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EAN : 9791031203492
256 pages
Editions Ateliers Henry Dougier (12/10/2017)
3.83/5   12 notes
Résumé :
Epoque du tsar Alexandre II, dans l'intimité de la petite noblesse provinciale russe.
L'héroïne, Anna Pavlovna Manovskaia, dépérit dans la propriété de son mari, Mikhaïlo Egorytch Zador-Manovski, un colosse brutal et caractériel. Quelques années de ce mariage malheureux passent avant qu'un homme, ressurgisse de son passé, et vienne bouleverser son destin.

Alekseï Pisemski dépeint l'intimité de cette classe de la société russe, riche de ses seul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
J'ai commis une petite erreur d'agenda : celle de lire "Le destin d'Anna Pavlovna" (écrit en 1846) juste après les "Nouvelles de Petersbourg" (dont les récits ont été écrits essentiellement autour de 1835). du coup, le style de Pissemski paraît d'emblée bien classique comparé à l'écriture novatrice de Gogol. Et si la quatrième de couverture rappelle que Pissemski était le contemporain de Tourgueniev, il n'est pas mauvais de savoir que "Le destin d'Anna Pavlovna" avait été inspiré d'une oeuvre de George Sand, Indiana. Comme je n'ai pas lu Indiana, j'étais plus encline de mon côté à songer à l'intrigue du roman de Benjamin Constant, "Adolphe" (mais pas à sa structure narrative). Il me semble en effet que "Le destin d'Anna Pavlovna" plaira facilement aux amateurs de Constant, Sand, Staël et consorts, et que la référence à la littérature russe de l'époque n'est pas la seule qui soit pertinente.

Toujours est-il que c'est ouvrir des horizons au public français que de publier aujourd'hui Pissemski, puisquil s'agit d'un auteur très peu connu chez nous. Ce roman, qui a tellement fait scandale en son temps au point qu'il fut interdit pendant douze années, nous livre à la fois une critique sociale de la bonne société provinciale russe et le récit d'une destinée individuelle très mélodramatique. Anna Pavlovna est un personnage pur qui, victime d'un mariage malheureux contracté sur un malentendu, se donne entièrement à son amour adultère, mais passionné et vrai, pour Eltchaninov, qu'elle a connu dans sa jeunesse et qu'elle aimait déjà malgré elle. À cette pureté des sentiments répondront l'hypocrisie, la malveillance, les calculs, la concupiscence, la velléité, l'inconstance, la faiblesse des autres habitants de la région de Boiarchtchina - à l'exception de Saveli, l'autre personnage pur du roman. Mais Pissemski a choisi de ne jamais permettre à ces deux personnages-là de se rejoindre, pour mieux rendre la destinée malheureuse d'Anna Pavlovna et, surtout, la médiocrité morale qui caractérise ses voisins.

Alors, un peu à l'instar des autres lecteurs qui ont ici critiqué ce roman, et sans doute aussi parce que je lis pas mal de théâtre en ce moment, je me suis demandé si le destin d'Anna Pavlovna n'aurait pas dû être une pièce, plutôt qu'un roman. Non seulement les dialogues y abondent pas mal, mais surtout, certaines situations, voire une grande partie de l'intrigue, sont véritablement mises en scène : je pense en particulier au moment où la veuve Kleopatra Nikolaevna joue les évanouies devant le comte Sapega. Mais après avoir terminé le roman, cette idée s'impose beaucoup moins à moi. En revanche, je trouve que le texte aurait réellement gagné à être élagué, resserré : il est trop long et s'enlise un peu. Il n'en devient pas ennuyeux (c'est un roman qui se lit avec plaisir), mais voilà, il perd en intensité. le personnage de Kleopatra Nikolaevna que je citais plus haut, par exemple, a certes sa raison d'être : c'est l'antithèse d'Anna Pavlovna, celle qui simule sans cesse, multiplie des liaisons avec des hommes mariés par pur calcul, mais qui ne perd jamais l'estime de la société. Et pourtant, les scènes où elle apparaît manquent parfois, voire souvent, d'intérêt.

