AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782919376865
60 pages
Alidades.bilingues, 2021 (01/01/2022)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Le thème de la tempête de neige, cher à la littérature russe, est repris ici par Raspoutine dans ce récit de 2003 : le déchaînement des éléments, l'enfermement dans le lieu presque clos d'un sanatorium au bord du Baïkal, le sentiment d'extrême fragilité face aux forces exacerbées de la nature conduisent au dérèglement du jugement, dans une sorte de crise paroxysmique où le narrateur n'a plus que ses vitupérations pour conjurer ce qui ressemble à l'Apocalypse.
Que lire après Mauvais tempsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Vous est-il déjà arrivé de vivre, lors d'une tempête, un tel moment de désarroi et d'angoisse au point de croire voir arriver l'Apocalypse, la punition finale divine ? Voilà là le thème développé par Valentin Raspoutine dans ce court récit de 2003, publié aux confidentielles éditions Alidades, collection « petite bibliothèque russe » qui propose des livres « artisanaux », fait maison, c'est-à-dire en format livrets simples, sans le renfort d'une couverture, bilingues, chaque double page proposant une page en russe et une page en français. @Glaneurdelivres est passé par là, j'ai pu dénicher parmi ses critiques non seulement ce livre mais aussi une mine précieuse de textes russes via la découverte de cette maison d'édition. Reçu très rapidement avec, en prime, en cadeau un marque-page sur lequel est inscrit en grosses lettres roses : « Perdez votre temps, lisez ! ». Résonance.

Ce texte est une petite fable et son année de rédaction, 2003, est importante à retenir pour mieux comprendre ce récit, comme l'explique l'intéressante postface du livre : C'est la fin des années Eltsine, la fin de l'URSS, la Russie a été secouée en tous sens, a perdu ses repères, sortant non sans mal de sept décennies de soviétisme. L'Occident à la fois fascine et fait peur à la population russe déboussolée, tiraillée entre repli sur soi et attrait pour la nouveauté. Même la nature qui est un repère stable et rassurant est malade avec ce que les hommes lui font subir et n'est plus le socle sur lequel pouvoir s'appuyer. Apparemment, le thème de la nature ravagée serait un thème récurrent chez Raspoutine.

La nature qui nous accueille au début du livre, alors que notre narrateur (s'agit-il de l'auteur ?) arrive dans un Sanatorium, installé confortablement dans une petite isba, est majestueuse. Les paysages grandioses du lac Baïkal où se déverse son unique émissaire, la rivière Angara (je vous invite à aller regarder quelques photos de cette rivière sibérienne, il se dégage de ces photos une beauté stupéfiante, empreinte de mystère), sont magnifiés, avec un gros soupçon de grandiloquence, par la plume de l'écrivain russe. Au point de faire penser à des images pieuses, voire des scènes d'un Paradis fantasmé.

« Plus le soleil s'enfonçait, plus le crépuscule s'assombrissait sur l'Angara, plus le ciel au-dessus du Baïkal se peuplait d'oiseaux de feu féériques, tandis qu'un invisible artiste, toujours plus inspiré, y apposait avec toujours plus d'audace ses touches de couleur. Longtemps encore je restai sur la saillie du rocher, plus proche, me semblait-il, des forces vives et mystérieuses du ciel. Longtemps encore les montagnes luisirent sans s'éteindre, l'ovale de la plus lointaine d'entre elles, au-delà d'un méandre de l'Angara, clignait comme une bougie qui coule ; les nuages au-dessus du Baïkal semblaient des aurores, de brusques clartés couraient sur la glace. Et toujours cette même douceur veloutée qui vous caressait le visage ; l'âme exultait ».

Puis la tempête de neige arrive brutalement nous plongeant dans la fureur et le bruit sous les assauts du « burlak », ce vent du nord qui souffle des jours durant, nous enveloppant dans une lumière opaque et laiteuse, parfois traversée de lueurs micacées. Puis dans le noir complet. La nature, l'isba tout est brutalisé et secoué, violenté, comme à dessein, jusqu'à la conscience de notre homme pris entre les pinces coupantes de l'angoisse. Alors, isolé dans cette maison qui va peut-être s'effondrer, ses pensées vagabondent cherchant une raison à cette fureur. L'inconséquence écologique des hommes, la géopolitique, l'oubli de Dieu conduisant au nihilisme, les loisirs faciles et vulgaires, nos désirs de pacotille, les peurs exacerbées des peuples…les pensées défilent, rapides et tournoyantes, tel le vent. Des coups de butoir qui se répondent en écho. Mauvais vent, mauvaise conscience, balancier rythmant la nuit infernale. Jusqu'à l'éclaircie salvatrice.

