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EAN : 9782377560837
250 pages
L'Ogre (20/08/2020)
3.24/5   21 notes
Résumé :
Imaginez un monde dans lequel le sommeil a disparu, dans lequel les rêves sont devenus une ressource à exploiter. Sur l’île de Capitale S, alors que l’enquête portant sur cette disparition du sommeil nous entraîne dans les bas-fonds d’un monde dystopique, l’insomnie a franchi un nouveau stade, la révolte gronde, et une nouvelle substance menace de faire disparaître tous les êtres vivants.

Avec Capitale Songe, Lucien Raphmaj signe premier roman très am... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Dans la catégorie OLNI, version science-fiction, ascendant barré, voilà que débarque un ogre, un vrai.
Pour son premier roman, Lucien Raphmaj n'a pas vu les choses en grand, non. Il les a vu en rêve(s). Repéré par les éditions de l'Ogre, le français à la fois blogueur, essayiste et critique nous la joue hybride et allumé, avec quelques champignons en rab.
On espère que vous êtes prêts parce que ça tabasse sévère dans Capitale Songe, et que vos neurones ne risquent pas d'en sortir intacts.

Île à la dérive
On rentre dans Capitale Songe par une page noire avec des mots blancs…avant d'avaler des mots noirs sur des pages blanches.
Capitale Songe, c'est une île. Artificielle, naturelle, réelle, irréelle. Qui sait. Qui saura ?
Cette île au milieu d'un océan bouffé par les icebergs semble s'abîmer dans un avenir lointain où l'homme n'est plus vraiment homme.
Capitale Songe, c'est cinq quartiers : Asavara, son quartier central laid et vitrifié où se trouve Ananta, la banque des rêves ; Baie-Lune, décharge grossissante battue par la neige ou par le soleil ; Saï-Town et ses immeubles-serres pour nourrir ce qu'il reste des mortels ; TST-Est avec ses éoliennes mortes et son blanc manteau ; et Mõgulìnn, forêt de champignons géants sans cesse en extension et en extinction.
Capitale Songe, c'est le radeau à la dérive d'une société transhumaine, posthumaine, plusqu'humaine. Une société où les Intelligences Animales, les Intelligences Animales humaines et les Intelligences Artificielles cohabitent.
Les formes humaines qui restent n'ont, justement, plus formes humaines : le visage caché par des masques insectoïdes, recouvrant l'humanité-hybride d'une masse biopunk entre androïdes et humains, choses-insectes et choses-à-rêve.
Car vous l'aurez compris, à Capitale Songe, c'est le rêve qui importe.
Le capitalisme a atteint sa forme ultime, celle où les Intelligences Vectorielles (les véritables intelligences artificielles) ont transformé le rêve et le sommeil des autres en une monnaie d'échange, une denrée précieuse qui permet toutes les extravagances. Retirées dans le Hortex, sorte de réalité virtuelle absolue, les IV pompent les IA et les IAh tandis que les mystérieuses I², ces intelligences d'intelligence, trament et complotent dans leur coin.
Bienvenue dans un monde où le biologique et la machine se fondent et se dissolvent, un monde où la démocratie a laissé place à l'onarchie et au narcocapitalisme. Si vous pensiez échapper à la rapacité des puissants en dormant, c'est loupé.

Sommeil électrique
Dans ce noir au noir, rajoutons du noir.
Lucien Raphmaj nous guide donc avec des pages au noir (vous reprendrez bien un peu de noir ?) où un narrateur anonyme nous explique les mécanismes de Capitale Songe tandis que l'on bascule dans l'histoire avec des pages blanches et menaçantes.
Trois individus nous guident dans cette cité monstrueuse quelque part entre un Blade Runner sous LSD et une ville post-exotique 3.0.
D'abord, il y a Vera, humaine (enfin à peu près) et membre de la Dreamsquad, fanatiques d'une faction terroriste connue sous le nom de Vigilance qui n'aspire qu'à abolir le sommeil pour affamer les IV.
Ensuite, Kiel Phaj C Kaï Red, un Dissimulacre, c'est-à-dire un réceptacle de chair, de chitine et de métal conçu par et pour les IV, en l'occurrence ici Nova, intelligence mégalo et carnassière. Kiel Phaj C Kaï Red aime le bar d'Omega Terminus et le plasmodium, cocktail au goût de corps décomposé auquel on devient vite accroc.
Enfin, C-29, autre Dissimulacre dont l'IV a disparu et qui espère, en secret, libérer ses frères de la servitude des IV. Mais comment faire face à la puissance de ces intelligences vampiriques quasi-divines ?
Lucien Raphmaj imagine alors la catastrophe : une substance terrible, à la fois virale et primale, la V, comme Victoire, comme Vigilance, comme Vengeance, comme Vampire. La V, une veille ininterrompue qui ôte les rêves et remet les compteurs à zéro.
Mais d'où vient-elle et comment l'empêcher d'emporter l'île entière avec elle ? Comment survivre sans sommeil dans une société où le rêve est devenu une monnaie, un idéal, un fruit hypnotique ?