J'imagine aussi qu'Anna Pavlovna est le genre de personnage qui risque de cliver le lectorat, soit en emportant l'adhésion par son tempérament pur et passionné, soit en agaçant terriblement par sa naïveté et son obsession à aimer et à croire en un homme qui ne vaut pas grand-chose et la laisse tomber comme une vieille chaussette. Dans les deux cas, qu'on l'aime ou pas, ou encore qu'on éprouve pour elle un sentiment plus nuancé, elle rappelle vivement l'Ellénore de "Adolphe". C'est qu'elle met beaucoup d'insistance à rester fidèle, pour son plus grand malheur, à Eltchaninov... Mais justement, c'est l'occasion pour Pissemski de montrer combien les femmes ont finalement peu d'alternatives et qu'elles ne sont guère maîtresses de leur destin. Ne reste guère que deux voies : la passion vécue librement dans l'opprobre qui mène à la mort, ou la simulation qui permet de vivre au grand jour mais s'accompagne d'une certaine misère sentimentale. La Nora d'Ibsen n'était pas encore entrée en scène...
Pissemski a conclu son roman de manière très intelligente, que n'aurait peut-être pas reniée Zola : sur une scène de ragots qui permet aux personnages secondaires de revenir sur toute l'histoire d'Anna Pavlovna et sur le destin des gens qui l'ont entourée, mais qui se veut surtout l'occasion pour eux de déployer toutes les subtilités de leur hypocrisie et de leur malveillance.



Masse Critique Littératures
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Paru en 1858 - soit presque vingt ans avant la parution d'"Anna Karénine" - j'ose pourtant affirmer que "Le destin d'Anna Pavlovna" - tiens, une autre Anna ! - porte en lui les germes et les grandes lignes qui feront du roman de Tolstoï le chef-d'oeuvre que l'on connaît.

Alekseï Pisemski est un auteur moins connu du lectorat français mais son style - convaincant compromis entre le théâtral Gogol et le sentimental Tourgueniev - mérite vraiment d'être découvert et apprécié. Il n'y a vraiment qu'un auteur russe pour pouvoir mettre autant d'humour et d'ironie dans un drame passionnel, et ce avec talent.

Anna Pavlovna, notre héroïne, a fait un mariage de convenance pour obéir à son père, et vit très malheureuse à la campagne, aux côtés d'un mari tyrannique et violent. Cette existence sans joie la mine, sa santé décline rapidement et celle qui fut jadis l'une des beautés de Petersbourg n'est plus qu'une fleur fanée... jusqu'au jour où son destin la place face à son amour de jeunesse.

Roman dense qui traite à la fois de la société russe d'avant l'abolition du servage, et des destins particuliers d'une poignée de personnages masculins tournant en orbite autour d'une figure féminine poignante et tragique. Roman de l'adultère, roman de l'asservissement, mais aussi roman qui met en évidence la condition féminine et la femme dans toutes ses fragilités (d'alors ?) : son impuissance, sa sujétion à l'homme, sa sentimentalité et sa dépendance financière.

Au final, un message fort et moderne se dégage de la narration très scénarisée de Pisemski : la femme ne peut maîtriser son destin. Jouet des hommes, elle est manipulée et plus souvent brisée que valorisée. L'auteur le démontre, le dénonce et porte le lecteur à s'en affliger avec lui.

Une belle découverte.

Mon seul reproche ira à l'éditeur, Les Ateliers Henry Dougier. Belle couverture, beau papier, bon interligne... mais pour 17,90€ j'aurais apprécié ne pas me heurter à autant de coquilles en l'espace de 250 pages seulement.


Challenge XIXème siècle 2018
Challenge ABC 2017 / 2018
Challenge MULTI-DÉFIS 2018
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Ce livre se lit facilemen, certes.

Il m'a plu par sa critique de la petite noblesse provinciale russe, cherchant à plaire aux puissants, toujours prompte à médire de ses voisins, par la description des autorités qui, détenant le pouvoir, se croient tout permis, qui ne peuvent admettre qu'une femme leur résiste...

Mais l'histoire m'a paru trop mélodramatique, digne d'un film américain à grand public, j'oserais presque l'assimiler à des récits de la collection Harlequin s'il n'y avait le style qui rachète en partie ces défauts, mais j'exagere Ici, je me laisse emporter...
Je n'ai pas accroché au personnage d'Anna Pavlovna, trop fleur bleue, trop naïve... je devinais des l'abord ce qui allait lui arriver.

