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EAN : 9782234086661
171 pages
Stock (02/01/2020)
3.02/5   26 notes
Résumé :
La lecture enrichit la vie comme la vie enrichit la lecture, c'est à cet art de lire qu'Hélène Bourguignon exerce ses étudiants de Sciences-po. Lire pour découvrir les expériences fondamentales à travers Buzzati, Tchékov, Reza.Chaque cours est un défi recommencé, d’une semaine à l’autre il se passe toujours quelque chose. Un souvenir, une émotion, une réaction et tout déraille dans la vie si organisée d’Hélène Bourguignon. Elle a perdu son mari, mais elle n’a perdu ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Hélène Bourguignon est professeur de lettres à Sciences-po, et ce jour-là, elle a choisi une nouvelle de Brautigan. Elle choisit des nouvelles courtes n'excédant pas cinq pages. le texte est dans ses mains, elle s'apprête à commencer son cours lorsqu'elle entend quelqu'un jouer de la guitare et chanter :

Quelqu'un chante… If you're going to San Francisco/Be sure to wear some flowers in your hair… La surprise lui fait monter les larmes aux yeux.

Les souvenirs remontent, les drames de sa vie, la mort des gens qui la chantaient en 1967, notamment Xavier son premier mari qu'elle épousé très jeune, amoureuse de l'amour, puis le deuxième qui a vraiment compté : Laurent…

Elle, si bien organisée, qui arrive toujours en avance, en salle de cours, perd soudain le contrôle de son cours. Elle tente de faire le lien entre 67, et l'année où a été écrite la nouvelle (1939), la date du suicide de Brautigan, et donc cela conduit à une réflexion sur le temps : « La seule chose que tu possèdes c'est le présent » dixit toujours Marc Aurèle

Elle leur montre ainsi qu'il faut toujours resituer dans le temps, les propos d'un auteur, et à compter en générations pour avoir des repères : trois générations les séparent de 1939…

Quand elle rentre chez elle, les souvenirs des êtres disparus refont surface. Elle regrette de s'être emballée à cause de la chanson, et d'avoir trop insisté sur le suicide de l'auteur…Et fait le bilan de sa vie.

Elle habite Paris, qu'elle arpente à pieds, alors que ses racines sont à la campagne : son frère a pris les rênes de la ferme familiale, et les relations dans cette famille sont loin d'être simples, alors il y va rarement, s'est même débrouillée pour ne pas assister à l'enterrement de son père.

Elle a une fille Lou, enceinte et une petite-fille Juliette, dont elle s'occupe assez. Elle va régulièrement faire des longueurs en piscine avec son amie Laetitia.

On va suivre son cours sur une nouvelle de Dino Buzatti « Esclave » puis, elle enchaîne avec Anton Tchekhov, Yasmina Reza

Depuis la mort de Laurent, sa vie de femme est entre parenthèse, et elle est devenue une forteresse dire à conquérir pour un éventuel prétendant.

J'aurais adoré l'avoir comme prof ! j'ai envie de découvrir les nouvelles de Richard Brautigan, auteur que je n'ai jamais lu…

Ce livre m'a beaucoup plu, Pascale Roze m'a fait voyager dans Paris, en Bourgogne en Corse, mai surtout dans l'univers des auteurs que sa « belle Hélène » aime tant. L'écriture est belle, tous les thèmes sont bien traités.

J'ai découvert Pascale Roze en 1996 avec « le chasseur Zéro » (pour lequel elle a reçu le prix Goncourt), un livre envoûtant, que j'ai dévoré littéralement, englouti sans le lâcher une seule seconde avant d'arriver à la fin et donc adoré. Je m'étais promis de lire d'autres romans de l'auteure et le temps asse, hélas, et il y a temps de romans et d'auteurs à découvrir.

J'ai beaucoup aimé « La belle Hélène » que j'ai dévoré avec le même appétit que « Chasseur Zéro » et retrouvé l'auteure avec un immense plaisir…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui ont bien voulu me faire confiance avec ce roman qui n'a qu'un seul inconvénient : il est trop court ! j'aurais aimé qu'il dure encore et encore.

#LabelleHélène #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Hélène Bourguignon (quel nom !), la soixantaine bien entamée, anime un atelier d'écriture à Sciences Po, même si ses cours ont plutôt l'air de consister en des lectures de nouvelles très brèves d'auteurs comme Brautigan, Buzzati, Tchekhov, Musil, Reza. Seule à présent, géographiquement loin de sa mère et apparemment pas très proche de sa fille, Hélène revient sur les différents hommes de sa vie puis fait une rencontre qui permet à l'espoir de renaître. Nourrie de stoïcisme, elle nous fait également partager sa philosophie de la vie et critique la pensée simpliste de notre temps. ● Même si la littérature y occupe une grande place, le roman semble paradoxalement aboutir à un refus d'une trop grande intellectualisation de la vie et trouve son aboutissement dans une morale godardienne de l'exaltation de la simplicité de l'existence (il n'y a rien d'autre à faire que vivre) qui n'est jamais aussi bien célébrée que sur les îles de la Méditerranée : Capri pour Jean-Luc Godard, la Corse pour Pascale Roze : baisser la garde, accepter la vie, ne pas avoir peur de la sensualité. (Ce n’est sans doute pas un hasard si la page de couverture rappelle furieusement le dernier plan du Mépris.) ● C'est un roman plein de qualités qui ne m'a pas donné un grand plaisir de lecture, loin de là. Si la singularité du ton se perçoit dès les premières lignes et intrigue le lecteur, force est de constater que ce dernier ne sera pas accompagné par l'auteure, qui ne se donne jamais la peine d'expliquer qui sont les personnages qu'elle introduit, de séparer les dialogues de la narration, de mettre des guillemets aux citations… Tout cela engendre une perte de repères et un flou qui sont trop évidents pour ne pas avoir été voulus. Mais ces procédés n'ont pas fonctionné avec moi.
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"L'étude d'un texte est une chose sérieuse. L'étude d'un texte apprend l'attention à ce que l'on a devant les yeux, que ce soit dans le texte ou dans le monde réel, est à la fois donné et caché. S'exercer à l'attention des indices dans un texte, c'est apprendre à s'exercer au sens caché du monde qui nous entoure." (p. 109)

Toute première lecture que je fais de Pascale Roze avec ce texte d'hommage à l'étude des textes littéraires. La narratrice,la soixantaine... veuve deux fois, vit seule; elle est professeur de littérature à Sciences Po;
elle tente d'intéresser et de sensibiliser ses étudiants à la Littérature : Buzzati, Musil, Reza, Richard Brautigan, etc.
Elle narre sa vie, son quotidien,ses amours, ses métiers d'enseignante et de lectrice de manuscrits à la lumière de la Littérature, des écrivains !

" le donné et le caché, elle savait les débusquer dans un texte. Elle croyait fermement que s'y exercer dans un texte aidait à le faire dans la vie. " (p. 110)

Une lecture plaisante... où la littérature est en très belle place, un des éléments précieux de culture et d'apprentissage de l'existence...Esprit d'analyse, esprit critique, sens de l'observation, de la compréhension de la valeur du langage et du choix des mots ...plus le plaisir de retrouver
de jolies descriptions d'une ville corse , de caractère... où je me suis promenée longuement : Sartène !!

"Elle fera des recommandations à l'étudiante. L'envie de lire est fragile et s'évapore comme l'arc-en-ciel." (p. 50)

Un moment chaleureux comme une rencontre amicale où on partage l'amour des mots, qui dit aussi très fort, l'Amour de la vie !
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Hélène, un portrait en quatre nouvelles

Dans La belle HélènePascale Roze raconte un atelier d'écriture à Sciences-Po. L'occasion de nous présenter quatre merveilleuses nouvelles, mais aussi de nous démontrer le pouvoir de la littérature. Mission accomplie!