Rêves capitaux
Avec Capitale Songe, Lucien Raphmaj prouve que la science-fiction française peut être aussi exigeante qu'inventive et déstabilisante.
Concédons-le, Capitale Songe n'est pas aisé. Cryptique souvent, logorrhéique parfois. Sous l'oeil de Volodine pour la noirceur et pour la radicalité de son sentiment révolutionnaire, Lucien Raphmaj raconte un monde après l'homme où les frontières entre vivant et virtuel deviennent poreuses, lâches, suintantes. L'humanité par le prisme de l'intelligence devient ici une chose rampante, inquiétante, l'humain se fond avec l'insecte, se fond avec la machine, avec le végétal. le genre n'a plus grande importance, Ille ou elle peu importe, les intelligences voient après, au-delà, dans les étoiles.
Au lecteur de suivre…ou pas.
Cette folie littéraire désarme par sa puissance évocatrice et par sa langue, riche, obsédante, faramineuse. Une écriture qui menace parfois d'asphixie tel un Blake Butler en pleine collision avec William Gibson.
Quand Raphmaj pénètre dans l'esprit d'une IV, c'est 300 Millions version machine-mégalomaniaque, c'est une entrée presque incompréhensible dans la tête virtuelle d'une chose qui nous butine comme un miel neuronique et addictif.
Difficile, le roman l'est assurément jusqu'à ce que l'on se laisse porter par cet univers totalement fou où l'emprise capitaliste emporte tout. L'emprise des forts, des riches devenus IV, habitant leur monde à eux et pompant le reste directement à la source, dans la substantifique moelle de l'homme : le rêve.
Mais la résistance est là. Elle n'est pas unique, bien sûr. D'un côté, la Vigilance et sa révolte électrisante, de l'autre la Désistance, qui rêve d'un sommeil sans fin, d'une lente agonie qui mettrait un terme à toutes les agonies. Deux facettes de la révolution qui, comme chez Volodine, peut mener à tout et surtout à rien.
Les IV rêvent-elles d'insectes électriques ?
Roman politique mais subtil, qui joue avec les mots comme un Damasio mais avec brio et pas pour épater la galerie, Capitale Songe sécrète une drogue littéraire insidieuse qui infuse dans l'esprit du lecteur. Ses héros sont confrontés à l'ultime frontière, celui de l'enveloppe, celui de la transformation, de l'hybridation. Ici se mêle l'insecte, l'homme, la machine, la pieuvre, l'androïde…. Ici commence une nouvelle chance qui finira peut-être en une graine d'univers.
Assez fou pour tenir en haleine, l'intrigue analyse l'intérêt de la révolte et de la destruction, renvoie le divin à l'individu et transmute la capitale en hallucination totale.
L'ambiance au noir fascine et l'inventivité sournoise de Raphmaj surprend plus d'une fois. Capitale Songe vaut aussi, et surtout, pour son esthétique organique qui offre mille visions saisissantes d'un futur totalement autre, à la fois cauchemar et rêve, chair et métal.
Au milieu, les « sans-rêves, les sans-oublis, les sans-sommeil », nous, sous la lumière des néons qui vrille et nous assomme pour mieux nous contrôler.
Il faudrait surement un nouveau mot pour cette aventure littéraire liquide et solide à la fois : cyberpunk ? biopunk ?… Oniropunk ? Pourquoi pas. Rêvons.

