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EAN : 9782812202131
RAMSAY LITTERAT (09/03/2021)
4.19/5   8 notes
Résumé :
Anne-Laure est née à Bordeaux. Chambertin vit à Saint-Étienne. Elle est juge d'instruction, lui a tué un homme. Sans ses amis ni sa famille, elle s'ennuie. Il s'isole, inaccessible, indifférent et bientôt misanthrope.

De leurs routes qui se croisent, naît une impossible rencontre. Le méprise- t-elle ? La jeune femme issue de la belle bourgeoisie peut-elle comprendre un homme qui passe tous ses samedis avec les Gilets Jaunes ? Et lui, le petit prof rat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La femme de Thomas a découvert son infidélité, elle ne l'a pas acceptée, elle déménage avec leurs deux filles, elle a tout emporté de sa vie. Prof de français dans un lycée, Thomas va petit à petit sombrer mais il trouve un peu de réconfort et d'amitié dans les manifestations des Gilets Jaunes. Thomas rongé par les humiliations et les frustrations va perdre les pédales et devenir un meurtrier. Une première partie captivante avec une description très réaliste du mal-être et de la précarité, du sentiment d'injustice, bases de la révolte des Gilets Jaunes, à force d'être manipulé on finit désabusé. La seconde m'a semblé plus laborieuse, même si les réflexions sur les limites de la fonction de juge d'instruction, les dysfonctionnements de la justice, le manque de crédits sont intéressantes.
Un roman social porté par une écriture vivante. À travers ces deux personnages que tout oppose, le prof qui habite Saint-Étienne la ville ouvrière et la jeune juge d'instruction issue de la bourgeoisie bordelaise, Thierry Poyet décortique notre société et la fracture sociale entre ceux qui ne n'attendent plus rien du lendemain et ceux qui ne comprennent pas les raisons profondes du soulèvement des Gilets Jaunes. Anne-Laure l'ambitieuse qui rêve d'une place dans les sphères du pouvoir sera elle aussi comme Thomas une cocue du système.
Un récit qui est une véritable photographie de notre société actuelle.

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Lorsque sa femme a découvert son infidélité, Thomas Chambertin a tout perdu. Son épouse est partie et ses filles, âgées de quinze et dix-sept ans, ne lui parlent plus. Ce qui a sauvé cet enseignant, peu apprécié de ses élèves et de ses collègues, ce sont les manifestations avec les gilets jaunes. Il a participé à la première, le samedi 17 novembre, depuis il enchaîne les samedis sur les ronds-points et il investit la ville de Saint-Etienne. Il crée des liens, a des conversations : ces samedis lui donnent un but et lui apportent une satisfaction qu'il n'avait plus connue depuis des années, enferré dans une vie monotone. Certains gilets jaunes ne comprennent pas sa présence : il est fonctionnaire, il a donc la sécurité de l'emploi. Pour eux, il fait partie des riches. Mais lui a besoin de cette sensation d'exister et de se battre. La semaine, il s'isole de plus en plus et les week-ends, il retrouve un lien social. Jusqu'à ce jour terrible où il tue un homme. Fou de rage lorsqu'un 4/4 a foncé sur un gilet jaune, il a cogné le conducteur sans plus s'arrêter. « Il y avait quelque chose de la lutte des classes, entre ce type à la BMW pimpante et nous, vêtus de nos tristes gilets jaunes de pauvres gens. » (p. 62) Il considère que c'est de la légitime défense. « Toutes mes colères rentrées venaient d'être expulsées. le droit à la fierté m'était rendu. J'étais redevenu un homme debout. Fini le temps de vivre à genoux. » (p. 68)


Anne-Laure vient d'achever ses études de magistrature et d'être nommée à son premier poste : elle est juge d'instruction à Saint-Etienne. Elle est belle, elle a grandi dans les beaux quartiers de Bordeaux et n'a jamais connu les difficultés financières. Même si elle doit revoir son train de vie à la baisse, elle sait que ses parents seront là pour signer des chèques si elle en a besoin. Elle est déterminée à réussir, elle a de grands projets de carrière et prend ses décisions personnelles en fonction des répercussions professionnelles. Rien ne doit entraver son ascension. Pourtant, le grain de sable pourrait être le dossier de ce gilet jaune qui a tué cet homme. Il dit avoir agi sous l'effet de la colère, après que sa victime ait écrasé un manifestant. Anne-Laure instruit avec ses convictions. Elle est convaincue, qu'en réalité, cette mort est préméditée et elle veut le prouver.


