias.
Joaquim Janeiro est le facteur du village et, malgré ses apparences d'homme sans histoires, il garde un grand secret. Au moment où il a été envoyé combattre en Guinée, vingt ans auparavant dans le contexte des guerres de décolonisation, il a rencontré Alice avec qui il a eu quatre enfants. Tous les ans, en septembre, il s'absente de Galveias, en disant qu'il va rendre visite à ses neveux, alors qu'en réalité il part en Afrique où il retrouve sa famille qui l'accueille avec joie. En arrivant à Bissau, il distribue des cadeaux à ses enfants et offre une machine à coudre à Alice. le soir, il joue de la clarinette et raconte, sous les regards attentifs de sa famille et des voisins, des anecdotes sur Galveias : l'histoire des deux frères qui se sont réconciliés après des années, l'explosion et la « chose sans nom », etc.
Maria Assunta est lavandière à domicile et a du fil à retordre avec son fils adolescent, Manuel Carlos, dit Miau, souffrant d'un handicap mental. de plus, Maria Assunta est très affectée par la mort de sa chienne Cassandra, dont il a été question dans le chapitre autour du chien de la Barreta et qui a mangé une boîte de sardines contenant du poison.

Le roman est structuré en deux parties : « Janvier 1984 » et « Septembre 1984 », correspondant à deux moments, deux saisons bien marquées.
Tandis que le premier chapitre au ton de science-fiction raconte la fameuse nuit de l'explosion en évoquant quelques personnages, les suivants sont centrés sur les habitants du village (mentionnés ci-dessus) avec, en filigrane, le souvenir du mystérieux fracas et surtout l'odeur omniprésente de soufre.
Le roman présente la forme d'une carte ou d'un puzzle que le lecteur reconstruit sans difficulté. Chaque chapitre est un conte, un récit centré autour d'un personnage, son quotidien, ses secrets, ses blessures, ses rêves. Ils se remémorent tous des épisodes de leur vie, dans un jeu de constants d'allers-retours entre le passé et le présent, voire le futur. Ainsi quand à la fin du chapitre 4, Rosa Cabeça met à exécution sa vengeance qu'elle a tramée contre sa rivale, le narrateur nous dit qu'« elle était loin d'imaginer que moins de deux semaines plus tard, elle s'endormirait enlacée contre son aisselle » (p. 76), et ce n'est qu'au chapitre 9 que la phrase énigmatique prend son sens.
La structure singulière de l'intrigue crée une tension narrative intéressante. Les actions s'enchaînent avec beaucoup de rythme grâce à une prose vivante où des expressions orales et les dialogues sont mêlés à la narration.
Le style de J. L. Peixoto se caractérise, comme dans ses précédents romans, par sa poésie, sa délicatesse et son lyrisme. Sa prose limpide évoque constamment les odeurs, les goûts, la lumière, le silence. Alors que dans la première partie, il est question de l'obscurité, de la nuit, du froid hivernal, la seconde évoque la chaleur accablante et la sécheresse de la fin d'été. En outre, les sons et les odeurs traversent le récit, qu'il s'agisse des aboiements des chiens, du vrombissement des mobylettes et, surtout, des relents de soufre, mais aussi d'alcool, de sueur, etc.

Soufre est un roman centré autour de l'identité d'un monde rural de plus en plus dépeuplé et isolé. Qu'ils soient jeunes ou vieux, tous les personnages semblent aux prises avec le désoeuvrement, le vide et la solitude. Peixoto maîtrise l'art de donner vie à ses personnages : en peu de mot, il laisse à voir le tempérament, les forces et les limites de chacun d'entre eux. Accidents, maladie, folie, amour, naissances... Soufre raconte les joies et les drames des habitants d'un village portugais dans les années 1980.
Si des éléments sont caractéristiques du Portugal, tels que la présence de la religion, l'analphabétisme, l'agriculture (l'élevage, le liège), d'autres ont une dimension universelle, comme les éternels commérages, les figures incontournables du médecin, de l'institutrice, du prêtre (le père Daniel dont il est question à de nombreux moments), de la lavandière, du facteur, de la prostituée, ou encore l'arrivée des feuilletons américains à la télévision qui fascinent tout le village, notamment les femmes. Il est aussi question d'objets typiques de ces année-là : les polycopiés (stencil), les cassettes, les mobylettes...
L'érotisme se conjugue avec l'interdit, à savoir les relations sexuelles adultérines, pédophiles, homosexuelles ou encore la masturbation, le voyeurisme et la prostitution.
L'humour est présent au fil des pages. Notons la scène où le père Cabeça et deux de ses fils vont passer à tabac Manuel Camilo qui a offensé son plus jeune fils ; celui-ci finit par s'apercevoir qu'ils se sont trompés de personne. Il a déjà été question de la scène scatologique entre les deux femmes. Mentionnons le personnage haut en couleur de Dona Fátima, la prostituée portugaise octogénaire qui sur son lit de mort donne des conseils à ses jeunes employées. le fait que José Cordato, âgé de quatre-vingts ans, commande sur une revue un « stimulant masculin » dans l'idée d'avoir une relation sexuelle avec Júlia fait sourire, tout comme le casse-croûte que Joaquim Janeiro emmène dans l'avion car il ne supporte pas la nourriture qu'on donne aux passagers.
Si les dates, les âges et la chronologie sont mentionnés avec beaucoup de précision et si plus de cent personnes et des dizaines de lieux sont nommés (beaucoup, à l'instar de Catarino/Nuno Felipe ont même deux noms), l'inconnu, le mystère, la peur sont incarnés par la « chose sans nom » .
On retrouve dans Soufre l'univers de Peixoto depuis son premier roman, Sans un regard, tout en continuant à être séduit par son talent de romancier et de poète.