Roman total à l'ambition folle, Capitale Songe offre un voyage expérimental et unique en son genre. Radicalement clivant, le premier univers de Lucien Raphmaj ne laissera personne indifférent, cauchemar ou rêve, à vous de choisir votre plasmodium. Une entrée en scène fracassante (et fracassée) pour amateurs d'étrangetés science-fictives sous acide.
Lien : https://justaword.fr/capital..
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« Capital Songe » de Lucien Raphmaj (2020, Editions de l'Ogre, 320 p.), premier roman, très réussi, de cet auteur qui travaille dans les livres (tout comme les vers ou les commerçants anglais). C'est d'abord un livre à trois niveaux de lectures (au moins), avec à chaque fois une police et typographie différentes. le texte du narrateur en noir sur des pages blanches (rien de bien nouveau). de la publicité ou des affiches néon (« Transe Transe Transe/ Lunar Vortex ») en police ombrée. Une sorte de voix off pur des commentaires en blanc sur des pages noires, dont un Glossaire de 14 pages, au milieu du livre. Dans ce dernier, on y apprend ce qu'est la plasmodium, quoique la formule et composition soient secrètes (heureusement). On nous explique aussi les différences entre les intelligences (I2, IA, IAh et IV). Point d'intelligence de service ou de cerveau droit ou gauche, toute cette ménagerie est fondue en intelligence animale, avec ses variantes et ses déviances.

Il faut dire que le roman nous plonge dans un futur, eut être pas si lointain, et que ce qui reste d'humanité se protège avec des masques d'insectes. James Joyce aurait écrit des masques d'incestes, mais c'était il y a un siècle, et le futur que l'on nous promet est plutôt asexué et afantasmé. Car la grande bataille de cette néo-société, capitaliste dans l'âme, c'est celle du sommeil et des rêves. Il convient de réfléchir à l'utilisation optimale de nos neurones, temps de cerveau disponible en 24/7. Fin des trois 8 (métro-boulot-dodo) pour une occupation totale de notre neuronique (boulot-boulot-boulot). Que restera t'il alors de temps pour la lecture d'évasion (Marx, Lénine ?). Pas grand-chose « Depuis, on ne traîne plus dans les couloirs de nos rêves. […] le sommeil s'est anarchiquement réparti entre les espèces. / Les blattes respirent lentement. / Les mites courent toujours ».

Futur proche si lointain ? qu'en est'il alors des recherches sur le bruant à gorge blanche (Zonotrichia alicolis) de la famille des Passerellidés et de l'ordre des Passéiformes ? Non point que ce soient des zozios des Ponts et Chaussées ou des temps anciens. Non ces bestioles ont été intégrées à l'armée américaine pour leur capacité à voler plusieurs jours sans dormir lors des grandes migrations (Paris – Ile de Ré) contrairement au moineau domestique (Passer Domesticus), qui ne fait que des courts trajets (Place Clichy- Asnières).

Vous en aviez rêvé, Lucien Raphmaj l'a conçu et écrit pour vous. Et tout cela à Capitale Songe, une sorte d'île, de havre de paix et de bonheur. La semaine complète, nuit, pension, distraction et karaoké (le jeudi soir) pour 20 € dans toute bonne librairie indépendante ou aux Editions de l'Ogre. Par
contre pour accéder au Hortex, il est prudent de réserver ses places. Et roulent l'onarchie et le narcocapitalisme.

Des restes de nos antiques sociétés ? Vera à formes quasi humaine. Kiel Phaj C Kaï Red, autre Dissimulacre, tout comme C-29. On voit que tout ce joli monde n'a pas trop de difficultés à se faire délivrer des cartes d'identité standard aux services d'état-civil. Tout autour les autres (vous), les « sans-rêves, les sans-oublis, les sans-sommeil », cela remplace les sans-dents. Bienvenue dans « la cryptonation flottante de Capitale S [qui] rejoint l'océan qui la dissout »
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Je ne suis pas une lectrice de SF mais je peux me plonger parfois dans différents univers, comme dans « le jardin statuaires ». Là, nous entrons sur les terres de "Capitale Songe », où vivent des IA : intelligences animales, des insectes mutants partout, des IV : intelligences animales vampiriques qui ont construit une banque rassemblant les rêves que ces IV ponctionnent sur les autres êtres et revendent, stockent, et en détruisent les traces. Et puis une mystérieuse substance V qui menace d'extinction tout ce monde grouillant et fantastique.
Des révoltés, des insectes ou animaux incroyablement puissants comme C 29, la révoltée, mante religieuse aux lames acérées ou Kiel Phaj C Kai Red, être dégénéré fabriqué et habité par Nova, et puis Véra qui veut supprimer le sommeil pour échapper au vol des rêves… un monde halluciné, sombre plein des vibrations des néons et pourtant pas si loin du futur que l'on est en train malheureusement de nous préparer à coup de pollution destructrice qui menace la race humaine et la Nature.
Monde incroyablement bien décrit avec des mots inventés, une langue formidable (j'aime beaucoup la mortalgie entre autres), le glossaire inséré au centre du livre indispensable et décalé, bravo d'ailleurs à l'éditeur qui a réalisé un bel ouvrage avec une vrai chorégraphie de pages noires et blanches donnant un tempo musical à la lecture.
Donc embarquez pour Capitale Songe, laissez-vous porter par la belle écriture de l'auteur, poétique, inventive car nous sommes là dans un récit onirique au charme puissant que vous n'oublierez pas. Etonnant pour un premier roman et prometteur aussi.
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Quelles fictions vitales subsistent de nos états de veille, que préserve - éclaire ou éclate - le basculement dans le rêve ? Univers halluciné, vortex du cauchemar, crépusculaire entropie d'un langage où s'accrochent les derniers éclats de conscience, embarquez vers Capitale Songe. Pour son premier roman, Lucien Raphmaj trace une voie où la dissémination, les états limites, le hors-soi, un langage mouvant et novateur dessinent un univers souverain, à l'ombre des mutations du Verbe.
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Très compliqué de résumer ce livre.
Une île : Capitale songe. Où les rêves sont une ressource. Plusieurs intelligences : IV, IA, IAh, I2. Des apparences insectoïdes. Une lutte de pouvoir, une pour le sommeil constant, l'autre pour l'éveil.

