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EAN : 9782889560547
124 pages
Editions de l'Aire (16/07/2019)
4.67/5   3 notes
Résumé :
« Je suis né en 1878, mais ne le dites pas. Je suis né en Suisse, mais ne le dites pas. Dites que je suis né dans le Pays-de-Vaud, qui est un vieux pays Savoyard, c'est à dire de langue d'oc, c'est-à-dire français et des Bords du Rhône, non loin de sa source.

Je suis licencié-ès-lettres classiques, ne le dites pas. Dites que je me suis appliqué à ne pas être licencié-ès-lettres classiques, ce que je ne suis pas au fond, mais bien un petit-fils de vig... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
"Seul celui qui a appris de bonne heure à élargir son âme est capable, plus tard, de saisir en lui-même la totalité du monde."
Stefan Zweig

Le regard de Ramuz a une envergure qui capture, qui englobe la création. Il envisage tous les détails de l'existence, ses sens sont aiguisés sur la pierre qui jaillira demain, lave d'un volcan clandestin. Sa lucidité est fagotée des meurtrissures d'une aurore aux miasmes divins... Rien ne lui échappe parce que rien ne l'encombre.

Poète polygame, époux de l'Autre Part et de l'Ici-Bas, il les féconde toutes deux avec la rugosité d'une poésie déployée dans sa nudité, tenue correcte non exigée. de son membre crayon boisé il tâtonne une symphonie pastorale, pollinise le quotidien de mousse de soleil sur la chevelure des enfants, de foulards définitifs sur celle des vieilles femmes aux maigres mollets ou d'incandescence dans la pipe des ancêtres.
Mais il est aussi le christ d'une poésie femme adultère, que les prosaïques voudraient lapider et à qui il restitue la dignité : Que celui d'entre vous qui n'a jamais rêvé lui jette la première fleur...

D'où peut bien lui venir cette infinie tendresse ?
Peut-être fut-elle un jour et une nuit pyrogravée sur son âme par les larmes des gens simples, des pauvres bougres, de ces maladroits sublimes qui cachent au creux de leurs silences les réponses, jamais entrevues par les sages les plus illustres, aux mystères qu'ils n'entendent pourtant pas...

Si le poète crie c'est en harmonie avec le souffle d'un vent souffrant, lui l'étranger à la vue abîmée dans les hauteurs, parce que voltigent les oiseaux de haut vol, lui l'égaré aux yeux pesants de tourbe parce que s'évaporent les eaux des lacs... et s'il respire encore c'est parce que les reliefs escarpés des montagnes.

Lire la poésie de Ramuz c'est découvrir que Prévert aurait, en cachette, composé des haïkus...
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ce jour-là, quand je t'ai vue,
j'étais comme quand on regarde le soleil ;
j'avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j'allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient.

Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
je croyais te voir marcher devant moi,
et je te parlais,
mais tu ne me répondais pas.

J'avais peur de te voir, j'avais peur de t'entendre,
j'avais peur du bruit de tes pieds dans l'herbe,
j'avais peur du bruit de ton rire dans les branches ;
et je me disais : "Tu es fou,
ah ! si on te voyait, comme on se moquerait de toi !"
Ca ne servait à rien du tout.

Et, quand je suis rentré, c'était minuit passé,
mais je n'ai pas pu m'endormir.
Et le lendemain, en soignant mes bêtes,
je répétais ton nom, je disais : "Marianne..."

Les bêtes tournaient la tête pour entendre ;
je me fâchais, je leur criais : "Ca vous regarde ?
allons, tranquilles, eh ! Comtesse, eh ! la Rousse..."
et je les prenais par les cornes.

Ca a duré ainsi trois jours
et puis je n'ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
elle n'a pas pris garde à moi.
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Sur la terre étrangère (et, si toute terre est étrangère, où est-il le pays de nos désirs et quand y aborderons-nous ?) écoute la voix qui supplie en même temps que les branchent souffrent du vent, jetant un cri à cause d'une même douleur, mais porte tes regards en arrière vers les lieux que tu as quittés, afin que ta pensée, sans cesse reconduite vers sa naissance, progresse selon les lois qui lui vinrent en même temps que la vie de s'être élevée sur les rives du lac aux lamentations des vagues.
Tel est l'aspect que tu donnes maintenant aux espaces, quand, les imaginant selon que tu conçois la beauté, tu les ornes avec amour de toutes ses séductions : l'air est une musique, le soleil le miroir de ta joie, la plante connaît tes étonnements.
Il y a deux pays, là où l'enfance fut heureuse et là où l'esprit s'est haussé ; et, comme ils sont semblables, aime le lac de l'amour que tu as pour toi-même, parce que tu demeures en lui, avant que franchissant les degrés du ciel, jusqu'à la réalisation de ton rêve, tu grandisses en vertu.
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Passant, laisse tomber ton bâton ; et qu'il soit de chêne noueux ou d'un bois parfumé des Iles, fais-le résonner dans sa chute, quand tu t'assiéras sur la rive, dans l'attitude de la méditation.
Tu as vu Babylone et les villes où la foule est si grande qu'on s'y sent plus seul que dans un désert ; tu portais en toi des pensées que tu n'osais pas dire, par crainte d'être lapidé.
Tu as mangé près de l'âtre dans les hôtelleries, où les enfants eux-mêmes te fuyaient, à cause de l'air singulier de tes yeux, de ton front creusé, de ta barbe où les années, et les soucis plus encore, paraissaient à des poils blancs.
Maintenant, tu es revenu. Il est tard dans l'année. Te souviens-tu d'être né au bord de ce lac, dans un village autour duquel les noyers connaissaient une grande prospérité ?
Il y avait de toute part, à l'horizon, des montagnes où le soleil a son lever et le soleil a son coucher.
Les vagues rampent sur le sable, le ciel est doux à regarder : songes-tu à finir ici, ou n'as-tu qu'un désir, chercher ailleurs ce que tu ne trouves nulle part, parce que rien n'égale en beauté tes imaginations ?
Pourtant, si tu élèves tes yeux sur les pentes (et elles sont déjà si lointaines qu'elles bleuissent), distingue là-bas, avant de choisir, au delà des eaux, le clocher pointu d'une église.
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Comme l'eau qui s'est détendue me l'enseigne par sa belle ligne droite d'une rive à l'autre qu'aucun relief ne vient briser, je veux que ma pensée retombe des aspérités, qu'elle demeure allongée dans l'ignorance du vent.
Après l'orage et l'effort qui l'ont portée vers le ciel, toute dépliée en divers endroits comme des vagues aiguës, il est bon qu'elle connaisse les eaux dormantes et lisses pour qu'elle les limite dans son intérieur, quand le ciel est vide de souffles et que la montagne demeure en méditation.
Ma pensée aura successivement la beauté de la force qui s'épuise et de la faiblesse qui s'avoue, l'une subite et brève, l'autre durable, et toutes deux fécondes, car maintenant elle est de celles qui renoncent souvent vers le soir.
Elle considère alors l'image du lac qui garde son espace dans l'immobilité où les vents le réduisent et qu'il est menaçant quand même parce qu'il va bondir à la plus petite invitation des cieux.
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Chanson

Vivre, c'est un peu
comme quand on danse :
on a plaisir à commencer -
un piston, une clarinette -
on a plaisir à s'arrêter -
le trombone est essoufflé -
on a regret d'avoir fini,
la tête tourne et il fait nuit.
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Videos de Charles-Ferdinand Ramuz (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles-Ferdinand Ramuz
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

#paulsen #guerin #livres #farinet #ramuz #saillon
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