Hélène Bourguignon a un peu plus de soixante ans, mais n'a rien perdu de son enthousiasme et de son envie de faire partager ses bonheurs de lecture. Toutefois, l'atelier de lecture qu'elle anime au sein de la prestigieuse école parisienne de Sciences Politiques n'a rien d'académique. Foin des cours magistraux et du bourrage de crâne. Elle s'est donnée pour mission de faire aimer les textes, de faire découvrir aux élèves combien ils peuvent accompagner leur vie et même – bonheur suprême – les aider à avancer dans la vie. Il faut dire que sa propre biographie lui donne des armes de persuasion massive: si elle vit désormais seule, elle a été mariée deux fois et est deux fois veuve, mère de Lou et grand-mère de Juliette, soeur de Stéphane qui a lui choisi l'agriculture.
Avec Xavier, un soixante-huitard, elle aura brûlé sa jeunesse avant de le quitter pour un écrivain. Laurent aura été son grand amour, parti trop tôt. À ses côtés, elle aura aussi fait ses premiers pas en littérature, comme nègre puis en publiant un premier roman. Outre son atelier de lecture, elle lit encore des manuscrits pour une maison d'édition. Une passion pour les mots qui l'accompagne désormais au quotidien, nourrie de la philosophie de Sénèque et d'Épictète, de Marc-Aurèle et de Simone Weil.
Pascale Roze a choisi de construire son roman autour de quatre leçons données durant le mois de mai 2018 avec de somptueuses nouvelles – qu'elle nous donne envie de (re)découvrir – signées Robert Musil, Anton Tchékhov, Dino Buzzati, Yasmina Reza et Richard Brautigan. Pour s'approprier ces textes, ses étudiants doivent non seulement les lire, mais les résumer et les commenter. Une façon fort agréable pour le lecteur de se plonger dans ces oeuvres, y compris dans le ressenti quelquefois très différent de ces textes. de mieux comprendre et surtout de découvrir de superbes écritures: «Ma vie est tout à fait à plaindre, pire que celle du chien le plus malheureux» (Vanka, Anton Tchékhov ; «Le vent soufflait sur les éteules aussi doucement que s'il avait eu une soupe d'enfant à refroidir» (Trois femmes, Robert Musil) ; les gens ont besoin d'un peu d'amour, et bon dieu que c'est triste, parfois, de voir toute la merde qu'il leur faut traverser pour en trouver. (La vengeance de la pelouse, Richard Brautigan)
Avouons-le, la plupart de ses étudiants appelés à avoir de hautes fonctions administratives et politiques passent à côté de ces trésors. Mais Hélène se satisfait lorsqu'une seule élève démontre une sensibilité toute particulière. Elle la soutient et l'accompagne alors avec un oeil pétillant vers une vocation théâtrale.
On imagine du reste que c'est ce même oeil qui aura séduit ce juge avec lequel elle fera peut-être un petit bout de route, acceptera une invitation à dîner et découvrira plus tard l'île de beauté.
Hommage à la littérature et plus encore à la lecture et à la relecture, ce roman est aussi une exploration de l'intime, de ces «marqueurs» qui fixent à jamais une émotion, une boîte aux trésors bien précieuse. Cette petite musique qui – petit clin d'oeil à La Belle Hélène d'Offenbach –fleure bon la nostalgie joyeuse.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Pascale Roze, lauréate du Prix Goncourt avec "le chasseur zéro" en 1996 pour son tout premier roman revient régulièrement nous donner de ses nouvelles avec des écrits souvent élégants et intelligents.

Ici, avec La belle Hélène, on aime particulièrement la jolie petite musique de ce roman de Pascale Roze , une petite mélodie assez nostalgique mais léger aussi profond .

Hélène Bourguignon est professeur de cours littéraire à Science Po travaille dans le milieu littéraire sans statut très clair.

Hélène enseigne l'art de lire à ses élèves et elle leur parle notamment Robert Musil, Yazmina Reza, MarcAurèle, Simone Weil, Tchekov Dino Buzzati ou Richard Brautigan, avec plus ou moins de réussite.

Si Hélène a tendance à avoir une vision critique de la pensée d'aujourd'hui devenue non audible car trop complexe, ce n'est pas une réactionnaire.

Une femme, entre deux âges, dont le mari est mort, mais qui n'a pas perdu son grain de folie son sens de la dérision et de la délicatesse .

Notre Hélène a certes perdu quelques illusions en route, mais elle conserve pas mal de dérision et de profondeur de vue et cela rend ce personnage profondément attachant.

