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EAN : 9791028101350
744 pages
Bragelonne (15/03/2017)
2.82/5   11 notes
Résumé :
France, de nos jours. Le pays vit sous dictature militaire. Les citoyens sont fichés, surveillés, manipulés.Des rebelles, retranchés dans les Territoires ouverts, luttent depuis ces régions reculées de la campagne française. Oregon, 25 ans, travaille quant à elle à la Section de Sécurité Prédictive. Sa mission : guider le présent en direction d’un futur « admissible ». En somme, manipuler l’information et la population, au besoin de façon musclée.Dans une maison aba... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
DE QUOI PELOT EST-IL LE NOM ?

La sortie récente chez Bragelonne d' « Oregon », l'intégrale d'une série parue en 1990 mais remaniée et augmentée par l'écrivain vosgien, est l'occasion toute trouvée d'oser formuler une réponse à l'ambitieuse question exprimée par notre titre. Ce roman de prospective-fiction est suffisamment représentatif de l'oeuvre du polygraphe inspiré pour nous en offrir le matériau adéquat.

Or donc, Pelot, c'est d'abord un paysage qui s'anime par la magie du verbe, prend forme, se dessine sous nos yeux ébahis par tant d'images, par cette science de la mise en perspective, par ce souci du détail signifiant, et s'enracine dans notre esprit devenu grand écran pour mieux appréhender la richesse du dessin. Tenez, lorsque les deux héros rejoignent en hélicoptère leur refuge, ça donne ceci : « Ils avaient survolé plusieurs villes aux artères pulsantes de circulation automobile compacte, des routes et des portions de voies rapides qui ressemblaient à des conduits étroits dans lesquels les véhicules auraient été lancés de très loin et roulaient comme des billes qui ne se percutaient jamais. Un fleuve de mercure sur le trajet duquel le soleil plaquait son incandescence. » Vision cinématographique, non ? Et ailleurs, un protagoniste arrive dans un village abandonné où « un reste de chaleur faisait trembler l'air épais au ras des crevasses et des éclatements du revêtement de vieux goudron effrité couvert de terre et semé de plaques gazonneuses, comme des lambeaux de vieille moquette sur un plancher effondré. L'herbe des prés environnants, calcinée sur pied depuis des années, épandait ses ondes mortes dans les différentes nuances de l'exsangue, long reflux empaillé qui ne bronchait même pas au souffle d'air nonchalant. » On s'y croirait !

Pelot, c'est aussi une galerie de personnages croqués à l'encre sèche par un styliste de haute lignée, traqués dans leurs moindres caractéristiques et mis en pleine lumière, défauts et qualités en bandoulière, par ce don si précieux que Pelot possède de faire remonter à travers un aspect physique ou un simple geste le reflet d'une âme. Ainsi, cette fille condamnée par la Maladie (un fléau qui a entraîné le chaos dans le monde décrit par le roman) mais qui refuse de lui céder : « Ses grands yeux mauves qui brûlaient de fièvre sans que l'on pût savoir s'il s'agissait d'une incandescence pathologique pure ou de ce qui consume l'expression d'une inébranlable volonté. » Styliste, peintre, pour vous en convaincre, ceci encore sur les deux héros de l'histoire Oregon et son petit frère Kyllian : « La lumière chaude éclairait Oregon par le trois-quarts arrière et gribouillait autour de sa chevelure défaite une auréole de brillances évoquant des myriades de petites flammes hérissées filiformes et son ombre portée sur le visage du garçon, avec pour effet de diffuser autour d'eux la clarté sourde de la lampe, les isolait dans le même îlot de pénombre douce. » Comment mieux évoquer une intimité complice.

Pelot, c'est encore LE raconteur, à l'image de certains personnages de sa saga, celui qui met en scène, construit son intrigue par lents aller-retours, conduit le lecteur de méandres en culs-de-sac pour mieux le réorienter ensuite vers le chemin de traverse où il frôlera la vérité –une certaine vérité-, le déstabilise parfois, le passionne toujours. Dans « Oregon », sommes-nous en 2015, comme le prétendent les tenants du pouvoir et leur cohorte d'agents et de contrôleurs, ou en 2065 comme tentent de le prouver les Raconteurs, qui agissent dans l'ombre et misent sur une drogue permettant d' « accéder à des événements qui te feront comprendre ce qui s'est passé. », ainsi que le révèle Ethan, ancien ami de son père et devenu Raconteur, à Oregon ?