Les critiques élogieuses de nombreux lecteurs, et la quatrième de couverture m'avaient incité à lire ce livre mais il m'a déçu...
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Sort aujourd'hui un roman qui sort totalement de mes lectures habituelles. Je dois pourtant avouer qu'il m'a beaucoup intéressé, il m'a emmené en voyage dans la Russie du XIXème siècle et j'ai fait ce voyage avec surprise et plaisir.
Alekseï Pisemki nous fait vivre une véritable tragédie qui met à jour la société Russe de l'époque. Notre héroïne, jeune femme fraîchement mariée, dépérit à vue d'oeil, délaissée et psychologiquement brutalisée par son mari.
Le destin va faire réapparaître un homme de son passé, ce qui va totalement modifier le cours de sa vie.
Ce roman se lit avec un intérêt grandissant, car bien entendu le lecteur souhaite connaître la destinée finale de son personnage principal, mais aussi par qu'il découvre les moeurs et le traitement que « les grands » de l'époque réservaient à ceux qu'ils pensaient leur être inférieurs ou leur appartenir. Une époque où la confiance semble être difficile à donner et où la condition de la femme n'était pas un exemple pour notre société actuelle.
Une lecture intéressante,  qui sort des sentiers battus.
Lien : https://livresque78.wordpres..
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Je salue l'excellente idée des éditions Ateliers Henry Dougier de rééditer cet auteur russe méconnu du 19ème siècle, dont la plume caustique n'hésite pas à brocarder cette société oisive et brutale contre laquelle quelques décennies plus tard, le peuple s'est révolté.

Le destin d'Anna Pavlovna nous est livré comme une pièce de théâtre où les dialogues s'enchaînent et où l'on a l'impression de voir s'agiter, grimacer et gesticuler les différents protagonistes. La pauvre Anna dépérit dans la propriété où son mari brutal la tient presque enfermée, dans une petite ville de province où, loin de la fébrilité de Moscou ou de St Pétersbourg, l'activité principale des uns et des autres est de discuter de la vie de ses voisins. C'est l'époque où un propriétaire terrien est évalué à l'aune du nombre de serfs qu'il possède, et où les écarts entre ceux qui possèdent et ceux qui n'ont rien sont indécents. Une époque où certains hommes ont droit de vie ou de mort sur une partie de leurs congénères. Oisifs, imbus d'eux-mêmes, ces petits bourgeois traînent leur ennui d'une propriété à une autre au rythme des visites à rendre ou à initier.

La frêle Anna a renoncé a un amour de jeunesse pour obéir à son père et épouser Manovski, sorte de géant sanguin et peu réceptif aux idées romantiques de sa femme. S'estimant floué dans sa "transaction" de mariage, il fait payer à la jeune femme la soi-disant rouerie de son père. Lorsque le jeune homme qu'aimait Anna reparait, celle-ci voit la flamme renaître et espère que sa vie va changer... Ce ne sont que les débuts de ses malheurs dans cette société où il ne fait pas bon être une femme, qui plus est un peu trop romantique.

Les écrivains russes ont toujours été doués pour la tragédie et le mélodrame. Ce n'est pas cet opus qui le démentira. L'auteur excelle dans la représentation de ce petit théâtre où intrigues et commérages ont vite fait de prendre le pas sur la pureté des sentiments. Que vaut l'amour d'une femme face aux promesses d'honneurs et aux fastes de la ville ?

C'est vif, enlevé, très théâtral. C'est également violent, cynique et sans concession. On comprend que ses écrits aient valu à l'auteur quelques périodes de censure et de disgrâce de son vivant. On apprend également dans la préface écrite par sa traductrice que sa carrière dans l'administration lui a permis de s'imprégner du petit monde qu'il dépeint si férocement dans ce roman et l'on imagine que nombreux sont ceux qui ont dû se sentir visés.

