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EAN : 9782701132426
159 pages
Editions Belin (02/10/2002)
4.22/5   46 notes
Résumé :
A l'origine de cet ouvrage, il y a des voix d'hommes et de femmes d'origines culturelles et de milieux sociaux différents, et en contrepoint des souvenirs de lectures transcrits par des écrivains. En conjuguant sciences sociales et psychanalyse, il approfondit l'analyse de leurs expériences singulières et des résistances que l'écrit suscite.
Ces lecteurs racontent les biais insolites par lesquels les livres leur ont permis d'apprivoiser leur peurs, de constru... >Voir plus
Que lire après Éloge de la lecture : La construction de soiVoir plus
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Éloge de la lecture n'est pas simplement un essai sur les plaisirs innombrables de la lecture. Certes, la sociologue Michèle Petit y fait forcément allusion.
Comme le laisse présager le sous-titre, il s'agit plus ici de déterminer de quelle façon cette activité de la lecture permet la construction de soi et, partant, comment les liens de sociabilité peuvent évoluer grâce ou à cause d'elle, selon les contextes.

Michèle Petit se base pour son étude sur des entretiens avec diverses personnes, particulièrement issus de milieux ruraux - donc éloignés géographiquement et/ou mentalement des lieux culturels - et de zones sensibles. Les banlieues à problème, en d'autres termes. Y sont également référencés et cités des extraits d'oeuvres littéraires d'écrivains revenant sur leurs propres souvenirs de lecteurs/lectrices. Ainsi que des travaux d'autres sociologues et chercheurs s'étant penchés sur la question.

A travers son essai, on découvre combien l'image du lecteur reste même aujourd'hui soumise à des préjugés très négatifs. Il apparaît souvent comme un solitaire - donc égoïste, un "qui se la pète", un fainéant qui gaspille son temps avec une activité jugée inutile, quelqu'un qui dérange car possiblement subversif voire désireux de remettre en cause tel ou tel système, etc.
Pourtant la lecture dépasse ces clichés en permettant outre le divertissement et l'enrichissement culturel, une construction personnelle indéniable. On se retrouve souvent face à soi-même dans une oeuvre lue. Il y a également le bonheur voire le soulagement de tomber sur des phrases qui expriment des sentiments qu'on porte en soi sans réussir à mettre des mots. Quel soulagement en effet que cette expérience. Et quel sensation de se dire qu'on n'est pas seul puisque l'auteur et certainement d'autres lecteurs se sont retrouvés confrontés à ce qui nous pèse depuis tant de temps sans le moyen d'être jusqu'alors exprimé. C'est ainsi que l'anagramme lire-lier prend tout son sens puisque, d'activité personnelle, intime et solitaire, la lecture nous rattache à une vaste communauté d'autres personnes. Écrivains, lecteurs, bibliothécaires, enseignants, etc. Lecture et livres invitent au partage. Partage isolé comme l'exemple cité ci-dessus et partage explicite en devenant Passeurs de livres. Il est si merveilleux de partager ce qu'on a aimé et de susciter chez d'autres l'envie de lire cet ouvrage en particulier.

Michèle Petit a oublié, mais on lui pardonne, de parler de Babelio dans son essai. Ce sera pour le prochain. En attendant, voilà une lecture aussi instructive que passionnante qui permet de se recentrer également sur sa propre vision/construction de lecteur. de quoi réfléchir et aimer encore plus tout ce que que peuvent nous offrir les livres.
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L'auteur

Michèle Petit est anthropologue au CNRS. Après une étude sur la lecture en milieu rural, elle a coordonné une recherche sur le rôle des bibliothèques dans la lutte contre les processus d'exclusion. Elle a également écrit L'art de lire ou comment résister à l'adversité dont Delphine a déjà parlé.
Le livre

Ce texte part de nombreuses rencontres et analyses sur les expériences singulières et les résistances que l'écrit suscite. Tout est intéressant dans cet ouvrage, quand on veut comprendre ce que la lecture peut apporter, quoi de mieux que des témoignages personnels couplés à une fine analyse anthropologique ?

"Si lire est souvent un geste de l'ombre, de la nuit, ce n'est pas seulement parce que le temps des activités "utiles" est enfin suspendu, mais aussi parce qu'on crée un jardin préservé des regards. On lit sur les bords, les rivages de la vie, à la lisière du monde."

Ce que j'y ai trouvé

- La distinction entre la lecture scolaire, la lecture plaisir, et la lecture pour se construire (qui est la moins connue alors qu'il s'agit de donner une signification à son expérience personnelle dans une société où les traditions disparaissent de plus en plus vite et où les individus semblent en manque de repères culturels). Un petit bémol : faut-il donc toujours opposer lecture scolaire et lecture plaisir ? Personnellement, j'ai eu beaucoup de plaisir à lire les livres conseillés à l'école ...

- L'importance de la liberté des lecteurs, qui peuvent interpréter et changer le sens du texte comme bon leur semble. Les auteurs n'y ont pas de droit de regard, ni personne d'autre par ailleurs. Pendant longtemps, il y a eu une peur institutionnelle de l'accès direct au livre et de la solitude du lecteur qui peut penser par lui-même. D'où les nombreuses actions de censure directes, ou celles, plus douces, de "prescriptions" de "bons livres" aux ouvriers à la fin du XIXe (et jusqu'au milieu du XXe par ailleurs). "Dans des sociétés peu lettrées, lire un livre, c'était s'égarer dans un monde dangereux, affronter le diable."

- La lecture crée un espace à soi, un monde intérieur, presque protecteur car enveloppant. Une lecture ne doit jamais être une obligation mais un besoin. Elle est souvent transgressive car elle offre la présence des différents possibles de la vie : elle donne la possibilité de sortir de son isolement, de son enfermement et de se dépayser en proposant des schémas différents. Dans un univers négatif et agressif, les mots peuvent être un refuge : "c'est cette promesse d'un ailleurs, de ne pas être assigné à tout jamais à demeure, qui rend des enfants heureux; qui évite à certains d'entre eux, coincés dans des univers ravagés par la violence, de devenir fous;, et qui permet aux uns comme aux autres de rêver et donc de penser."

- le temps de la lecture est du temps pris sur le temps social, un temps pour soi; où l'on peut prendre son temps, laisser place à l'imagination (car pour créer, il faut avoir rêvé ...). C'est pourquoi la bibliothèque peut être vue comme un lieu de perdition, un lieu qui pousse à sacrifier du temps normalement consacré aux autres !

- Il ne faut pas oublier qu'avant le temps des jeux vidéos, c'était la lecture qui était considérée comme néfaste par certains, par peur d'une identification trop forte aux personnages, aux histoires, en dehors de la réalité ... Aujourd'hui toutes les inquiétudes sont reportées sur la télévision et les jeux vidéos, la lecture se trouvant parée de toutes les vertus. Et pourtant, il est vrai que la lecture porte en elle une incitation à l'identification : lorsque nous lisons, inconsciemment nous recherchons des situations que nous avons connues, des mots qui peuvent exprimer nos sentiments. Comme le dit Proust, "en réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même."

- Mais les besoins de lecture sont aussi parfois difficiles à identifier, à décrypter, car ce peut être des situations très éloignées de nous qui nous permettent de comprendre la nôtre. C'est en partie pour cela que les mythes de l'Antiquité ont rencontré tant de succès : la mise à distance et le dépaysement offrent "un détour, une médiation par le lointain temporel et géographique, par la mise en forme d'un texte légitime, reconnu, partagé, de manière à objectiver son histoire personnelle, à la circonscrire hors de soi."

C'est à dire qu'"Il ne s'agit jamais d'enfermer un lecteur dans une case mais de lui lancer des passerelles, ou plutôt de lui donner les moyens de fabriquer les siennes propres"

- Ce qui peut empêcher de lire : le regard social (du temps volé aux activités "utiles"); conflit avec valeurs et façons de vivre. "Grandir dans une culture, c'est en principe accepter toutes ses limites. Cependant, il se pourrait bien que la littérature n'existe que pour mieux nous obliger à transgresser ses limites." (Le Clézio) "Mais la curiosité, l'exigence poétique [...] le besoin de lire des récits, le désir de symboliser son expérience, de la mettre en mots, ne sont l'apanage d'aucune catégorie sociale, d'aucune ethnie."

C'est un article un peu long je suis désolée, mais c'est tellement passionnant que vous m'excuserez ! en attendant, je vous invite à découvrir cet essai !
Lien : http://wp.me/p1Gkvs-kh
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Voici un ouvrage à conseiller à tous les enseignants, bibliothécaires, libraires et autres "passeurs de livres".
L'auteur, Michèle Petit est anthropologue et a mené une étude sur la lecture en milieu rural. Ici, elle a recueilli les témoignages d'hommes et de femmes d'origines culturelles et de milieux sociaux différents ainsi que des auteurs sur leurs pratiques de lecture. A partir de ces voix, elle identifie les fonctions de la lecture, mettant en évidence le rôle de la rêverie du lecteur, l'identification, l'hospitalité de la lecture...
Elle évoque également les résistances qui peuvent survenir vis-à-vis de la lecture, notamment dans certains milieux ou chez les adolescents.
L'auteur évoque également le rôle des femmes comme agents du développement culturel. Dans les régions du monde où les femmes sont maintenues à l'écart de la scolarisation, l'écrit circule mal. (p. 123)
Comme il est noté sur la quatrième de couverture lire, c'est aussi un moyen pour résister aux processus d'exclusion ou d'oppression, pour reconquérir une position de sujet au lieu de n'être qu'un objet du discours des autres.
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Je vous ai parlé de mon amour pour les gens qui parlent de la lecture et des livres. Dans mon parcours d'exploration de ces livres je trouve parfois des gens avec qui je ne suis pas d'accord ou avec qui je n'ai pas d'affinités… le livre dont je vous parle aujourd'hui en fait partie.

