L'orchestre du Titanic

Les lecteurs qui aimeraient retrouver un lien avec la dramatique histoire du Titanic, ou les flamboyants héros du film seront certainement déçus… le lien, s'il existe, est mince...On rapporte que L'orchestre du Titanic a continué à jouer tout au long du naufrage….dans le club de vacances tunisien où vient de se dérouler un meurtre, rien ne doit gâcher les vacances des Italiens, il faut faire "comme si" rien ne s'était passé... Mais Anna Pavesi ne souhaite pas se laisser bercer par ce genre de musique.

Anna Pavesi, psychologue de profession, qui habite Bergame, est devenue enquêtrice bien malgré elle…elle s'est trouvée mêlée à des enquêtes qu'elle a contribué à résoudre grâce à sa son empathie, sa façon bien particulière d'aller chercher la clef de l'énigme… comme elle le dit elle-même « dans la tête des gens ».

Mme Melzi demande l'aide d'Anna, car sa fille Aurora, partie avec son fiancé Ermanno passer des vacances en Tunisie, dans un club de Djerba, le Village Calypso, a assassiné un animateur du club ; lors de l'arrestation elle a tenté de se suicider. Mme Melzi explique également que sa fille, sous traitement, souffrait de troubles bipolaires qui semblaient stabilisés. Tels sont les premiers éléments dont dispose Anna, qui accepte de se rendre à Djerba , accompagnée de son ami Marco Callegari, médecin, en tant qu' »amie de la famille ».

L'accueil et l'installation dans le Village Calypso, la rencontre avec Aurora et Ermanno, le rendez-vous avec le commissaire Jamel Zaalani chargé de l'enquête permettent à Anna de progresser et de mieux comprendre comment le drame a pu se dérouler. Marco doit retourner à Bergame et Anna poursuit seule son enquête… Des témoins la contactent…. Elle se rend à la frontière de la Libye, met sa vie en danger, un détail la tracasse, quelque chose cloche…. Il faut vérifier sur internet.... Mais où se cache la vérité ?

Au moment de rédiger cette critique, je suis partagée. J'aime beaucoup les romans policiers et je n'ai pas retrouvé dans L'orchestre du Titanic ce qui m'attire habituellement…. Un héros attachant, une histoire bien ficelée….un « souffle »… rien de tout cela. Pour autant, la description du Village Calypso, du gouffre qui existe entre le club de vacances et les villages tunisiens, le rôle d'internet, la description de la Tunisie m'ont interpellée. J'ai eu l'impression étrange que l'auteur, Alessandro Perissinotto, arrivé à un moment clef de l'histoire, souhaitait détourner progressivement le regard du lecteur des héros et de l'histoire proprement dite, pour s'attarder sur des détails, ou des élément subalternes, qui progressivement vont prendre toute leur importance…
Tout se passe comme si le roman policier n'avait été qu'un moyen de faire passer une ou deux vérités qui, aux yeux de l'auteur, semblaient beaucoup plus importantes que l'intrigue elle-même. En conclusion un roman policier "différent" que l'on lit avec plaisir, une intrigue simple mais qui peut nous donner matière à réflexion… Alors, je vais peut-être revenir sur ma première impression...et donner une seconde chance au couple improbable Anna-Marco....

La psychologue Anna Pavesi accepte de se rendre à Djerba, dans un village de vacances, afin de soutenir Aurora Melzi, jeune femme atteinte de troubles bi-polaires, accusée du meurtre d'un des animateurs du village. Alors que les touristes continuent de fréquenter inlassablement la piscine et de participer aux jeux proposés par les G.O., Anna découvre la face cachée de ce lieu dédié à l'insouciance et aux plaisirs éphémères. En refusant les conclusions hâtives des policiers en charge de l'enquête, elle met au jour une machination cruelle.
"Une oeuvre de fiction inspirée de faits réels" qui ont conduit une jeune femme dans les prisons tunisiennes sans qu'aucune charge ne pèse contre elle : c'est l'avertissement qui figure en tête de ce roman et qui lui donne un goût amer.
L'envers du décor des villages de vacances est dévoilé sans concession : l'exploitation des habitants, le mépris dont ils sont l'objet, la main-mise sur l'économie locale... Mais ces éléments du réel s'intègrent parfaitement à l'intrigue que j'ai suivie passionnément jusqu'au coup de théâtre final.

La référence au célèbre paquebot du Titanic est subtile : ces vacances d'Aurora et Ermanno se promettaient inoubliables, paradisiaques. L'exotisme d'un voyage vers le lointain cerné d'un paysage marin baigne normalement les protagonistes dans un romantisme incontestable. Et dans le village de calypso, à l'instar de la traversée sur le Titanic, les évènements vont brutalement se renverser pour devenir tragiques. En comparaison du Titanic scellé dans un destin dramatique comme celui d'Aurora, la narratrice Anna persévère malgré tout dans sa quête, comme l'orchestre qui continuait de jouer, sans se laisser submerger par la fatalité.

La narratrice Anna, conquiert immédiatement le lecteur avec son naturel, consciente de ses propres imperfections. Son âge, ses kilos en trop, son divorce, sa relation avec un homme marié, la rendent sympathique, et abordable ; son courage intelligent captive le lecteur du début jusqu'Anna la fin du roman. Son couple avec Marco, cet homme tout juste divorcé et accaparé par son travail reste très réaliste dans le roman car on la sent être indépendante et maître de ses décisions.

Ce roman illustre une certaine idée de villages de vacances, des clubs de vacances ; sans l'évocation du meurtre, la description du cadre, d'une organisation chronométrée pour satisfaire les envies de chacun et des activités nous plonge dans l'ambiance, on est prêt à réserver immédiatement sa place. L'exagération offerte aux touristes n'est pas écartée : la nourriture proposée à outrance, le personnel soumis et corvéable, des activités à foison pour l'once d'un ennui potentiel. L'artifice et l'amusement y sont la règle et chacun s'y complait.En partant des troubles bipolaires, on pourrait en déduire une dangerosité potentielle mais pour donner une bonne justesse dans l'approche, le lecteur devra porter une attention particulière sur les analyses de la psychologue. L'enquête menée par Anna nous invite aussi à s'inquiéter sur les conséquences dramatiques qui peuvent survenir lors de voyages, que l'on soit coupable ou innocent dans des pays étrangers… toutes les justices ne se valent pas.
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