Une bien intéressante découverte qui m'a donné envie de m'intéresser de nouveau aux auteurs russes de cette époque et à quelques grands classiques que je n'ai pas encore eu l'occasion d'aborder. A suivre donc et en attendant, n'hésitez pas à ouvrir ce roman à la couverture si joliment illustrée, vous passerez un très bon moment.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
- Qu’attendez-vous de moi, au juste ? demanda le comte.
- Je veux votre amour, comte, continua Kleopatra Nikolaevna, je veux que vous me permettiez de vous aimer, de vous rencontrer de temps en temps, je veux entendre votre voix. Oh ! Ne m'abandonnez pas ! s'écria-t-elle en tombant à genoux devant le comte.
Le mépris et le dépit se lisaient sur le visage de Sapega.
- Levez-vous, madame, fit-il sévèrement, ne me faites pas croire qu'à toutes vos autres qualités, il faut encore ajouter la capacité à simuler ! À quoi rime cette scène ?
- Ah ! s'écria la veuve qui perdit connaissance afin de prouver au comte la sincérité de son chagrin.
Sapega se contenta de regarder et passa dans son cabinet, décidé à n'appeler personne. Il s'assit devant un miroir qui reflétait la partie du salon où était allongée Kleopatra Nikolaevna. Il se mit à observer ce qu'elle allait entreprendre, en attendant vainement du secours.
Quelques minutes s'écoulèrent. Kleopatra Nikolaevna était étendue, les yeux fermés. Le comte commençait à penser qu'elle s'était effectivement évanouie lorsque, soudain, elle ouvrit les yeux. Elle regarda toute la pièce et constatant qu'elle y était seule, elle déplaça un peu son bras gauche sur lequel elle s'était allongée maladroitement. Elle défit le bouton du haut de son vêtement et découvrit ainsi la partie supérieure de sa généreuse poitrine. Puis elle referma les yeux et reprit son air de femme en pâmoison. Tout ce manège commençait à divertir le comte qui décida d'attendre encore ce qui allait advenir. Un quart d'heure passa et Kleopatra Nikolaevna perdit patience.
- Où suis-je ? prononça-t-elle en se soulevant comme le font les actrices de théâtre après un évanouissement, mais voyant qu'il n'y avait toujours personne dans la pièce, elle se leva promptement et s'approcha du miroir.
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Elle était blonde. Eltchaninov n’avait jamais rencontré une beauté si délicate, il n’avait jamais vu un regard si doux et si tranquille dont le couvraient des yeux noisette et bordés de long cils. Elle était si élancée et si légère qu’elle lui semblait être une de ces plumes d’anges qui peuplent un monde chimérique. Et comme par un fait exprès, elle était vêtue d’une robe blanche et vaporeus" C’etait Anna Pavlovna, malade à présent, la maigre Anna Pavlovna, mais qui était heureuse alors, ignorante des petites misères quotidiennes et vivant entourée de gens qui la protégeaient et qui l’aimaient véritablement.
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Lecteur, ne vous étonnez pas de ce plan tortueux, pas tout à fait honnête et rapidement échafaudé par le comte. Ce n'était pas un homme foncièrement mauvais. Il appartenait à cette espèce de vieillards jouisseurs pour lesquels les femmes sont tout et qui, tout en discutant interminablement et précisément de la beauté féminine, en ont, en même temps, une compréhension matérialiste des plus grossières.
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Alors commença ce qui se produit habituellement lorsqu'une personne seule décède. Les domestiques volèrent autant qu'ils le purent l'argent et les biens, et le reste fut mis sous scellés. Quelques voisins vinrent aux funérailles dire combien ils regrettaient le défunt. Ils lui découvrirent quelques rares vertus qu'ils avaient ignorées de son vivant et ils accablèrent le fils ingrat qui n'avait pas voulu rendre visite à son père mourant.
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- Un chagrin ? répéta Eltchaninov, je n'ai pas de chagrin, je m'ennuie !
- De quoi vous ennuyez-vous ?
- De n'avoir rien à faire.
Saveli sourit.
- C'est donc ça ! fit-il. Nous, nos mains sont devenues calleuses à force de travailler, mais il y a sur terre des gens qui s'ennuient de n'avoir rien à faire.
- Et il y en a beaucoup, renchérit Eltchaninov, la plupart des gens sont malheureux parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils ont à faire. Et je suis le premier d'entre eux, conclut-il en bâillant.
- Je pense qu'il faudrait que vous travailliez, fit remarquer Saveli.
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