Une partie est consacrée à Thomas et la deuxième à Anne-Laure. Ils ont des destins et des personnalités divergents, ils ne viennent pas du même milieu, ils n'ont pas eu les mêmes chances au départ et leurs parcours sont différents. Pourtant, je les ai détestés tous les deux. En ce qui concerne le premier, je n'ai pas aimé son jugement sur tout le monde, sa manière de faire porter la responsabilité de ses actes à son entourage, son dédain, sa manière de parler de ses proches… Quant à la deuxième, je n'ai pas apprécié ce sentiment de supériorité que j'ai perçu dans ses attitudes, ni son manque d'écoute et son intransigeance. La troisième partie relate la confrontation entre ces deux personnes opposées et éclaire les faits, en apportant des précisions sur l'identité du défunt et sur les caractères de celle qui a le pouvoir et de celui qui ne veut pas subir. Ce chapitre a créé une faille dans mes sentiments et en a transformé certains.


Malgré cette répulsion-fascination que je ressentais envers les protagonistes, j'ai été captivée par l'aspect sociologique de ce roman. Il est une photographie sociale et politique de l'année 2019. J'ai pensé que les générations futures pourraient, en le lisant, comprendre ce que les gilets jaunes ont représenté pour chacun, les réactions contradictoires que ce mouvement a provoquées dans la population, entendre les réponses ou le silence politiques, etc. C'est un instantané de notre pays dans lequel toutes les opinions s'expriment et sont dépeintes.


L'épilogue se déroule quatorze ans après les faits et révèle les évènements qui se sont passés pendant ces années. L'auteur livre, également, une vision possible de l'évolution notre pays. C'est une conclusion intéressante de l'histoire. Mon bémol est une phrase qui évoque une personnalité : « Car le talent rageur du site Mediapart n'avait jamais faibli, même après la mort de son chef à la célèbre moustache. » (p. 170). J'ai été gênée par cette prévision au sujet d'une personne vivante. Excepté ce détail, j'ai été passionnée par l'analyse sociale, politique et celle du pouvoir de ce roman.


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Une plume et un talent d'écriture incroyable mêlant élégance et brutalité pour raconter la rencontre de deux destins affrontant un monde qui, photographié par une intrigue qui débute dans le mouvement des gilets jaunes, abrite chaque personnage, du plus important au plus insignifiant, sous un portrait sociétaire.

Les deux personnages principaux sont opposés sur tous les plans : niveau social, mentalité, point de vue politique, rythme de vie. L'un est professeur avec une vie parfaitement des plus banales jusqu'à ce que l'improbable se produise et change le cours de son existence. Elle est juge et méprisante, avec un parcours brillant. Pourtant, même si tout semble les opposer, Thierry POYET parvient subtilement à les rapprocher par cette recherche vaine d'un idéal, l'esprit couvert par la déception et surtout cet acte, qui les rapprochera à jamais et relie chaque destin avec une épatante brutalité.
La complexité des personnages et l'intrigue saisissante sont à l'image de la plume de l'auteur : incomparables et singulières.

Les oeuvres de Camus ont, dans Ce que ne m'a pas appris Camus, une place à la fois claire, précise et subreptice, notamment dans l'intertextualité sous-jacente avec L'étranger. Toute la force des oeuvres de ce dernier se retrouve dans l'intrigue et dans la psychologie des personnages à plusieurs niveaux, donnant accès à une échelle large des niveaux de lecture et à plusieurs vérités littéraires.

Ce que Camus ne m'a pas appris est un éloge aux détails. La multitude de portraits ne se contentent pas de photographier une société mais de la rendre vivante là où bien souvent elle indiffère. La netteté des descriptions pourtant certainement volontairement stéréotypées ont le paradoxe de ne porter aucun jugement et bénéficient d'une justesse de précision très particulière et baignant le lecteur dans une ambivalence de préjugés qui se déconstruisent au fil de la plume, qui elle-même s'adapte aux personnages et à l'intrigue par une malléabilité étonnante.

L'auteur porte à son oeuvre une fausse simplicité. L'identification aux personnages, souhaitée ou non, est quasi-immédiate au coeur d'un réalisme ardent et brutal, des personnages, des lieux et de l'existence produisant une complexité qui fascine et dérange.

Thierry Poyet questionne la nature humaine, la société et surtout la désillusion omniprésente, les rêves, la vérité bien souvent dans un schéma d'opposition, l'absurdité de l'existence et la liberté, surtout dans une image et une interrogation particulière et remarquable.