Ode à la littérature et à la phiilsophie , "La belle hélène", qui navigue allégrement entre présent et souvenirs du passé, possède une grâce et une mélancolie qui touchent vraiment au coeur !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (1)
LeFigaro
27 février 2020
On le dit parfois: un roman, c’est une musique. La Belle Hélène, le nouveau titre de Pascale Roze, nous entraîne et nous saisit avec son petit air charmant, léger et, par moments, nostalgique. Une nostalgie où n’aurait pas sa place la tristesse.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
Richard Brautigan
Elle n’a jamais su être à l’heure. Toujours en avance. Quand, exceptionnellement, elle est en retard, elle a pu vérifier qu’une sorte d’instinct avait essayé de la prévenir qu’elle aurait mieux fait de rester chez elle. Donc, comme tous les jeudis, elle est en avance. Il fait bon, son cartable se balance au bout de son bras et elle descend la rue en inspectant les devantures des boutiques de chaussures très chères dont les talons avoisinent les dix centimètres (elle qui a un petit cartable en vieux cuir culotté, pense-t-elle chaque fois avec satisfaction). Elle se contrefiche des chaussures mais elle a besoin d’une contenance pour tenir les dix, mettons huit, minutes qui lui restent avant d’entrer. Elle pourrait se passer de ce faux but de marche, simplement aller jusqu’au boulevard Raspail puis revenir. À Paris, qui se préoccupe de savoir pourquoi vous marchez ? À Paris, on est invisible. Mais elle n’a pas grandi à Paris et elle a beau y vivre depuis qu’elle est adulte, son corps se souvient qu’à la campagne quelqu’un qui marche crève le paysage. À la campagne, vous êtes un gibier. Le boulevard s’annonce par une grande flaque de soleil que les platanes absorbent en brillant de toutes leurs feuilles. Elle vérifie l’heure, le timing est bon, demi-tour. Sourcils légèrement froncés, regard fixé sur un horizon intérieur, elle avance maintenant droit sur le trottoir. Le cartable que sa main tenait avec légèreté ne se balance plus. Le pas est lent. Elle tourne à droite, s’arrête un instant pour sortir la carte qu’elle va montrer aux vigiles, se faufile dans l’attroupement, tend la carte, ouvre son cartable (dont elle oublie en le faisant combien il est intime et chéri). Allez-y, madame. Elle remercie d’un sourire, peine à remettre sa carte dans son porte-carte, bloquant le flux, la doublure de nylon coince. Quelque chose dans son maintien se défait. Allez-y, madame, répète le vigile. Elle insiste, s’agace, renonce, jette carte et porte-carte dans le cartable. Le hall résonne comme une volière et lui donne un léger vertige. On ne rentre et ne sort que par ce hall, Vigipirate oblige. Une bombe ferait un carnage, elle y pense chaque fois. Du haut du plafond l’énorme pendule domine la foule. Le cours commence dans dix minutes. On la bouscule. Chaque fois qu’elle pénètre dans le hall, un pincement cardiaque lui rappelle qu’elle a le trac. Rien à voir avec celui épouvantable qu’elle éprouva la première fois qu’elle se rendit en prison, une prison de province avec une petite grille dans la muraille derrière laquelle quelqu’un était venu la regarder, enfermée ensuite dans une pièce dont la porte n’avait pas de poignée, non, pas de poignée, avec quatorze détenues pendant deux heures. Soyez sans crainte, avait dit le directeur, il y a un micro relié à mon bureau. Trac plus supportable toutefois que celui qui la paralysa le jour où elle dut affronter une émission télévisée, en proie à la sensation d’un évanouissement imminent. Tu étais très bien, avait dit Laurent, quand elle était rentrée à la maison. Brouhaha d’anglais et de français. Elle se fraie un chemin vers un mur. Une grande table derrière laquelle sont assis des étudiants appelant à une cause quelconque encombre l’espace. Elle atteint le mur, pose son cartable pour avoir les deux mains libres, sort carte et porte-carte et, pliée en deux vers le sol, s’applique à faire pénétrer l’un dans l’autre, se redresse. Elle n’aurait pas dû rester pliée, elle a la tête qui tourne. Cent personnes s’occuperaient d’elle si elle avait un malaise. C’est Jérôme, là-bas. Elle l’avait l’année dernière. Il ressemble à deux cent pour cent à ses amis d’enfance. Rien ne change, quoi qu’on en dise. Faux. Regarde ces visages exotiques, écoute ce brouhaha fait d’anglais autant que de français. Bientôt les cours seront tous en anglais, tu le sais. Était-ce ainsi quand tu avais leur âge ? Elle tire la colonne vertébrale vers le chignon, lâche le mur. Tu es dans un lieu formidablement ouvert, moderne, innovant, comme l’avait affirmé Macron pas encore président dans son laïus de remise des diplômes. Pourquoi dire rien ne change alors que les choses changent inexorablement ? Tu es dans un lieu formidablement ouvert, moderne, innovant. Allez, en route.