Je ne pourrais pas vous en dire beaucoup plus parce que je n'ai pas du tout accroché à l'univers. On a un lexique au milieu du livre qui nous explique quelques mots sur ce monde ahurissant. le problème c'est que quand je l'ai lu, je devais tout le temps aller au milieu du livre pour chercher les définitions. Pas très pratique.

C'était trop tiré par les cheveux pour ma part. La moitié du temps je ne comprenais pas ce qu'il se passait.
Un long moment d'incompréhension sans aucune empathie, voilà comment je pourrais résumer mon expérience...
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Nos histoires dorment mal, insomniaques, elles se retournent et cherchent la position où l’on bascule dans le sommeil. Elles respirent mal. Problème de branchies ou quoi, va savoir. Elles s’interrompent sans cesse, pensent à mille choses changeantes, inconstantes, fuyantes, reprennent, réseautent, creusent. Jusqu’où ? Jusqu’au tréfonds de Capitale S, là où cette île artificielle rejoint l’océan. Oui, chaque instant un peu plus, la cryptonation flottante de Capitale S rejoint l’océan qui la dissout.
On oublie vite le bruit de cette dissolution globale.
Car ici, qui n’a pas la tête réduite à cet immense bourdonnement, pas celui des insectes, bien sûr, nuées amies et discrètes, mais celui, fantomatique, des néons créés par ces intelligences vampires, avides de nos rêves, assourdissant le jour et oblitérant la nuit, saturant le sommeil et la veille en une rumeur invincible, brouillant les contours et le sens de nos aventures intérieures ?
On se demande parfois, peut-être en vain, ce qui appartient à notre pensée et ce qui est de la part de cet enchevêtrement d’ondes pénétrant nos esprits et se transformant en litanies absurdes, retirant toute limite à notre expérience. Distinction futile, me direz-vous, à l’ère de la conscience plasmatique.
Peut-être. À voir. Ce que je sais, en tout cas, ce qu’on oublie de dire, c’est qu’au milieu des conflits débilitants de Capitale S, dans les luttes des intelligences pour leur survie vitale et idéelle, cette ville, cette île, Capitale S, disparaît dans l’océan.
Capitale Songe ? Capitale Sombre, oui, une ville trempée d’espoirs gluants où brilleront encore après sa submersion les glorieux néons alimentés par le feu nucléaire couvant sous Asavara.
Dans la nuit blanche polaire, les essaims de mouches tsé-tsé et des groupes de sternes mutantes verront toujours cette plateforme illuminée crachant ses lumières et ses appels au désir sans plus personne pour y répondre.
On ne s’éveillera plus de la veille, on ne s’évadera plus du sommeil, nous disent les prophéties antagonistes s’affrontant à Capitale S, mais, peut-être, un jour, entendrons-nous, stupéfaits, résonner une autre partition du sommeil. Rêvons.
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Vera regarde l’aiguille s’enfoncer et libérer en elle l’encre vivante du tatouage mobile. La douleur s’étend avec le plaisir, remontant tout l’écheveau de ses nerfs, dessinant de petites araignées dans le blanc de ses yeux, faisant glisser dans ses veines des milliers de vers électriques agités de spasmes. Sa peau est cette convulsion composant sans cesse de nouvelles formes à fleur de chair, apparaissant et disparaissant, devenant étoiles, visages, échos de ses pensées blanchies par l’instant. Le tatouage commence à s’étendre en elle.
– Injecte-m’en plus.
– C’est risqué.
– C’est la vie. T’occupe et pique.
A côté d’elle, les membres du Dreamsquad l’observent, elle le sait, ils guettent sur son visage les soupirs de douleur et les grimaces de renoncement à la grande fatalité à laquelle se promet la Vigilance. Elle ferme les yeux et sourit comme elle a appris à la faire dans cette clinique abandonnée, face aux cadavres de ses parents défoncés au liquidream. Elle sourit encore tandis que l’encre se met à remonter jusque dans sa gorge, à saturer ses ventricules jusqu’aux extrémités de son cortex, emplissant sa bave, ses rêves.
