SOIRÉE
C’est la nuit. Tout est bien ; tout est doux ; tout est beau.
La fenêtre est ouverte et l’air est embaumé ;
Un vent vague et furtif soulève le rideau
Et le silence est plein d’un souvenir aimé.
Taisons-nous. L’heure est bonne et voici sur le mur
Les livres familiers, les portraits, les estampes.
Ce vase, sur la table, est frais comme un fruit mûr
Et son bouquet s’empourpre à la lueur des lampes.
Ses roses en riant regardent le miroir
Qui les reflète au fond de son cristal nocturne
Où comme elles souvent tu aimes à te voir,
Comme elles, souriante et pourtant taciturne ;
Mais l’heure est si tranquille et si tendre, et le vent
Si léger au rideau qu’il soulève et tourmente
Que tu restes, ce soir, allongée au divan
Et que je te contemple ainsi, sage indolente !
Et ton visage seul suffirait à mes yeux,
Qu’enchantent ton repos, ta grâce et ta beauté,
Si je ne voyais pas, vif et mystérieux,
Ton pied charmant et qui est nu dans la clarté...
REPOS APRES L’AMOUR
Nul parfum n’est plus doux que celui d’une rose
Lorsque l’on se souvient de l’avoir respiré
Ou quand l’ardent flacon, où son âme est enclose,
En conserve au cristal l’arôme capturé.
C’est pourquoi, si jamais avec fièvre et délice
J’ai senti votre corps renversé dans mes bras
Après avoir longtemps souffert l’âcre supplice
De mon désir secret que vous ne saviez pas,
Si, tour à tour, muet, pressant, humble, farouche,
Rôdant autour de vous dans l’ombre, brusquement,
J’ai fini par cueillir la fleur de votre bouche,
Ô vous, mon cher plaisir qui fûtes mon tourment.
Si j’ai connu par vous l’ivresse sans pareille
Dont la voluptueuse ou la tendre fureur
Mystérieusement renaît et se réveille
Chaque fois que mon cœur bat contre votre cœur,
Cependant la caresse étroite, ni l’étreinte
Ni le double baiser que le désir rend court
Ne valent deux beaux yeux dont la flamme est éteinte
En ce repos divin qu’on goûte après l’amour !
INTRODUCTION :
« […] Prokosch (1906-1989) est un errant lucide. Il se refuse à être enchaîné par les lieux et par le temps. Il n'est pas gorgé de l'inévitable nostalgie des chercheurs d'infini. Il ne dédaigne pas les vignettes qui laissent à penser qu'une terrible beauté est en train de naître.
[…]
Si Prokosch pense que le monde a l'air de stagner, paradoxalement, il pense surtout (comme le magnifique Henri de Régnier[1864-1936]) que vivre avilit. Que le désir du beau, si cher à l'homme, fond comme neige au soleil à mesure que le temps passe. Alors, écrit-il, « le désir du beau devient une effrayante parodie, une espèce de rituel obscène, et finit par gâter précisément ce qui en nous est le plus proche de l'éternel. »
CHAPITRES :
0:00 - Titre
0:06 - Chant
1:07 - Ulysse brûlé par le soleil
3:22 - le boulevard
5:35 - Ode (V)
7:06 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Frederic Prokosch, Ulysse brûlé par le soleil, traduit et présenté par Michel Bulteau, Paris, Orphée/La Différence, 2012.
IMAGE D'ILLUSTRATION :
https://www.ebay.com/itm/194547165187
BANDE SONORE ORIGINALE : le Chaos Entre 2 Chaises - Avant la Chute
Avant la Chute by Le Chaos Entre 2 Chaises is licensed under an Attribution 4.0 International License.
https://freemusicarchive.org/music/le-chaos-entre-2-chaises/reflets/avant-la-chute/
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#FredericProkosch #UlysseBrûléParLeSoleil #PoésieAméricaine
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