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L'Odyssée d'Hakim tome 3 sur 3

Fabien Toulmé (Autre)
EAN : 9782413023739
280 pages
Delcourt (03/06/2020)
4.79/5   824 notes
Résumé :
En traversant la mer, Hakim et son fils pensaient avoir échappé au pire. Mais entre centre de rétention et police des frontières, de nouvelles épreuves les attendent. Arriveront-ils enfin à retrouver les leurs ?
Suite et fin de la trilogie acclamée par la critique et basée sur l’histoire vraie d’un réfugié syrien. Hakim et son fils ont survécu à la Méditerranée : les voilà immigrés sur le territoire européen. Pour rejoindre la France, le tandem va affronter u... >Voir plus
Que lire après L'Odyssée d'Hakim, tome 3 : De la Macédoine à la FranceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (85) Voir plus Ajouter une critique
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Depuis que j'ai commencé à lire L'Odyssée d'Hakim, album graphique de Fabien Toulmé, chaque fois que j'entends parler de migrants, de réfugiés, de reconduite à la frontière ou dans le pays d'origine, je repense à Hakim. Ce Syrien qui avait monté une pépinière et gagnait bien sa vie, a réussi, seul avec son petit Hadi, à fuir la guerre civile dévastant son pays. Il voulait retrouver Najmeh, son épouse, déjà en France, grâce à ses parents.
Près de trois ans de voyage, depuis la Syrie, en passant par le Liban, la Jordanie, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, l'Autriche et la Suisse, avant d'arriver en France, à Paris d'abord puis à Aix-en-Provence où se trouvait sa femme.
Quand Fabien Toulmé reprend ce troisième tome que j'ai enfin pu lire, il a la bonne idée de raconter une intervention dans un lycée. Pour les élèves, il résume son projet, répond à des questions très pertinentes et donne des explications très claires.
C'est en septembre 2015 qu'il retrouve Hakim vivant de petits boulots. Il lui raconte la troisième partie de son Odyssée, de la Macédoine à la France.
Comme pour les deux précédents volumes, je me suis retrouvé happé par le récit, angoissé par les souffrances, les menaces, le froid, la faim, tout ce que subissait Hakim et son petit garçon qu'il fallait changer, qui réclamait son biberon alors qu'il n'y avait pas d'eau chaude et plus de lait…
Fabien Toulmé dessine ses personnages de manière toute simple mais tellement expressive. Les couleurs se limitent au gris et quelques nuances de bleu, d'ocre et même de rouge. Cela suffit pour souffrir avec cet homme et ce garçon qui vivent ce que vivent des milliers de migrants aujourd'hui.
Tant de pièges leur sont tendus qu'ils doivent être sans cesse sur leur gardes, se méfier de ceux qui proposent leur aide. Ils ont de l'argent sur eux, un téléphone portable, leurs papiers, mais la police peut à tout moment les enfermer dans des camps, comme en Hongrie.
C'est dans ce pays qui fait pourtant partie de notre Union Européenne, que Hakim et son fils sont le plus mal traités. L'ambiance créée par le Premier ministre toujours en poste déteint sur la population qui insulte les migrants, se moque d'eux, les dénonce. Heureusement, Hakim a eu plusieurs fois de la chance et a réussi à retrouver Najmeh et sa belle-famille.
Son intégration est en cours malgré beaucoup de difficultés dont l'apprentissage du français n'est pas la moindre. L'épilogue, sans dessin, ajouté par l'auteur conclut L'Odyssée d'Hakim de façon très optimiste et, en même temps, très réaliste. Celui qui s'est intégré le plus vite, c'est Hadi, grâce à l'école. de plus, il a maintenant deux petits frères, Sébastien et Anwar. Pour Hadi, surtout, mais pour ses deux frères, les trois tomes réalisés avec talent et une profonde humanité par Fabien Toulmé (photo ci-dessus), sont et restent un fameux témoignage.
Que cela ouvre les yeux aux Occidentaux que nous sommes car nous avons la chance de vivre dans un pays en paix depuis soixante-seize ans. Que L'Odyssée d'Hakim - 1. de la Syrie à la Turquie, 2. de la Turquie à la Grèce et 3. de la Macédoine à la France – permette à toutes celles et à tous ceux qui en sont capables de réfléchir et de sortir d'un égoïsme primaire indigne des humains que nous prétendons être.
 
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Pour le tome 3, Fabien Toulmé a trouvé une autre astuce que celle utilisée pour le tome 2 pour nous résumer les deux précédents tomes. Nous sommes en 2018, et cette fois il se rend dans un lycée pour échanger avec une classe sur le thème des réfugiés. Si tous les élèves ont pu lire les deux premiers récits de L'odyssée d'Hakim, l'auteur préfère néanmoins rappeler brièvement l'histoire avant de passer au débat. Les questions des lycéens sont très pertinentes et permettent de rappeler des choses évidentes et de clarifier certaines idées reçues.
À la fin de cette présentation, Fabien quitte l'établissement pour rejoindre Hakim pour la suite de son récit. Nous nous retrouvons donc en septembre 2015, où celui-ci avec son petit Hadi, heureux et pleins d'espoir après être arrivés sur le territoire européen doivent quitter Athènes pour la Macédoine, puis la Serbie, la Hongrie, l'Autriche, la Suisse pour rejoindre la France où l'attend sa femme Najmeh.
On aurait pu penser qu'après la terrible traversée de la mer Égée depuis la Turquie jusqu'à la Grèce, le plus dur était fait, hélas il n'en est rien. Une nouvelle série d'épreuves attendent le jeune père et son bambin avec les camps de rétention européens, les problèmes avec la police frontalière, le froid, la faim, les difficultés administratives, l'épisode hongrois étant le plus effrayant.
Ils vont également devoir affronter la xénophobie et les remarques désobligeantes pour ne pas dire haineuses qui sont proférées à l'encontre des migrants et la voracité des passeurs demandant des sommes excessives pour les guider, sans parler de ce verre d'eau pour faire le biberon de son fils qui lui est facturé…une manière de leur faire comprendre qu'ils ne sont pas les bienvenus.
Fort heureusement, dans cet environnement hostile, des mains secourables l'aideront en lui proposant quelque nourriture, quelques couches pour Hadi et autres petits services très appréciés.
Ce dernier volume clôture un magnifique triptyque retraçant l'épopée d'un homme Hakim, ce Syrien contraint de quitter son pays en guerre, alors qu'un avenir radieux s'ouvrait à lui et qui a duré presque trois ans.
En racontant l'histoire vraie de cet homme, de ce réfugié et de sa famille, Fabien Toulmé nous met face à cette humanité invisible qui, pour des raisons diverses, politiques, climatiques, économiques ou autres, courant souvent un danger de mort, va d'un pays à un autre dans l'espoir de trouver une terre d'accueil pour tenter de revivre et nous fait prendre conscience du décalage qui existe avec nos propres vies.
Cette grande BD, l'auteur la dédie « aux migrants disparus avant d'avoir pu trouver leur refuge ».
Émouvante, bouleversante, captivante, cette odyssée dévoile toutes les facettes de la nature humaine et réussit de façon magistrale, à travers le destin et le parcours d'un seul homme à nous révéler le sort de milliers d'autres pris chaque jour dans la même tourmente.
Un trait naïf mais ô combien expressif, des dessins et des couleurs sobres participent à rendre cette histoire universelle. La carte géographique, en fin d'ouvrage avec le tracé schématisé du périple aidera chacun quel que soit son âge à suivre Hakim sur ce long chemin.
À noter l'épilogue très instructif qui montre que, même une fois la famille réunie, le statut de réfugié enfin obtenu, tout est loin d'être simple… Mais Hakim reste confiant et maintenant à vous de lire, de faire lire et de découvrir ce qu'il a répondu à Fabien à la question de savoir comment il voyait son avenir...

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Me voilà à la fin de L'odyssée d'Hakim, ce dernier étant enfin arrivé en France avec son fils. Mais avant cela, il lui aura fallu quitter la Grèce, traverser la Serbie, la Hongrie, l'Autriche et la Suisse. Camp De réfugiés déplorable, xénophobie et irrespect, faim, froid, précarité, peur au ventre n'en seront finalement pas venus à bout de son courage et de sa ténacité.

Ce troisième tome est aussi émouvant et éprouvant que les deux premiers, avec des passages durs et bouleversants, à fendre le coeur. Tout au long de ma lecture, je n'ai pas cessé de me poser toujours la même question : à sa place, aurais-je pu supporter ne serait-ce que la moitié de ce qu'il a vécu ? Je ressors de cette odyssée touchée au plus profond de mon être. Je savais que ces personnes avaient vécu un calvaire, et continuent de le vivre au quotidien pour la plupart, mais je n'avais pas imaginé qu'ils avaient en fait vécu bien pire. Au sortir de cette lecture, je me suis sentie idiote et ignorante, davantage pleine de compassion pour ces personnes qui ont tout perdu, vécu le pire, et qui sont souvent traités comme des intrus, ce qui ne les aide en rien à s'intégrer dans un pays où ils ont déjà tout à apprendre.

