Geneviève, 33 ans, a toujours vécu à Stoke Tharby, village sans charme à ses yeux ; elle est mariée à Mike, entrepreneur en bâtiment qu'elle a connu à l'école, puis épousé sans amour, un homme gentil et travailleur, peu enclin à la conversation, qui croit qu'elle passe le plus clair de son temps dans la cuisine, comme le font toutes les femmes. Il l'appelle « sa » cuisine », il refait « sa » cuisine, c'est sa façon à lui de lui montrer son amour, le seul cadeau qu'il soit capable de lui faire. Ils n'ont pas d'enfants.
Geneviève est aide-soignante dans une résidence pour personnes âgées et surtout riches. Ici, la gentry est bien soignée, des labradors et des chats l'entourent, la nourriture est acceptable, on peut même servir à la demande, des cocktails. Mais il n'empêche que ces personnes vieillissantes ont de la peine à faire admettre qu'elles sont toujours compos mentis et que ce n'est pas parce qu'elles avancent en âge qu'elles retombent systématiquement en enfance.
Geneviève s'occupe de Stella, 72 ans, veuve, mère de deux enfants aimés et aimants, atteinte d'un cancer, consciente de sa mort imminente. Dans toute la mesure de son possible désormais borné par la grande faucheuse, elle essaie – à défaut de pouvoir soigner sa maladie - de soigner son apparence, de toujours rester digne. Une relation de confiance puis d'affection s'installe entre les deux femmes, qui malgré leur différence d'âge et de milieu social, se découvrent des points communs. Toutes deux ont dans leur vie, une face cachée, un secret qu'elles ne peuvent partager avec personne. Stella, sentant sa vie s'enfuir, souhaite se délivrer du sien avant sa mort. Enhardie et mise en confiance par les confidences de Stella, Geneviève lui révèle à son tour sa liaison adultère.
Il ne s'agit que des points de départ de ce roman psychologiquement foisonnant, qui va se dérouler au rythme lent et hypnotique habituel de
Ruth Rendell jusqu'à l'ultime et magistral rebondissement survenant au cours des dernières pages. Comme toujours, l'auteur par le truchement d'un roman, se place du côté des opprimés, des pauvres, des laissés pour compte, des enfants maltraités, de ceux qui n'ont accès ni à l'écriture ou à la lecture et encore bien moins à la culture, ou aux études. En l'occurrence, dans
Noces de feu, elle prend le parti des femmes, de celles qui ont connu le poids d'une éducation étouffante, d'une religion débilitante. Elle donne la parole à celles qui après des mariages arrangés, ont croisé sur leur route un homme pour lequel elles ont éprouvé une passion dévorante et réciproque, mais inavouable ainsi qu'à celles qui ne pouvaient rompre un mariage, n'avaient pas accès à une contraception, entraînant des drames dans la filiation de leurs bâtards, tout en supportant les maîtresses de leur mari sans pouvoir s'y opposer. Avec sa plume directement plongée dans le cerveau féminin,
Ruth Rendell décrit leurs douleurs, leurs attentes, leurs frustrations, leurs déceptions mais aussi leurs joies, leurs sentiments de libération lorsque le carcan historique et légal, lentement, trop lentement, s'est fissuré.