Comme d'habitude, je préfère parler de commentaire ou d'avis plutôt que de critique - je ne suis pas assez calé pour ça.
C'est donc dans
l'intégrale illustrée d'
Edgar Allan Poe que je me suis plongé, ayant (malheureusement) un à priori fantasmé de ces
histoires extraordinaires, prémices des suspens, thrillers à la
Hitchcock ou
Stephen King.
J'avoue avoir été pas mal déçu dans ce registre, mais j'ai découvert un
Poe bien plus complexe et prolifique que je ne le pensais au départ. Même si toute une part de son oeuvre m'a semblé fastidieuse, laborieuse à lire, il y a quand même des pépites que j'ai réussi à apprécier et qui m'ont agréablement surpris.
Sans vouloir trop simplifier, je classerais cet auteur dans les poètes (confirmer aussi par le fait que beaucoup de ses textes ont été traduits par un
Charles Baudelaire motivé !). Il y a bien sûr dans cette intégrale une partie poésie, mais tout au long de ses contes et histoires, le coté poétique est souvent présent et a attiré mon appétit et ma curiosité.
Je fais une pause dans mes impressions pour parler de l'édition. Elle en "jette" au premier regard avec sa couverture cartonnée, un aspect vieux livre et une tranche dorée (mais pourquoi une seule tranche ? Pourquoi celle du haut ?). le coté 2 colonnes par page m'a un peu gêné au départ, ainsi que la taille de la police des notes de bas de page. Il n'y a aucun effort pour traduire les citations en langues étrangères (latin, grec, allemand, anglais, …) pourtant souvent nécessaire à la compréhension. Les nombreuses références littéraires, mythologiques ou autres, sont également passées sous silence, mais bon là, je comprends que ce doit être un travail gigantesque (peut-être est-il fait dans l'édition de la Pléiade). Autrement, je n'ai pas été gêné par la traduction de
Baudelaire comme d'autres l'ont critiqué, n'étant certainement pas assez spécialiste.
Revenons à nos moutons … Au fil de ma lecture de toute cette oeuvre, je n'ai pu m'empêcher d'avoir en tête bien d'autres auteurs contemporains ou postérieurs très divers. D'abord des classiques auxquels on pense tout de suite : Leblanc, Doyle,
Stevenson, Melville, Vernes, Bradbury,
E. Brontë, et j'en oublie, mais aussi bien d'autres qui touchent justement la poésie, l'absurde, le fantastique, tels que
Queneau,
B. Vian, L. Carroll,
Saint-Exupéry,
Cocteau,
O. Wilde,
Hitchcock,
S. King …
L'éclectisme de
Poe ouvre une palette de thèmes, de styles, d'inspirations diverses et variées.
Poe est un chercheur qui a ouvert la voie à bien d'autres.
En plus des cotés poétique, fantastique, romantique, gothique, absurde, ou de son goût pour le morbide, on découvre chez
Poe, un humour et une ironie, une réflexion scientifique, philosophique ou métaphysique, un attrait pour les descriptions techniques, pour moi soporifiques (telles que la cryptologie, la magie ou les échecs), et le thème souvent répété de la presse quotidienne (et des critiques littéraires) qui le concernait de près puisqu'il y publiait ses nouvelles et ses poèmes.
Une souffrance : les histoires très détaillées techniquement, l'essai "Eureka" indigeste.
Une frustration : toutes les histoires où la tension est grande, le suspens palpitant, mais qui se terminent en queue de poisson, avec un dénouement inachevé, ridicule ou enfantin, complètement en décalage avec le reste, comme si
Poe se moquait de nous ou qu'il se désintéressait de l'histoire, voulant simplement installer une ambiance.
Les histoires que je retiens spécialement :
- Ligeia (quelle belle description poétique de cette femme)
-
Colloque entre Monos et Una (ce dialogue de personnes dans un futur au delà de leur vie terrestre me semble inédit et savoureux)
- Article à la Blackwood de Miss Zenobia (pour son coté cohérent, bien développé et qui ne manque pas d'humour absurde)
- Politien dans la partie Théatre (dommage qu'il ne soit pas achevé)
- le Corbeau (poème) bien connu
- La Dormeuse, autre poème assez court et peu connu, mais qui ne manque pas de charmes
Il y en a d'autres que j'ai eu plaisir à lire, bien sûr, mais plus des passages (comme la description de l'enfance de
William Wilson), des moments de passion, de stress, d'angoisses, des images poétiques, des intuitions futuristes, …
Je n'ai pas parler du roman des
aventures d'Arthur Gordon Pym, qui ne m'ont pas passionné plus que ça, avec des cotés assez naïfs qui m'ont gêné, et pourtant, l'écriture de notre auteur nous pousse souvent à vouloir aller plus loin et donc continuer la lecture.
A noter pour terminer que je ne suis pas du tout un spécialiste de la poésie. le seul poète que j'ai lu dans mon adolescence est
Baudelaire (justement un des traducteurs ! ^^). Donc, j'ai du mal dès qu'un poème est trop long ou me semble trop répétitif, abscons ou sibyllin. Pourtant que de grâces poétiques dans ces histoires ! (Pas toutes …)
Et je me demande toujours comment est-ce possible de traduire de la poésie ? On peut toujours trouver des mots équivalents, chercher à transmettre le sens, la force des images, mais quid de la sonorité des mots ou du rythme si importants ? Est-ce qu'une poésie ne s'écoute pas autant qu'elle se lit ?