Une peinture brutale sur le fatalisme de la réalité, des rebondissements auxquels le lecteur ne peut pas s'attendre, des personnages à la frontière de la représentation et de l'individualité qui vient questionner une société tout entière sur le désenchantement commun de la réalité par le biais d'un style d'écriture étourdissant.
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J'ai lu ce livre et je ne le regrette pas. Par cette phrase, je pastiche l'incipit du roman de Thierry Poyet "Ce que Camus ne m'a pas appris". "J'ai tué un homme et je ne le regrette pas. Si c'était à refaire, je recommencerais."
L'auteur qui signe avec "Ce que Camus ne m'a pas appris" son deuxième roman, réussit un texte qui, en plus de nous éclairer sur la crise politique et sociale secouant la France en 2019, nous dévoile la vie et le destin des deux protagonistes et nous plonge surtout dans l'univers littéraire de l'auteur.
Pour l'étranger que je suis, le roman de Thierry Poyet a été une véritable immersion dans le monde de la politique française. C'est donc une lecture que je conseillerais à tous ceux qui désireraient comprendre ou du moins être initié à l'histoire politique de la France. Je m'ennuie habituellement quand il est question d'histoire politique dans les romans, mais l'auteur aura réussi avec finesse à me faire avaler la pilule.
S'il est question, dans le roman de l'auteur, de politique, mais il y est également question de littérature. le texte est un véritable voyage dans l'univers littéraire de l'auteur qui partage avec nous son intérêt pour des oeuvres majeures de la littérature. L'étranger que je suis, aura particulièrement été sensible à toutes les fois où Camus et Gide auront été convoqués avec le soleil qui les accompagne.
"Si c'était à refaire, je recommencerais."
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Pas facile pour moi de faire une chronique sur cette lecture parce que j'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur qui pour moi est vraiment belle et révèle d'un grand sens de la littérature, mais l'histoire en elle-même m'a un peu sonnée je dois dire, malgré la profondeur des personnages.

On vit la descente aux enfers d'un homme après la séparation d'avec sa femme. Il commet un acte impardonnable et va se retrouver confronté à une détresse et un sentiment noir très puissants. C'est lors de cette chute vertigineuse qu'il va rencontrer une femme qui n'a rien à voir avec lui. Ils n'étaient nullement destinés à se croiser un jour, Anne-Laure étant juge d'instruction à Bordeaux et Thomas professeur à Saint-Étienne, mais le destin en a décidé autrement.

On assiste, presque impuissants, à leurs vies respectives, à leurs doutes et questionnements. En tant que lecteur, on ne sait plus si on peut faire confiance à Thomas, on n'arrive plus à savoir ce qui est vrai ou faux, on a l'impression qu'on le perd et qu'on ne peut plus rien pour lui. On apprend des choses qu'on aurait peut-être préféré ne pas savoir, on ne sait plus où se placer par rapport à tout ça et j'avoue avoir été dérangée par ce sentiment fort qui me suivait tout au long de cette lecture. Bravo à l'auteur pour ses mots, ils sont tellement puissants et bien placés que le lecteur se sent pris au piège de ce texte sans pouvoir s'en sortir indemne. Eh oui, cher futur lecteur, tu ne pourras pas lâcher ce livre avant la fin, avant ce dénouement que tu souhaiteras absolument connaitre.

Ce roman social nous plonge dans une France qu'on aimerait sans doute autre mais qui est ce qu'elle est. Vous vous souvenez des gilets jaunes? Ils sont présents et au coeur de cette histoire puissante et cuisante de vérité. Un roman et un auteur à découvrir !
Lien : http://leslecturesdemaryline..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Pourquoi les pauvres poussent-ils un chariot quand les riches vont au cinéma, au musée ou font du sport ? les occupations du samedi trahissent un niveau de vie et de culture.
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Et puis, il faut bien le dire, au milieu de toutes les raisons sociales et économiques qu'on opposait au pouvoir, la motivation d'un grand nombre de Gilets Jaunes tenait aussi à une forme de lassitude plus vague et plus profonde devant la vie qu'il fallait mener quand on est pas bien nés.
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Longtemps j'ai tâché d'apprendre à mes élèves l'esprit critique, la faculté de tout interroger et de ne jamais rien prendre pour argent comptant. Et puis j'ai fini pas baisser les bras. Ils me reprochaient justement de tout discuter, de les obliger à douter de tout alors qu'ils ne recherchaient que des certitudes, des choses vérifiées et confirmées qu'ils n'auront plus qu'à apprendre et à régurgiter sans réfléchir en petits singes faussement savants.
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L'amoralité me fascine. Jeter un homme d'un train simplement parce que l'idée nous a traversé l'esprit et le faire pour de bon, passer à l'acte sans retenue, juste pour se prouver que rien ne nous empêchera jamais plus d'être ce que l'on est et surtout agir alors que nous n'avons aucune raison pour cela, et que nous le faisons justement parce que ça ne nous apportera strictement rien...Gide m'avait enseigné la jubilation de l'indépendance, le bonheur d'être soi quand tout devient gratuit, inutile, simplement beau parce que le geste ne répond plus à rien.
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L'avenir ne faisait plus rêver personne, chacun s'inquiétait pour ses enfants, pour sa retraite bien sûr, mais surtout les gens ne ressentaient plus l'envie de se lever le matin. la terrible certitude de n'avoir rien à attendre du lendemain.
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