Pelot, c'est enfin un résistant. Les extrémismes, les fanatismes ne trouvent jamais grâce à ses yeux et il a toujours dans sa besace fictionnelle le personnage susceptible de dénoncer les agissements des fondamentalistes, des excités de tous poils, des exploiteurs de la crédulité humaine et de les fustiger. Ici, c'est le dénommé Jérémie qui a perdu sa soeur, victime « des suceurs de sang et de moelle » parce que, comme bien d'autres, elle appartient à « tous ceux qui cherchent ou attendent quelqu'un, ou quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas partir à la dérive. » Ca ne vous rappelle rien ? Et comme il se doit, déferlent sur le monde chaotique d'Oregon des bandes de déments, dont « l'aliénation s'était structurée, ordonnée, s'était laissée encadrer et enrégimenter par de malins gourous, d'astucieux et pragmatiques fous furieux. » Voilà on est en plein dedans !

Ce roman puissant d'une amnésie planétaire contrôlée par des puissants offre à Pierre Pelot l'occasion idéale pour dérouler le fil d'une toile d'araignée dans laquelle son lecteur se laisse emprisonner avec délectation. Il peut se lire au premier degré, le talent du conteur le permet. Mais il possède en arrière-plan des ramifications qui donnent de la substance au propos. Chez Pelot, la réflexion qu'induit l'histoire ne nuit jamais au plaisir de la lecture.