La façon dont les migrants sont traités dans les camps de réfugiés (en Hongrie notamment) m'a révoltée, sans parler de ce qu'Hakim appelle le "business de la détresse", totalement abject, ou encore des regards et des réflexions des autres. Tout ça m'a tantôt mise dans une colère noire, tantôt émue aux larmes. Heureusement qu'il y a des gens bienveillants qui croisent leur chemin, prêts à les aider en fonction de leur moyen, comme ce vieux monsieur qui offre spontanément un bonbon au petit Hadi tout en tendant un paquet de couches à Hakim. Heureusement qu'il y a une forme de solidarité entre les migrants, se serrant les coudes alors qu'ils ne se connaissent même pas, parce qu'ils partagent le même calvaire, la même détresse, le même désespoir. Je me suis retrouvée dans un récit qui raconte l'impensable, tout en étant plein d'humanité et de coeur.

Il est impossible de sortir indemne de cette lecture à la fois captivante et bouleversante, pleine de désespoir et de bienveillance, qui joue au yoyo avec nos émotions. Fabien Toulmé a fait un travail formidable. Son projet de « retranscrire en BD le témoignage d'un réfugié pour comprendre les mécanismes qui amènent quelqu'un à quitter son pays, malgré les risques et difficultés que cela représente » est une totale réussite. Et c'est même plus que cela puisqu'il nous touche en plein coeur.

J'ai ressenti tout ce qu'Hakim a ressenti et suis passée par toutes sortes d'émotions, de la colère à la peur, du découragement à la lumière au bout du tunnel, des larmes de désespoir aux larmes de soulagement. L'odyssée d'Hakim, dans son ensemble, est éprouvante. La vie au camp de réfugiés est particulièrement révoltante (j'ai encore du mal à croire qu'on puisse traiter des êtres humains ainsi de nos jours, clairement on ne vaut pas mieux que les nazis...). Les retrouvailles familiales, quant à elles, sont particulièrement touchantes et carrément bienvenues.

L'histoire d'Hakim se termine plutôt bien, sa famille et lui sont désormais réunis et en sécurité. L'intégration en France n'est pas facile, notamment à cause de la barrière de la langue. Il trouve les Français accueillants, et si on nous compare aux Hongrois, je veux bien le croire... Son odyssée a duré trois ans, il a vécu mille dangers et a vu la mort de près plus d'une fois. Je ne peux que lui souhaiter une vie heureuse et plus paisible, ainsi qu'à tous les siens, et de trouver l'argent nécessaire pour monter sa pépinière et exercer le métier qui le passionne tant.
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Ce tome trois clôture une belle trilogie dessinée. On assiste au volet européen du périple menant Hakim à sa Pénélope qui l'attend patiemment, ne pouvant rien faire d'autre...
Quelles idées-forces se dégagent de cette lecture ?
Que les Hongrois sont le pire peuple européen ? Que les gens (à part les hongrois bien sûr) sont globalement essentiellement accueillants, bienveillants les uns envers les autres ? Que les policiers autrichiens, suisses ne pourraient pas faire du maintien de l'ordre en France ?
Sérieusement, c'est une ode à l'humanité. Un bel hommage de Fabien Toulmé à son modèle Homérique.
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Selon Amnesty International, on compte aujourd'hui plus de 22 millions de personnes réfugiées dans le monde. Parmi eux, beaucoup fuient un pays en guerre ou des persécutions, et trouvent refuge dans des états frontaliers de leur lieu d'origine (Jordanie ou Liban dans le cas de la Syrie, Soudan ou Éthiopie dans le cas de l'Érythrée…). le nombre de réfugiés accueillis par les pays riches est, quant à lui, dérisoire, n'en déplaise aux partisans du « grand remplacement » et à ceux qui estiment que la France se montre déjà suffisamment généreuse comme ça avec les étrangers. Mais qui sont-ils, au fait, ces réfugiés à qui on colle une étiquette très générique et à propos desquels la classe politique s'écharpe violemment depuis des années ? C'est pour tenter de répondre à cette question et remettre l'humain au centre de la problématique que Fabien Toulmé, dessinateur ayant déjà publié plusieurs bandes dessinées très touchantes comme « Ce n'est pas toi que j'attendais » ou « Les deux vies de Baudouin », s'est lancé en 2016 dans l'écriture d'une BD consacrée au parcours de l'un de ces réfugiés : Hakim. le voyage de ce dernier s'étant révélé bien plus complexe et mouvementé que prévu, cette rencontre entre les deux hommes donnera finalement lieu, quatre ans plus tard, à trois gros romans graphiques qui retracent le périple entrepris par Hakim depuis la Syrie jusqu'à la France, en passant par le Liban, la Jordanie, la Turquie, la Grèce ou encore la Hongrie, le tout avec son petit garçon de deux ans et demi, Hadi. On retrouve dans ces trois volumes tout ce qui fait le charme et la marque de fabrique de Fabien Toulmé : des dessins épurés et extrêmement simples et qui rendent pourtant merveilleusement compte de l'émotion des personnages, de l'humour qui vient apaiser de temps à autre l'ampleur du drame, et surtout une sensibilité particulière qui provoque l'attendrissement immédiat des lecteurs pour les héros de ses histoires. de part son sujet, « L'odyssée d'Hakim » se révèle toutefois bien plus bouleversant que les précédentes oeuvres de l'auteur et permet de prendre douloureusement conscience de l'injustice et de la souffrance insoutenable dont sont victimes ces personnes ayant quitté leur pays et qui, pour beaucoup, se noient avant d'atteindre leur destination ou s'entassent aux frontières dans des camps insalubres dans lesquels leur qualité d'humain leur est tout simplement niée.

