Ce livre parle d'Amal, qui veut dire espoir en arabe. Espoir donné en prénom à une petite fille qui porte en elle toute l'espérance d'une vie meilleure, pour elle, et par elle. L'espoir vient par sa naissance, qui brisera les chaînes de la servitude de sa mère. L'espoir de cette mère que tout opprime, sa condition de femme dans un pays où elle a à peine le droit de vivre, mais aussi, sa condition de prostituée dans un pays où elle ne peut exister. Dans un pays où elle n'existe qu'en tant qu'objet. La fuite vers un possible avenir, vers la vie tout simplement.
l'auteur, ancien grand reporter, prend le parti de raconter ce qui se passe dans cette partie du globe, à travers les mots d'une petite fille qui vient de naître et qui a déjà mille ans. Mille ans de guerre, d'oppression et de dictature. Un conte métaphorique des temps modernes pour évoquer l'immigration et ses diverses raisons, jamais choisies par plaisir, mais toujours imposées par la nécessité.
A aucun moment, l'auteur ne tombe dans la facilité, le ton est d'une justesse bouleversante. Amal reste ce bébé avide de découverte et c'est par ses yeux que nous faisons connaissance avec le monde, avec les personnages d'une grande richesse qui jalonnent ce récit.
A travers Amal, c'est la voix de tous les migrants qu'on entend, c'est leur parcours qu'on suit. Les mots sont simples, sans exagération, c'est une histoire d'une fluidité saisissante, le lecteur vit la traversée, vit cette migration et c'est toute la force du récit.
La plume hachurée, poétique, aux chapitres courts, avec cette phrase : «
J'ai mille ans », donne une dynamique, un rythme au récit où l'urgence est palpable, où la métaphore côtoie la beauté, où la laideur devient interrogation.
Plusieurs émotions m'ont traversé, à la fois la révolte, le dégoût et l'admiration. J'ai surtout été profondément bouleversée par Amal, par l'espoir qui l'entoure, par ce texte qui porte en lui toute la noirceur de l'humanité, mais aussi tous les espoirs. C'est à la fois splendide par la manière dont l'aborde l'auteur, mais aussi révoltant par ce qu'il décrit.
C'est un livre dont il est difficile de parler, car un drame se joue à nos portes et pourtant, nous préférons fermer les yeux. Reste ces hommes et ces femmes qui continuent à espérer et pour qui partir, tout abandonner est un geste de survie, de nécessité absolue et pourtant à chaque fois que nous préférons détourner le regard, nous perdons un peu plus de notre humanité.
C'est indéniablement le livre de cette rentrée, d'une grande justesse et d'une grande profondeur.
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