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Reclus au fin fond d'une vallée Vosgienne fraiche et embuée, Pierre Pelot vit en ermite. Comment expliquer sinon sa foisonnante bibliographie ? Plus de 200 titres. L'ours des Vosges doit se lever bien avant le soleil et noircir des lignes à tire-larigot.
Ecriture rugueuse de bûcheron de la plume (m'étonnerais fort que l'animal se soit converti au traitement de texte – connait-il seulement la machine à écrire ?) , chaque parution porte en elle les ombres et les ténèbres qui donnent un contraste saisissant, annoncé plus que décrit par des mots justes, des tournures qu'on n'attend pas, une avancée dans le récit qui n'est jamais linéaire.
Autant dire qu'il faut parfois s'accrocher. Alors quand l'ours des Vosges se lance dans des fantasmagories d'anticipation, pour ne pas employer le terme trop galvaudé de science-fiction, il vaut mieux ne pas être trop distrait dans sa lecture. Si l'on ajoute une épaisseur de papier (780 pages version grand format) à celle, déjà conséquente de l'écriture, on tient quelque chose de singulier.
Pour résumer, il est question d'un univers (la France du presque sud) post apocalyptique où une jeune femme, sorte de flic, et son encore plus jeune frère, sujet à des hallucinations (des « dérapages ») placé dans un centre spécialisé, attendent la venue de leur père. Nous sommes sur le Causse, ces étendues désertées qui s'étirent sur les plateaux du Lot. le gouffre de Padirac y tient une place centrale.
Surgit alors un homme traqué et blessé qui prétend que la réalité n'est qu'un leurre. Que les autorités ont gommé quasiment cinquante ans de la mémoire collective. Ses agresseurs qui débarquent bientôt lui reprochent tout simplement d'être à l'origine de la mort par overdose de la soeur de l'un d'entre eux. Alors tout s'enchaine et commence à singulièrement s'embrouiller. Oregon change de nom au fil du récit, devient Alice. Son patronyme change aussi. L'homme qu'elle aime n'est visiblement pas le même que son mari supposé. Kilian, le jeune frère, devient Gael, son beau fils, le fils de son compagnon. Nous ne sommes plus en 2015 mais en 2065. le gouffre de Padirac, depuis longtemps abandonné est en travaux pour l'ouverture annoncée d'un parc d'attractions, mais abrite tout un monde. On croise un vendeur ambulant qui se révèle un policier chargé d'accompagner et de protéger Alice/Oregon dans la quête de son père. Des amis de longue date deviennent ennemis. Et tout se mélange. On a l'impression de lire une seconde fois des pans entiers du récit. Ce n'est pas une impression. Pelot nous mène par le bout du nez en jouant sur la structure du récit (opposition d'une écriture en italique : rêves, pensées, autre monde ?). Bref, tout nous donne la sensation d'être atteint d'Alzheimer. C'est déstabilisant.
Et toujours cette prose exigeante et absolue, faite de locutions propres à l'univers Pelotien : hurlupé, piauler, chaloupé, ébavuré, racrapoter, bossellement, blésements, tavelé, moirure, rouspétance, regimber… Un vrai dictionnaire ! Et des fulgurances d'expressions : « aux franges écumées des nuits » ou encore « Cette évanescence caractéristique du souvenir d'un rêve agréable qui poudroie et se disperse inéluctablement sitôt passé le réveil ». Justement, est-ce un rêve ?
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Oregon est une femme forte, prise au piège d'histoires multiples. Impossible d'en dire plus sans dévoiler les ressorts des intrigues qui bousculent, happent, perdent puis rattrapent au vol le lecteur. Ballotté par un style chaotique, souvent inattendu mais sacrément imagé, on navigue avec délice et effroi dans les strates du récit. A lire d'une traite, sous peine de ne jamais sortir des méandres des mondes d'Oregon.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Pour survivre, la mémoire se doit d’apprendre à oublier, aussi. Apprendre l’oubli de certaines formes d’apprentissage qui s’exécutent instinctivement. Il devait repêcher et conserver ce qui l’aiderait à se maintenir en équilibre, si précaire et provisoire fût-il, sur sa principale volonté de ne pas basculer dans le gouffre.
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C’est pas un dimanche qui va m’empêcher de travailler, si le boulot presse ou si j’en ai envie. J’ai pas suffisamment de religion, comme certains qui fonctionnent encore à ces superstitions, pour m’arrêter à ça. J’en ai même pas du tout, en fait. Je crains pas de le dire. Ça presse toujours, le boulot, je dois avouer, et puis ce que je fais, quand je le fais, j’aime ça. J’avais taffé tout le matin, d’environ sept heures jusqu’à dans les dix, tout seul, sans le gamin, parce que précisément c’était dimanche et qu’on peut tout de même pas obliger un jeune de même pas quinze ans, si brave et qualifié qu’il soit, à être en plus aussi dingo que son patron, question boulot. Y a des tas de choses beaucoup plus intéressantes pour un gamin, un dimanche matin, jour de repos, à commencer par se remettre d’aplomb après le samedi soir.
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On attrape vite soif d’en savoir davantage… et ça deviendrait vite une soif que ce qui reste de « mémoire ouverte » dans cette fiole ne réussirait pas à apaiser.
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Tu sais qu’un maçon construit des maisons, qu’un charpentier dresse des charpentes… mais tu ne sais pas comment ils exécutent leur tâche, tu ne sais pas ce qu’est réellement dresser la poutre maîtresse d’un toit. C’est ce que je veux dire.
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L’efficacité et le travail, ça va ensemble. N’empêche, ce que je veux dire c’est que c’était quand même une berline comme on n’en fait plus, une sacrée bagnole, comme personnellement j’en ai pas vu quatre dans ma vie, pas quatre, et le gros type à la voix éraillée comme un gangster de cinoche avait l’air d’avoir bien toute la thune qu’il fallait pour payer les services rendus – ça aussi vous pouvez être sûr que dans ma partie ça commence à se faire rare.
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Videos de Pierre Pelot (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Pelot
Immense Pierre Pelot, avec plus de 200 livres en 53 ans d?écriture : littérature générale, science-fiction, policiers, romans noirs, récits fantastiques, BD, théâtre, contes, sagas... L'auteur était à Poirel le 7 octobre pour un entretien aux côtés de Françoise Rossinot autour de son dernier roman, "Braves gens du Purgatoire" (Éditions Héloïse d'Ormesson).
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