de mourir le temps est venu…
de mourir le temps est venu
je me réveille triste et nu
or la mort n’est pas advenue
c’est pour demain après-demain
pourtant elle me tend la main
je la regarde dans les nues
se présenter comme un corbeau
elle se détourne de moi
je me vois comme un siamois
privé de tout son ancien moi
la mort est là mais c’est trop beau
de la voir venir dans les nues
céleste mort joyeuse et nue
et belle comme des coraux
de plus en plus branlante ma démarche…
de plus en plus branlante ma
démarche quand je sors du lit
les jambes dont le corps m’arma
flageolent et c’est la chienlit
je prends médecine l’oreille
est sourde et la douleur s’éveille
au point que je n’ai qu’une envie
passer au lit ma fin de vie
le moindre effort me coûte cher
je titube autour de ma chaise
je perds les muscles et la chair
s’est enfuie au diable vauvert
je ne serai jamais à l’aise
et mon visage devient vert
l’ombre s’étend sur la pelouse…
l’ombre s’étend sur la pelouse
et le frêne murmure au vent
que la température est douce
et qu’il n’abrite qu’un enfant
un enfant mort mais qui murmure
aussi des paroles au vent
de lentes paroles qui durent
sous le frêne depuis longtemps
la solitude se déploie
comme des ailes des nuages
ou comme un grand manteau de roi
sur l’enfant mort dont le visage
rayonne encore un pur instant
dans le soir triste et dans le vent
j’avais décidé de n’écrire…
j’avais décidé de n’écrire
qu’à mon amie dont le sourire
est plus précieux que l’or du temps
mais quel regret si les autans
volent mes feuillets en partant
à l’aventure en ce grand ciel
et mon amie aux yeux de miel
lira ce qui est important
dans une autre vie que la mienne
certes je ne veux la quitter
mais de la mort je suis hanté
si je n’ai pas peur de la sienne
elle est vivante au pied levé
mais moi je serai décavé
quand le brancard viendra chercher
le reste d’une vie hachée
qu’importera le temps qu’il fait…
qu’importera le temps qu’il fait
je boirai toujours du café
je marcherai dans les ruelles
que j’ai toute ma vie rêvées
car la vie est exponentielle
et rime avec n’importe quoi
mais pas question de rester coi
plutôt saluer le vieux ciel
le vieil arbre et le vieux soleil
qui fait de la neige une telle
ombre bleue dans l’éloignement
que l’on peut compter les instants
« […] J'ai reçu de François Dhôtel (1900-1991), sous la forme d'un « tapuscrit » photocopié […], la merveilleuse suite de poèmes que voici. Je me suis dit qu'André Dhôtel, à la mort de qui je n'ai jamais cru, se dévoilait soudain plus vivant que jamais, avec la lumière pailletée de son regard et son sourire en coin.
[…]
Maintenant ces poèmes sont là, qui n'ont rien de testamentaire, même si l'on devine que leur auteur peu à peu s'absente - mais c'est pour mieux affirmer une présence imprescriptible.
Voici ces poèmes, dans l'ordre où je les ai reçus. […] Les poèmes naissent de la couleur du ciel, du temps qu'il faut, d'un écho des jours ordinaires et miraculeux, comme les impromptus qu'aimait tant Dhôtel, ou les petites pièces de Satie. […]
Au rythme séculaire des premières lectures éblouies,
« Voici donc le chant
de la jeunesse oubliée
et des souvenirs perdus »
[…] » (Jean-Claude Pirotte)
« […] Des paroles dans le vent
en espérant que le vent
est poète à ses heures
et nous prêtant sa voix
harmonise nos artifices.
Nos strophes seraient bien des branches
avec mille feuilles que l'air du large
fera parler peut-être un jour
où personne n'écoutera.
Car l'essentiel serait
qu'on n'écoute jamais
et qu'on ne sache pas
qui parle et qui se tait.
[…] » (Espoir, André Dhôtel)
0:00 - Abandon
2:00 - Attente
3:30 - En passant (II)
4:50 - La preuve
5:30 - L'inconnu
6:15 - Splendeur (II)
6:46 - Générique
Référence bibliographique :
André Dhôtel, Poèmes comme ça, éditions le temps qu'il fait, 2000.
Image d'illustration :
https://clesbibliofeel.blog/2020/04/08/andre-dhotel-idylles/
Bande sonore originale : Scott Buckley - Adrift Among Infinite Stars
Adrift Among Infinite Stars by Scott Buckley is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.
Site :
https://www.scottbuckley.com.au/library/adrift-among-infinite-stars/
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