Chacun des trois tomes se focalise sur une partie du périple d'Hakim si bien que l'ambiance y est sensiblement différente. le premier volume est essentiellement consacré à la vie d'Hakim en Syrie. Une vie toute à fait ordinaire et qu'on pourrait parfaitement imaginer être la notre : Hakim est très proche de sa famille, vient de s'acheter un appartement et de monter sa propre entreprise (une pépinière), sort avec ses amis… Et puis éclate la guerre civile : suite à des manifestations visant à réclamer plus de liberté, les Syriens contestataires sont impitoyablement réprimés par le régime de Bachar Al-Assad. Très vite, un climat de peur s'installe sur le pays tandis qu'arrestations arbitraires, fusillades et raids menés par des groupes armés se multiplient. Bien que s'étant tenu à l'écart des manifestations, Hakim sera arrêté par les autorités pour avoir aidé à transporter des blessés après que la police ait tiré sur la foule juste au pied de son immeuble. Torturé, enfermé sans qu'aucun de ses proches ne soit averti de son sort, il sera finalement relâché au bout de quelques jours grâce à l'intersession d'un client influent. Pour lui comme pour sa famille, il est désormais certain que le jeune homme n'est plus en sécurité en Syrie et qu'il doit partir. Ce ne doit, d'abord, n'être qu'un départ temporaire : Hakim trouve refuge chez l'un de ses amis, d'abord au Liban, puis en Jordanie. Mais, très vite, la vie là-bas devient insoutenable en raison de l'afflux massif de réfugiés provenant des zones en guerre qui rend la population locale de plus en plus hostile aux Syriens tout en rendant quasiment impossible la possibilité de trouver un travail. L'exil d'Hakim se poursuit donc en Turquie, où la situation s'avérera être la même, à la différence près que le jeune homme y rencontrera sa femme, Najmeh, Syrienne en exil, comme lui. Ce premier tome se révèle évidemment bouleversant et on s'attache immédiatement au personnage d'Hakim, jeune homme généreux et débrouillard peu à peu gagné par la lassitude puis le désespoir face à l'inextricabilité de sa situation. Loin du stéréotype du réfugié ayant fui son pays par désoeuvrement et cherchant à profiter des pays riches, le parcours d'Hakim nous rappelle durement que, derrière chaque réfugié se cache une tragédie et des individus ne désirant qu'une chose : retourner dans leur pays et retrouver leur famille.

