Italie debut de siècle, montee du fascisme.
Une ado, sa famille, leur mode de vie, la figure emblematique des parents, tout y est excellement bien décrit, on entre dans la peau de cette adolescente, les émotions les principes les querelles, de l'humour aussi.
Bref à lire d'une traite.
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Le maître parlait, les yeux de maman brillaient de la joie qu'elle avait d'entendre louer son fils comme cela. Nino se tenait debout, tout embarrassé, et fixait mon père du regard. Mon père regardait les mouches qui bourdonnaient autour de l'abat-jour de porcelaine blanche suspendu au plafond et qui descendait jusqu'au milieu de la grande pièce. Le maître continuait à débiter des compliments : " 'Il a une prédisposition remarquable pour les mathématiques, il est également bon en italien. A mon avis ce serait du gaspillage qu'il reste travailler dans les champs.'
Mon père enleva son béret et en donna un grand coup contre l'abat-jour : il écrabouilla au moins quatre mouches. 'Bien sûr, bien sûr, commença-t-il d'un air mauvais, c'est du gaspillage, être paysan c'est toujours du gaspillage, c'est méprisable. Tout le monde le sait, la terre est dégoûtante. Elle te nourrit, mais il y a le fumier qui pue. Et puis la sueur, les mouches, les vers. Être comptable ou maître d'école à côté !...'
"Il avait été blessé à une épaule. On l'appelait Buali de gauche à cause de sa force et de sa placidité. Buali de droite était son plus cher ami, gros, rondouillard et tyrannique. Ce nom leur avait été donné en souvenir d'une paire de bœufs, qui n'étaient jamais d'accord. L'un tirait et l'autre se laissait traîner. Les deux Buali, celui de droite et celui de gauche, avant d'être soldats, sortaient de l'auberge bras dessus bras dessous et s'en allaient dans la campagne en chantant à tue-tête.
Buali de droite fut le premier des hommes de la ferme à mourir au front.
Buali de gauche venait dans l'étable, il se mettait dans un coin, il fumait et crachait, crachait et fumait. Si les femmes commençaient leur rosaire, il sortait, il allait patauger à travers la campagne dans la boue et la dernière neige.
On disait qu'il était triste car il avait perdu son Buali."
"Ils riaient ensemble à en faire peur aux vaches."