– Ça y est, l’emprise est réalisée. Tous vos petits camarades vont pouvoir observer vos pensées juste en regardant votre peau. Mais je préfère vous prévenir, ne vous attendez pas à des images, hein, c’est bien plus instinctif. C’est plutôt comme des rêves abstraits. Des motifs, des couleurs, des glissements et des substitutions, tout ça.
L’encre se déploie effectivement en elle hors de toute phrase, de toute image. Elle compose avec elle une synthèse vivante.
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Cependant la commission dut faire face à une crise qu’elle n’avait pas prévue car la menace ne vint pas de l’intérieur, mais de l’effet de bord de la création des banques de rêves pour les IV : la secte des Vigilants fut en quelque sorte l’abréaction de la société à la constitution du Hortex. Car toute institution ne crée-t-elle pas son dehors, toute frontière ses contrebandiers et ses trafiquants ? Les Vigilants, que les mauvaises langues appellent les sans-sommeil, opéraient par commandos de quatre à cinq individus, détruisant les psychés, ponctionnant les rêves, laissant derrière eux sur les murs un œil éternellement ouvert comme un horrible attrapeur de rêves. Des corps qu’ils proclamaient libérés et qui demeuraient dans un état végétatif que l’on appelle plutôt coma. Leur action bouleversa malgré tout le marché, sans compter les attaques dans les différents data centers où ils vidèrent des millions de songes chaque fois.
Plusieurs banques durent se regrouper, et ce fut la création du puissant consortium d’Ananta. Il lâcha dans les terriers des Vigilants sa vague se serpents qui élimina la plupart des ultrarêveurs.
Depuis, on ne traîne plus dans les couloirs de nos rêves.
Ananta fut alors assez puissante pour ouvrir grande la mâchoire pour absorber la Sompo, et gloire aux Pythons ! La Commissaire générale de la Sompo à la tête fantôme fut nommée à la direction de la banque Ananta.
Le sommeil s’est anarchiquement réparti entre les espèces.
Les blattes respirent lentement.
Les mites courent toujours.
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On stocke les rêves dans des bases. On les accumule et on les mélange. Mais on n'avait pas prévu deux choses.
Un, que les fictions et les rêves deviendraient pour des intelligences intangibles des monnaies d'échange plus intéressantes que l'or, la chair ferme ou les pétrodollars.
Deux, que l'on hybriderait les rêves, que les informations vivraient, se croiseraient et pulluleraient avec une telle vigueur. On n'avait pas anticipé le Hortex et son écosystème, son économie parallèle, sa mafia du rêve, la vampirisation de toute la fiction humaine et non humaine.
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TST-Est est une zone désertique sinuant entre les luxuriances de Mõgulìnn, les pyramides blanches de déchets de Baie-Lune et les indécences élevées de Saï-Town. Plaine vide où il faut avancer le plus légèrement possible, de façon la moins assurée, pleinement exposé au ciel, à ce ciel oublié de tous sur cette île instable.
Elle est ce continuum de neige grise remplie d’espace mouvants, ces espaces lisses toujours prêts à s’affaisser pour vous engloutir pour toujours, sous des kilomètres d’une mélasse affreuse. C’est ce qui en fait la zone la plus risquée et la plus à même d’offrir la plus grande protection avec la plus grande fragilité, celle qui vient avec le froid, avec les trous noirs de l’oubli, avec les effondrements toujours imminents.
[…]
Ille se concentre encore et s’étend jusqu’à devenir la lande vallonnée de TST-Est, ille est le squelette de ces immeubles effondrés où ille se cache, ces déplacements de poussière et de neige.
Ille n’est qu’un débris qui s’oublie parmi la neige.
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