Kim Stanley Robinson (né en 1952) fait partie de ces auteurs de
Science-fiction américains qui ont émergé dans les années 80 et explosé dans les années suivantes. K. S. Robinson est l'auteur d'un chef d'oeuvre absolu, la « Trilogie de Mars » [(«
Mars la Rouge » (1992), «
Mars la Verte » (1995), «
Mars la bleue » (1996)] qui le place d'emblée au niveau des grands maîtres que sont
Isaac Asimov, Artur C. Clarke ou Frank. Herbert.
«
Aurora » (2015) se situe dans la continuité de la « Trilogie de Mars ». Nous sommes toujours dans la SF hard (non, ce n'est pas ce que vous croyez), c'est-à-dire une SF dans laquelle la technologie et ses implications, qu'elles soient techniques, sociologiques ou humaines, sont d'un très haut niveau de vraisemblabilité et de plausibilité. Bref c'est très crédible.
Nous sommes à bord d'un gigantesque vaisseau interplanétaire, parti de Saturne il y a déjà plusieurs générations pour aller coloniser une planète appelée
Aurora, aux confins des confins de l'univers, où l'humanité (ce qu'il en reste, à peu près 2000 personnes) pourrait se constituer un nouveau foyer. A bord tout est conçu comme une terre en réduction. Il y a des villes, des cultures, des animaux et une mer intérieure, des éco-systèmes inter communicants, et nécessitant bien entendu une surveillance de tous les instants. Une Intelligence Artificielle régit l'ensemble du vaisseau, assistée bien entendue par des humains. Nous suivons particulièrement trois d'entre eux : la jeune Freya (jeune, au début de l'histoire) et ses parents Devi (ingénieure en chef du vaisseau, quasiment le personnage central du roman) et son mari Badim. Comme on l'imagine, des contrariétés de toutes sortes vont s'amonceler sur le vaisseau, d'ordre technologique, et aussi d'ordre humain. Tout l'art de
Kim Stanley Robinson consiste en un dosage parfait entre l'intérêt scientifique, très présent, mais jamais lourd, et l'intérêt psychologique, car les habitants du vaisseau sont des êtres humains, avec des sentiments, des désirs et des réactions comme vous et moi… Ces contrariétés augmentent de plus en plus en approchant de la destination…
Kim Stanley Robinson nous offre un splendide voyage interplanétaire. On imagine très bien le vaisseau (un cousin de la grande roue orbitale de «
2001, l'Odyssée de l'espace » : ici il s'agit de deux roues que relie un axe central) aménagé à l'intérieur comme les serres de « Silent running » … Moi, si j'étais
George Lucas,
Steven Spielberg,
Ridley Scott ou
James Cameron, je saurais bien où trouver mon inspiration… (d'ailleurs je me suis laissé dire que
James Cameron avait des projets pour la « Trilogie de Mars » …)
Space opera, «
Aurora » est également une épopée à l'échelon interstellaire, en même temps qu'un drame intimiste, un huis clos entre 2000 personnes, des robots et une Intelligence Artificielle ; on y ressent de façon très précise l'étouffement, le ras-le-bol du confinement et simultanément l'immensité sidérale. Il n'est pas exagéré de trouver une dimension philosophique à cette aventure où l'être humain se singularise par sa petitesse au milieu de l'immensité combinée avec sa grandeur pour avoir créé cette merveille de technologie…
D'autres sujets de réflexion sont abordés, directement ou indirectement : la survie de l'humanité, les limites de la technologie, l'homme et la machine, le vivre-ensemble en milieu clos…
Quand la SF prend le parti de se montrer intelligente (c'est souvent le cas, Dieu merci), ça nous donne des films comme «
2001 l'Odyssée de l'espace » ou « Interstellar » (pour moi les deux meilleurs films de l'histoire de la SF) et des romans comme Fondation (
Isaac Asimov), Dune (
Frank Herbert), Rendez-vous avec Rama (
Arthur C. Clarke) et bien d'autres dont les deux titres de
Kim Stanley Robinson « La Trilogie de Mars » et «
Aurora »