La première fois, avant de venir, elle avait choisi une tenue appropriée à la situation. La jupe, le chignon. Elle croyait s’être amusée à se déguiser. Une jouissance inconnue l’avait guidée. Elle y a depuis apporté des raffinements, un bijou dans les cheveux, des jupes étroites, parfois une ceinture. Elle aurait pu faire un autre choix. Elle aurait pu, organisant son budget, s’acheter une de ces paires de chaussures vernies et hautes qui lui auraient donner l’air d’un héron. Elle aurait pu. Elle a de grandes jambes. Elle aurait pu choisir l’allure jeune. Oui. Mais le plaisir qu’elle a éprouvé a été tel que le lendemain, bien qu’elle n’ait pas cours, elle a remis la jupe. En une année, elle a intégralement changé sa garde-robe, sa coiffure, son allure. Des amies le lui ont dit avec un soupçon de reproche dans la voix : tu te fais des chignons ? Et même une dame âgée, avec un air carrément ulcéré : tu ne devrais pas attacher tes cheveux. Ça fait vieux. C’est comme madame. Pourquoi tu dis toujours bonjour madame, merci madame, au revoir madame, c’est ostentatoire. Quoi, ostentatoire ? Qu’est-ce que j’ai d’ostentatoire ? Les vigiles disent bien merci madame. Ce n’est tout de même pas un mot réservé au prolétariat ? Ça l’agace que tous les étudiants ne lui disent pas madame. Elle ne trouve pas le culot de leur dire : vous devez me dire bonjour madame, vous devez écrire bonjour madame dans vos mails, plutôt que d’utiliser ce bonjour flottant et indéfini. Ce n’est pas parce que les journalistes à la télévision disent Pascal Perrineau bonjour, que vous ne devez pas lui dire bonjour monsieur, et me dire bonjour madame. La nuit, quand elle n’arrive pas à dormir, elle leur parle pendant des heures, elle fait cours dans son lit. Dans l’ascenseur, elle tient son petit cartable à deux mains devant elle et elle sourit à tous, solide. Elle sent son sourire sur son visage. Hier soir, elle a vu Voyage à Tokyo d’Ozu. Le père et la mère sourient tout le temps. Les enfants jamais. Ils sont dans un temps hargneux où il y a toujours quelque chose à faire, les clients, les patients, le ménage. Forcément, les parents encombrent. « Ne pas souvent et sans nécessité dire à quelqu’un ou lui écrire : je n’ai pas le temps. Et par ce moyen constamment ajourner les obligations que commandent les relations sociales, en prétextant l’urgence des affaires », Marc-Aurèle. Deuxième siècle après J.-C. En plein dans le mille ! Voilà qui serait important à aborder avec les étudiants. Elle aimerait avoir la liberté de choisir ce sur quoi travailler à chaque séance, en fonction de ce qu’elle aura glané dans la semaine. On pourrait réfléchir à Ozu et Marc-Aurèle. Elle voit déjà un cours. Mais il lui faut s’en tenir à l’étude de la nouvelle, au carcan du programme qu’elle s’est imposé à elle-même et qui a eu l’heur de convenir à la directrice de la scolarité. Elle trouvera bien le moyen de les glisser quelque part, elle ne pourra pas s’en empêcher. Quatrième étage. Passage aux toilettes pour vérifier que nul petit cheveu ne s’échappe des barrettes et resserrer son manteau. Traits tirés, elle dort mal. As-tu revêtu ta lumière ? dit-elle à son reflet, un truc que lui avait donné l’aumônier de Nanterre : se rappeler chaque matin en s’habillant cette phrase des Écritures : « Vous avez revêtu la lumière. » En même temps que la jupe (à l’époque elle portait des pantalons, par conformisme, ça ne lui allait pas), la lumière. Incroyable ce que ce conseil lui a servi. Ce prêtre était doué pour la littérature. Il savait qu’elle n’est que concrète. Elle entre dans la classe. Elle fait son entrée.
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Elle allume une bougie en souvenir de Laurent. Il y a beaucoup d'ombres autour d'elle, elle ne peut plus les compter, ceux qui sont partis parce que c'était l'heure, ceux qui sont partis trop tôt. Quand même, cette chanson ,comment se fait il que quelqu'un ait chanté San Fransisco précisemment aujourd'hui juste avant qu'elle fasse cours sur Richard Brautigan ! Etait- ce un coup monté?"
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Livre VII. Dans la constitution de l'homme, le caractère premier est la sociabilité, le deuxième l'intelligence, le troisième la faculté de ne pas juger promptement ni se laisser abuser. Pourquoi les penseurs de notre époque ne disent-ils plus de choses aussi simples ? Pourquoi la pensée est-elle devenue aussi abstraite, complexe, bavarde ? Plus elle se complexifie, plus elle s'éloigne de la vie, et moins elle aide à vivre. (p. 91)
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Il ne peut rien arriver qui n’ait été voulu par les dieux, Marc-Aurèle. Et son héritière chérie, Simone Weil : un événement passé, il ne faut pas le déplorer, il faut penser à partir de lui.
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À Paris, qui se préoccupe de savoir pourquoi vous marchez ? À Paris, on est invisible. Mais elle n’a pas grandi à Paris et elle a beau y vivre depuis qu’elle est adulte, son corps se souvient qu’à la campagne quelqu’un qui marche crève le paysage.
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Vidéo de Pascale Roze
Pascale Roze nous présente son livre " La Belle Hélène" aux éditions Stock. Rentrée littéraire janvier 2020
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2397109/pascale-roze-la-belle-helene
Notes de musique : Youtube Audio Library
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