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Peixoto fait partie de mes quelques auteurs préférés ,n'attendez donc pas de moi une critique objective ( d'ailleurs est ce possible une critique objective?) ...Oui, Peixoto m'envoute et en essayant d'y voir clair; j'y verrais 3 raisons:
-son écriture poétique qui n'est pas sans me rappeler la première époque de Giono. Ca me prend aux tripes .
-ses histoires où viennent se mêler des phénomènes "extraordinaires" . en cela il me rappelle Mukrakami. phénomènes souvent prétexte à mettre les personnages sous tension.
-le Portugal...que j'aime....
Sans doute Souffre n'est il pas son meilleur livre mais je crois que je l'ai aimé aussi car pour la premiere fois, la forme du roman est si proche d'un recueil de nouvelles ( forme littéraire que j'adore) ...Certaines sont magiques...
et puis , avec Peixoto, la douleur est fondatrice de son écriture...alors "Soufre" en traduction française me va bien....( je ne suis pas maso pour autant;...)
Bonne lecture à ceux à qui ma critique aura donné envie de lire ce roman...
merci de vos remarques...commentaires, avis...
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J'avais beaucoup aimé "Le cimetière de pianos" de J.L.Peixoto, que j'ai lu deux fois. J'ai également lu "Une maison dans les ténèbres" et "Sans un regard". Avec "Soufre" l'envoûtement n'a pas opéré. La mayonnaise ne prend pas. Les protéines du jaune d'oeuf (la vie de la communauté villageoise) ne se lie pas avec les molécules d'huile (la vie de chaque protagoniste), malgré l'adjonction de quelques gouttes d'eau (le météore soufré tombé du ciel qui paraît bien artificiel).J'ai attendu la cristallisation jusqu'à la 80ième page, en vain. J'ai donc arrêté la lecture. Il y a tellement d'autres livres qui m'attirent.
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en refermant ce livre , j'ai la profonde impression de débarquer de ce village
pour moi qui ne suis jamais allé au Portugal , çà a vraiment été une immersion riche en sensations ....
comme ce brave chien , j'ai été un spectateur privilégié du quotidien en ces lieux ( à cette époque) . J'ai pu constater que la nature humaine est la même partout ...
je pense que çà ferait un bien beau film
et pour y revenir ; la scène vue du point de vue du chien ! ... je l'ai trouvée fantastique et bon sang on pourrait en faire tout un livre non ?
l
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Depuis que je l'ai lu, je n'ai pas cessé d'y penser. C'est un roman incroyablement riche. C'est une construction incroyable d'histoires. "Soufre" nous rappelle pourquoi nous lisons encore des livres.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La fumée des cheminées se figea, ou si elle continua à monter ce fut selon une figure constante, sans le moindre sursaut. Même le vent, qui jusque-là s'amusait seulement avec le murmure que produisaient ses caresses sur les choses, donna l'impression de se contenir. Le silence fut absolu au point qu'il suspendit l'action du monde. Comme si le temps avait poussé un sanglot, Galveias et l'espace partageaient la même soudaine immobilité. p 15
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Nous avons tous une place où la vie prend son sens. Chaque monde possède son propre centre. Ma place à moi n'est pas meilleure que la tienne, ni plus importante. Nos places ne peuvent pas êtres comparées. Elles sont trop intimes. à l'endroit où elles se trouvent, personne d'autre que nous ne peut les voir. Il y a des couches invisibles autour des formes que les gens ont en face d'eux. Des couches nombreuses. Inutile d'essayer d'expliquer ce qu'est notre place à nous, personne ne comprendrait. Les mots ne supportent pas le poids de cette vérité, une terre fertile qui vient du passé le plus éloigné, un orient qui s'allonge jusqu'au futur sans la mort. (Page 227)
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Comme une trompette annonciatrice de la mort, l'explosion avait complètement couvert les cris (...) Certains, par instinct, avaient passé cette minute à hurler. Sans être capables de penser rationnellement, ils sentaient qu'entendre leur propre voix les aiderait à contrôler la situation. Et aussi que cela prouverait qu'ils étaient encore en vie.
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Ils étaient inquiets, meurtris, mais, dès lors que le poids de la peine se partageaient entre tous, le soulagement avait été immédiat.
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Peut-être cette explosion venue de l'au-delà fournissait-elle une solution aux questions sans réponse.
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