Le second tome est, chose que je n'aurais pas cru possible, encore plus éprouvant que le précédent, puisqu'il est consacré au passage d'Hakim de la Turquie à la Grèce, et donc à la traversée de la Méditerranée. Après des mois de galère et de misère, Najmeh se voit offrir la possibilité de gagner la France grâce à son père, qui lui assure que, une fois sur place, il lui sera facile de faire ensuite venir son mari et le fils qu'ils viennent d'avoir, le petit Hadi. Seulement la procédure prend du temps et est sans cesse repoussée tandis qu'Hakim, qui ne peut plus travailler puisqu'il se retrouve seul avec son fils, voit ses économies fondre au point de risquer de se retrouver à la rue. Alors un jour, il décide de partir : « Tu sais, Hadi, on va partir en voyage, un très grand voyage pour retrouver maman. ». Difficile de retranscrire l'émotion qui assaille le lecteur à la vision de ce père et de ce petit garçon lancés sur les routes, sans savoir à qui se fier ni comment procéder pour gagner l'Europe. Grâce au témoignage d'Hakim, Fabien Toulmé nous expose tous les détails de son périple, sans rien omettre des détails les plus pragmatiques ou les plus durs : la recherche d'un passeur, la nécessité de lui faire confiance sans avoir aucune idée de sa fiabilité, la difficulté de trouver un refuge dans les zones où s'entassent des milliers de candidats au départ, les problèmes liés au fait de voyager avec un bébé (trouver de l'eau pour le biberon, trouver des couches, le maintenir au chaud…). Et puis il y a, surtout, la scène de la traversée de la Méditerranée qu'on lit avec autant d'horreur que d'émotion et sur laquelle je ne m'étendrais pas tant il est essentiel de la découvrir par soi-même. Cette fois encore Fabien Toulmé bat en brèche tous les clichés sur ces soi-disant inconscients qui risquent la vie de leur famille dans la traversée : Hakim est bien conscient du risque qu'il fait prendre à son fils, doute en permanence du bien fondé de sa décision et ressasse sans cesse avec un désespoir grandissant la succession d'événements qui l'ont conduit lui, Syrien tout à fait ordinaire avec une bonne situation, a se retrouver sur un bateau qui prend l'eau au milieu de la Méditerranée avec ce qu'il a de plus précieux.

Le troisième opus est, lui aussi, particulièrement éprouvant puisqu'il est consacré au voyage d'Hakim depuis la Grèce vers la France, où l'attend sa femme. Là encore l'auteur bouleverse en racontant par le menu l'avancée du jeune homme et la difficulté des choix qui s'offrent à lui. Car loin de s'améliorer sur le territoire européen, la situation d'Hakim et Hadi ne fait au contraire qu'empirer, le paroxysme étant atteint en Hongrie où, parqués dans des camps, les réfugiés attendent dans des conditions de vie atroces que les autorités procèdent à leur enregistrement, procédure qui les contraint à demander l'asile en Hongrie quant la plupart d'entre eux souhaitent rejoindre un membre de leur famille dans un autre pays européen. Sur sa route, Hakim rencontrera de tout : des âmes bienveillantes qui lui offriront leur aide par simple gentillesse (un vieil homme croisé sur le pas de sa porte et qui lui fait don des couches de son petit-fils, les bénévoles De La Croix rouge qui lui fournissent le minimum pour prendre soin de fils…) et puis des individus sans scrupules ou empathie, qu'il s'agisse de profiteurs se faisant de l'argent sur la misère des réfugiés, ou de citoyens ordinaires qui pestent contre ces « parasites » qui envahissent leur pays et s'en vont les dénoncer aux autorités. Au fil de l'avancée d'Hakim et son fils, on perd ou retrouve tour à tour foi en l'espèce humaine, et cet ascenseur émotionnel constant met la sensibilité du lecteur à rude épreuve. D'autant que Fabien Toulmé ne se contente pas de parler d'Hakim mais détaille aussi, grâce à son témoignage, le parcours des nombreux compagnons d'infortune croisés par le jeune homme au cours de son périple et auxquels on s'attache rapidement, qu'il s'agisse de cette famille syrienne avec laquelle il vivra quelques uns de ses pires moments, ou de ces jeunes hommes qui l'invitent à prendre place près de leur feu pour réchauffer son fils dans un gigantesque camp de migrants à ciel ouvert. On découvre ainsi une autre facette du périple des migrants : la solidarité et l'entre-aide que se témoignent les exilés et qui permettront souvent à Hakim et son fils d'adoucir la précarité de leur situation. Quant bien même on sait dès les premières pages du premier tome que l'odyssée d'Hakim s'achèvera positivement et que lui et son fils parviendront effectivement à retrouver sa femme, on ne peut s'empêcher de tourner les pages avec angoisse, rongé par l'inquiétude de ce qui pourrait arriver et animé par une saine colère à la lecture de la manière dont sont traités ces hommes, femmes et enfants en Europe.