C'est une réflexion sociologique sur la lecture et ce qu'elle apporte aux classes sociales « défavorisées ». J'ai trouvé qu'il y avait pas mal de répétitions et parfois des clichés notamment sur la place des femmes.
Vous savez ces personnes qui lisent beaucoup… visiblement juste parce que ce sont des femmes. Comme elles ne réussissent pas leurs vies et n'en sont pas contentes, elles s'évadent dans des romans (coucou Miss Bovary…). Quand ce n'est pas pour ça, c'est parce qu'elles sont « plus studieuses », bah oui une fille c'est calme et sage donc ça lit… hum…
C'est un peu pareil à mes yeux pour ce qui est de la vision sociale… Ce n'est pas mon rayon de classer ainsi les gens, même si c'est souvent nécessaire pour comprendre notre monde.
Et je ne sais pas si la bibliothèque où je travaillais était particulièrement hors du monde mais je ne voyais pas que des filles, et le panel de classes sociales étaient très varié, on avait beaucoup de gens de la ZUP (bon je sais leur zone d'habitation n'est pas une définition tout ça) et nombre d'entre eux étaient de gros lecteurs (à moins qu'ils empruntent des livres qu'ils ne lisent pas ?).
Bien sûr elle doit en savoir plus que moi mais je ne me suis PAS DU TOUT retrouvée dans cet essai. Alors que je suis une grande lectrice. C'est un peu dommage mais tant pis, je suis contente de l'avoir lu : je pense avoir atteint avec ce livre une contradiction vraiment forte de mon opinion. Finalement c'est un livre intéressant… mais il en existe de tellement meilleurs !
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Les lecteurs de cet essai ne pourront qu'adhérer aux thèses développées par l'auteur sur l'importance de la lecture dans la construction de la personnalité, de l'imaginaire, de la sensibilité, de l'accès à l'intime, de la lecture refuge ("terre d'asile" disait Semprun dans une très belle formule). La lecture permet un agrandissement de l'espace extérieur et intérieur et ne doit pas être réduite à un aspect utilitaire : apprendre même si elle peut en être la conséquence. Puisqu'elle met des mots sur un ressenti, elle permet la mise à distance des sentiments, des peurs chez les enfants notamment, elle permet d'être actif et de (re)devenir un sujet.
La rêverie et donc la créativité, la pensée de quelqu'un qui a lu est plus riche que celle de quelqu'un qui n'a pas lu. Ceci peut s'appliquer à l'Art en général.
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Citations et extraits (131) Voir plus Ajouter une citation
Ceux qui lisent ne sont pas des pages blanches sur lesquelles le texte s'imprimerait, ils ne sont pas pure passivité. Ils changent le sens des ouvrages, les interprètent à leur guise en glissant leurs désirs, leurs angoisses, leurs questions entre les lignes : c'est toute l'alchimie de la réception.
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Et si telle phrase a compté, c'est parce qu'elle leur [aux lecteurs] a permis de se reconnaître, non pas tant au sens de se reconnaître dans un miroir que de se sentir un droit légitime d'avoir une place, d'être ce qu'ils sont, ou plus encore de devenir ce qu'ils étaient à leur insu.
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Plus souvent qu'on ne le pense, subsiste encore aujourd'hui l'inquiétude que le livre n'instille en nous quelque chose de pernicieux, de séditieux, ou que nous y trouvions autre chose que ce qu'il convenait. Toutefois, plus encore que le contenu des livres, on appréhende sans doute le geste même de la lecture qui est un détachement, une conduite d'écart. l'interdit sur l'autoérotisme n'est pas loin, bien sûr. Mais il y aussi l'écho de cette frayeur ancienne que le livre n'emporte le lecteur ou la lectrice loin des siens, ne le sépare du groupe - on le verra plus loin. Les rêveurs ou les lecteurs agacent, comme les amoureux, comme les voyageurs, parce qu'on a peu de prise sur eux, ils échappent. On les prend pour des traîtres, des déserteurs. Et l'on ne cesse de les prier de rentrer dans le rang.
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(...) plutôt que de voir dans la lecture un investissement pour des lendemains plus rentables, voyons-là comme un espace où vivre un présent plus vaste, plus intense, où s'accorder au monde, et aux autres, avec un peu de poésie et d'intelligence.
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Leurs blessures et leurs espoirs secrets, d'autres ont su les dire, dans des mots qui les délivrent, dans des phrases où ils trouvent place, qui dessinent leurs contours; dans des textes qui révèlent celui ou celle qui lit - au sens où l'on dit "révéler" une photo -, qui font monter ce qui était, jusque-là, scellé et ne pouvait se dire.
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Videos de Michèle Petit (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michèle Petit
Depuis 1991, Michèle Petit, anthropologue au Centre National de la Recherche Scientifique, mène des recherches sur les pratiques de la lecture et le rapport à la culture écrite, notamment dans des lieux où l'accès à cette culture n'est pas facilité par le contexte social ou familial. Elle intervient, le 9 juin 2023, lors du colloque annuel de Lire et faire lire.
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