Question pour le jeu des 1000 euros : Quel est le dernier mot de la pièce d'
Edmond Rostand, "
Cyrano de Bergerac"?
Réponse : Panache.
Avouez que ce n'est pas banal, et je me demande, et peut-être vous le demandez-vous aussi, si ce n'est pas un peu voulu...
Car s'il y a un mot pour résumer cette pièce à nulle autre pareille, c'est bien panache. Par sa dimension épique, par sa grandiloquence soigneusement maîtrisée, par sa tendresse, par sa générosité sans borne, par cette façon de mettre le spectateur dans sa poche avec des tirades époustouflantes d'intelligence et de drôlerie, cette pièce rallie tous les suffrages... avec panache !
Et pourtant ce n'était pas gagné : la veille de la première, Rostand présentait ses excuses à Coquelin (l'acteur qui jouait Cyrano) pour l'avoir "entraîné dans cette désastreuse aventure". Il faut dire aussi que Rostand avait tout fait à l'envers. A cette époque-là il n'y avait que deux sortes de pièces à Paris, les vaudevilles ou comédies de boulevard (Feydeau,
Courteline, etc.) ou alors des drames naturalistes (
Ibsen,
Tchekhov, etc.). Monter une pièce néo-romantique, en costumes, en cinq actes et en vers avec une pléthore d'acteurs et de figurants, fallait oser ! Eh bien Rostand l'a fait. Et bien fait. Ce 28 décembre 1897,
Cyrano de Bergerac fait un triomphe au
Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Et ça continue plus de cent vingt ans après, non seulement sur les planches, mais encore au cinéma, à la télévision...
L'histoire est connue : Cyrano, dont on ne sait s'il est un matamore malin ou un sage déguisé en amuseur (en fait il est les deux) est affublé d'un appendice nasal qui lui attire des moqueries, mais celles-ci se retournent toujours contre leurs auteurs. Cyrano aime Roxane, pourtant il se sacrifiera au profit de son ami Christian de Neuvillette. de duels en batailles, de scènes intimistes en tirades ébouriffantes, un souffle épique parcourt toute la pièce, porté par la générosité d'un Cyrano surhumain de dévouement, de courage d'insolence, d'amitié et d'amour.
Des 2600 vers qui la composent beaucoup sont passés à la postérité :
"Ah non c'est un peu court, jeune homme,
On pouvait dire?... Oh Dieu... bien des choses en somme
En variant le ton... "
"Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l'abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon ;
Elégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Myrmidon,
Qu'à la fin de l'envoi, je touche !"
"Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"
"Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer"
Etc. etc.
Cyrano, preuve éclatante de "l'esprit français", est également un modèle de délicatesse sentimentale, et de courage, aussi bien physique que moral. En un mot c'est un héros. Mais à la différence d'autres héros qui ne sont que des faiseurs d'exploits, Cyrano est un héros qui sait être héroïque dans l'adversité et même dans ce cas-là garder son... panache !