« Maussade, le ciel cotonneux et hérissé du matin s'éclaircit vers midi, s'emplit de bleu pâle ; le soleil, délavé, se réchauffa, forcit, forma comme un buisson ardent et resplendit de tous ses feux. Un cri sourd et victorieux emplit la terre, d'invisibles ruisselets la fécondèrent : elle les accueillit en femme, goulue, ardente, haletante. Deux heures plus tard, la neige cédait, l'eau tintait, et les oiseaux claironnaient leurs chants mélodieux. Sagement l'Apocalypse reculait ».

Une belle découverte m'incitant à aller glaner d'autres petits livres au sein des Éditions Alidades. Ce genre de petits livres qui invitent à de grands moments !

Commenter  J’apprécie          8833
« le vent en furie martyrisait les arbres, glapissait avec des cris d'orfraie qui vous forçaient à tendre l'oreille, glaçants, terrifiants. (…) Non sans peine, je repoussai la porte d'entrée de mon isba. »

Après avoir lu et apprécié « Baïkal », le poème en prose de Valentin Raspoutine, je m'attendais encore à retrouver, avec « Mauvais temps », une forme d'ode à la nature sauvage de la part de l'auteur.
Mais dans ce récit, il n'y a pas qu'exaltation devant les paysages grandioses du Baïkal et des déchaînements des événements climatiques…
Ici, la nature est malade et ravagée, autant que peuvent l'être les consciences humaines !

Ce texte a été écrit en 2003, dans une période de grande instabilité, avec des pertes de repères, suite à la dissolution de l'Union soviétique. Il y avait soudain une ouverture et une certaine fascination envers l'Occident, mais en même temps une crainte et un repli sur soi devant tant de nouveautés et d'inconnu. Et la population se retrouvait déboussolée.
Cette ambiance d'incertitude et de trouble a dû marquer Valentin Raspoutine et cela se ressent dans ce récit assez déroutant.

Le mode de vie très humain, en voie de disparition, sur les berges et autour du Baïkal, s'oppose aux effets d'une modernité par trop désaxée qui paraît irréversible. le déferlement de la tempête et son indomptable furie brutalisent les hommes et secouent les choses. Même l'isba semble trépigner sur place…

Le narrateur est au début du récit, émerveillé et élogieux, puis il finit par perdre son sang-froid, il se met à pester en cherchant les causes de cette effrayante tempête dans les travers de l'époque, comme un coup de sang délirant qui résonne à l'agression du vent.
Tout y passe dans une suite désordonnée : le cinéma, le théâtre, l'« art libre », l'oubli de Dieu, la pornographie, le journalisme…

« Dans l'inquiétude qui m'enveloppait comme d'un nuage de suie, on pouvait même, à tout prendre, déceler quelque signe de pusillanimité, si… Si à cette inquiétude ne se mêlait une part de tristesse et si cette part de tristesse n'annonçait pas la venue proche d'épreuves telles « qu'on ne saurait où se mettre » et pour lesquelles il nous faudrait mobiliser nos dernières forces et toute notre patience.
Ou bien sommes-nous abrutis, paniqués, terrorisés par les seaux de nouvelles glaçantes qui se déversent quotidiennement sur nos têtes au premier « bonjour » ?! »

L'Apocalypse a-t-elle reculé sur terre, dans les airs et dans les têtes ?
« Mauvais temps » est un petit récit d'une soixantaine de pages, assez inclassable, qui mène à de grandes réflexions !
Commenter  J’apprécie          1714

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
J'étais arrivé au sanatorium fin mars. La neige avait déjà presque toute fondu, ne laissant que des morceaux de peausseries, sales et froissées, dans les creux ombragés, et des cercles sous les cèdres puissants à travers lesquels le soleil de mars ne perçait pas encore.
(incipit)
Commenter  J’apprécie          300
Déséquilibré, je trébuchai et tombai du sol ferme de la route dans les congères. Le derrière planté dans la neige dans une position des plus confortables, je ne m’empressai pas de me relever, comme tout vaincu retenant la leçon. « Ca va se calmer » … pensez donc… comme s’il avait rompu ses chaînes, plus hargneux que jamais, le « bourlak » (ainsi nomme-t-on dans la plaine de l’Angara ce vent du nord qui souffle des jours et des jours) ne faisait qu’une pause pour mieux nettoyer ses gigantesques soufflets, prêt à frapper plus impitoyablement encore la terre impuissante. Plus impitoyablement ?!
Commenter  J’apprécie          80

autres livres classés : nouvellesVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (4) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *}