Une petite pièce légère d'
Edmond Rostand, avec un délicieux parfum d'anachronisme.
Cyrano de Bergerac nous transpose dans le monde de la préciosité et des salons du XVII ème siècle tout en évoquant la bravoure et le panache des Mousquetaires,
l'Aiglon évoque l'épopée napoléonienne, légende noire et légende dorée, et les Romanesques évoquent pour moi le théâtre du XVIII ème sièce, et plus précisément
Marivaux – et, plus précisément encore,
Marivaux qui placerait sa pièce au XVII ème siècle. Je m'explique : tout commence par un marivaudage, c'est-à-dire des amants séparés qui élaborent des stratagèmes, des ruses pour se voir, et qui parlent, qui parlent, qui ne font que parler d'amour. Sylvette et Percinet sont ainsi deux amants qui s'aiment et qui se l'avouent, séparés chacun par un pan de mur qui coupe en deux les jardins de leur père respectif – on peut songer à un avant-goût de la scène du balcon chez Cyrano. Ce mur a été construit par leurs pères qui se vouent une haine mortelle. le parallèle est fait par les amants eux-mêmes avec Roméo et Juliette, pièce qu'ils lisent ensemble.
C'est là le coeur de l'intrigue et l'explication du titre : Sylvette et Percinet sont « romanesques » car ils aiment les romans, ils ont appris la vie et l'amour par les romans, et voudraient que leur vie soit elle-même un roman. Sylvette rêve donc d'enlèvement au clair de lune pour être sauvée par Percinet, Percinet voudrait connaître l'aventure pour devenir un héros. Ils sont bien naïfs ces enfants, bien fleur bleue, ils m'ont un peu ennuyés pour dire la vérité. de même, les pères pourraient être des reprises de pères de comédies, ils le disent eux-mêmes, ils pourraient être des Géronte, des Argan. Mais ils se veulent modernes, ils ne vont pas imposer un mariage à leurs enfants ; eux aussi ont lu des romans, et ils croient en l'amour romanesque. Dans le 2ème acte, leur côté comique est renforcé par le fait de se côtoyer en permanence : en vivant auprès de quelqu'un, on voit tous ses défauts, toutes ses manies, et il peut finir par nous devenir insupportable...
Cela pourrait être gentillet, mais, comme la pièce est du Rostand, il y a un personnage qui domine les autres par sa parole et son épée. Non Cyrano, non Flambeau, mais Straforel. Il pourrait être identifié au personnage du Matamore de la commedia dell'arte. Il est un peu poète, beaucoup hâbleur, très orgueilleux, et très pauvre. Son mot « ma facture » entre en résonance avec « mon panache », mais ce n'est pas un dernier mot, sa mort est une fausse mort mise en scène. Il n'est donc qu'une caricature, un brouillon de Cyrano pourrait-on dire, qui ne serait que le côté comique exubérant du personnage de Cadet de Gascogne.
Cette pièce est la première de Rostand qui a eu du succès, et c'est plus cet aspect qui est intéressant : non son intrigue elle-même, mais le fait qu'elle précède, et annonce par certains points, son chef-d'oeuvre absolu.