Avec ces trois volumes qui retracent l'odyssée d'Hakim, Fabien Toulmé signe une bande dessinée coup de poing qui permet de montrer la réalité de l'exil auquel sont réduits tous ces gens qui ont fuit la guerre, la répression ou la misère et qui cherchent à atteindre l'Europe. Bouleversante et éprouvante mais néanmoins nécessaire, la lecture de cette oeuvre permet de redonner un visage humain à ces hommes, femmes et enfants qu'on regroupe nonchalamment sous l'étiquette générique de « migrants », et de faire comprendre que, loin des peurs agitées par l'extrême-droite et des stéréotypes véhiculés sur ces « étrangers qui viendraient nous prendre le pain de la bouche », ces derniers avaient souvent une vie proche de la notre dans leur pays et continuent d'avoir des aspirations similaires aux nôtres : vivre dans leur pays, entouré de ceux qu'ils aiment, en sécurité. Une lecture indispensable et une belle démonstration de ce que peut l'art pour faire réfléchir et avancer la société.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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critiques presse (2)
Bedeo
28 août 2020
Il faut faire lire l’Odyssée d’Hakim aux petits, aux grands, aux jeunes et aux vieux. Certains pourraient crier à la propagande, mais c’est en fait une simple parcelle d’humanisme et de connaissance que livre Fabien Toulmé, comme Homère avant lui.
Lire la critique sur le site : Bedeo
Sceneario
07 juillet 2020
L’odyssée d’Hakim est racontée avec brio par Fabien Toulmé qui, comme toujours, donne beaucoup d’émotion et d’humanité à son récit [...] Son oeuvre magnifique peut aider le grand public à ouvrir les yeux sur le drame migratoire qui se poursuit depuis des années entre l’Afrique et l’Europe.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
J'étais étudiant en informatique. Je venais d'avoir mon diplôme d'ingénieur. [...] C'est fou, quand même, ce qu'il nous arrive... Et tous ces Européens qui s'imaginent qu'on est des miséreux qui viennent pour gagner de l'argent, prendre leurs emplois... Les miséreux, ils ont pas le choix, ils restent en Syrie. Et ils se prennent des bombes sur la tête. J'ai même entendu des hommes politiques dire qu'on était des lâches. Qu'on devrait prendre les armes pour défendre notre pays. Mais pour qui ? Pour les barbares de DAESH ? Ou les bouchers qui sont au pouvoir ? Et j'aimerais bien qu'ils me disent quel genre d'armes on doit prendre contre les bombes et les armes chimiques... Je suis sûr que si tout ça se passait dans leur pays, ils seraient les premiers à fuir. Ou pire, à profiter de la situation pour se faire du fric.
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J'étais à bout de forces. J'avais des ampoules aux pieds à cause de mes nouvelles chaussures. Mon dos me faisait souffrir (je portais Hadi depuis plusieurs heures). Et je me disais que je ne pourrais pas marcher plus longtemps. Mais il faut croire que le désespoir te donne des forces dont tu ne soupçonnes pas l'existence. J'ai tenu 4 heures de plus. C'était une marche épuisante dans un noir complet. Le chemin était très difficile et on ne pouvait pas s'arrêter car il ne fallait surtout pas se retrouver seul. Personne ne parlait, chacun était dans son combat, dans ses pensées.
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C’est un jeune Syrien que j’ai commencé à interviewer en 2016. Mon projet était de retranscrire en BD le témoignage d’un réfugié pour comprendre les mécanismes qui amènent quelqu’un à quitter son pays, malgré les risques et difficultés que cela représente.
J’avais envie de raconter l’histoire de l’une de ces personnes que l’on désigne par des mots très génériques. Migrants, réfugiés… pour montrer la réalité de cet exil qui est une véritable odyssée et que vous auriez pu avoir à endurer si vous étiez nés dans un pays comme la Syrie.
(page 7)
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Alors, un migrant est une personne qui va d’un pays à un autre, que ce soit pour des raisons politiques, climatiques, économiques ou autres.
Le terme « réfugié » correspond à un statut défini par le droit international et il désigne une personne qui a obtenu l’asile dans un autre pays car elle courait un danger de mort dans le sien et était contrainte de le fuir.
Un réfugié est donc un migrant… mais un migrant n’obtient pas nécessairement le statut de réfugié.
(page 11)
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En allant prendre un train, j’observais les gens autour de moi. Je me disais qu’ils allaient au travail, voir leur famille, des amis. À ce moment-là, je me suis rendu compte que ça faisait des mois, des années, que je ne vivais plus dans la même vie qu’eux.
Je ne sais pas comment expliquer cette sensation mais j’avais l’impression d’être dans un univers parallèle.
(page 200)
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