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sur 118 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Assez tôt dans sa vie, le jeune Salman aux deux cultures indienne et britannique sait qu'il veut devenir écrivain. Si les débuts sont difficiles, ponctués de boulots inintéressants mais alimentaires voire rémunérateurs et de productions décevantes rejetées par le milieu littéraire, Salman finit par trouver l'inspiration et met plusieurs années à écrire ce qui va constituer son premier succès : Les Enfants de minuit, en outre récompensé par l'un des prix internationaux les plus convoités et prestigieux du monde littéraire anglophone. Salman vit un rêve, est enfin reconnu par ses pairs et la communauté. Nombreux sont ceux qui font l'éloge de sa prose et surtout du sujet abordé dans le roman. Après deux autres publications, Rushdie s'attèle à l'écriture d'un quatrième roman intitulé Les Versets sataniques, dont la publication en 1989 changera à jamais le cours de son existence...

Par où donc commencer ? Cette autobiographie massive à la troisième personne (avec plus de 900 pages au compteur en version poche) est littéralement passionnante. Certes, elle gagnerait à avoir quelques pages de moins - l'auteur dévoilant vraiment TOUT de sa vie et ne cachant aucune erreur, honte ou sentiment, mais également parlant beaucoup de ses amis dont on se fiche parfois un peu mais sans toutefois lesquels, on le sait, il n'aurait pu supporter la situation - mais la lecture de ce pavé reste indispensable pour comprendre l'homme, son parcours, ses ambitions et ses échecs, mais surtout un pan absolument non négligeable de l'histoire, qu'elle soit littéraire ou politique. Cette biographie est une fenêtre malheureusement ouverte sur la multitude d'évènements plus récents qui ont conduit le terrorisme islamique à une quasi habitude face à la liberté d'être et d'expression, et surtout à un quotidien marqué par ce type d'attaque contre autrui.
Ainsi Salman Rushdie revient sur ce qu'a été sa vie enfant et adolescent, puis de 1989 à 2002 (quel dommage qu'il s'arrête à 10 ans avant la publication de son histoire !! Mais je me plains finalement que ce soit trop court alors que juste avant je me plaignais que ce soit un peu trop long, quelle contradiction !!), sur les menaces constantes qui pesaient sur elle et sur son combat pour la liberté d'expression, la liberté tout court, mais également la reconnaissance de son travail littéraire au lieu de l'attention complètement bloquée sur son soi-disant blasphème.
Comme son père, l'homme est farouchement athée mais irrémédiablement intéressé par la religion, et son propos sur l'Islam d'aujourd'hui et de nombreux hommes au pouvoir en Orient et Occident est extrêmement lucide, clairvoyant et intelligent. Si j'avais vraiment pris le temps, j'aurais noté sur un cahier quantité de citations. Il fait une analyse tellement juste de la situation, toujours valable aujourd'hui car nous avons vu que nous ne pouvons TOUJOURS PAS tout dire (voire que la liberté d'expression a carrément régressé et qu'aujourd'hui on ne peut du coup PLUS tout dire) et que le politiquement correct est venu complètement censurer la parole, l'humour, la réflexion et l'interrogation de chacun sur la religion. Car la religion est devenue un terrain tabou sur lequel on ne peut plus faire de commentaire, au risque, comme l'explique si bien Rushdie, de se voir menacé de mort (voire bien évidemment tué) ; est devenue d'une certaine manière une raison légitime d'appeler au meurtre comme si cela allait de sens, comme si cela était légal, comme si cela était normal.
On assiste dans cette autobiographie à la folie de l'obscurantisme, à l'incompréhension et au suivi aveugle de commentaires de personnalités haut-placées par des millions et millions de gens qui, pour beaucoup, n'ont pas pris la peine de se renseigner face à de telles accusations, et pour beaucoup d'autres se sont vus abusés. Ce qui est fascinant, c'est de voir comment l'accusation est venue d'un chef en Iran et comment l'Iran est devenu par la suite la voix de la contestation, quel que soit l'endroit où Salman Rushdie tentait de se déplacer. Un voyage au Danemark pour recevoir un prix ? L'Iran crie au scandale. Son visa accordé en Inde après des années de boycott ? L'Iran proteste... Sans le dire, Rusdhie nous montre une mascarade pure et simple, ultra-violente et irrationnelle. La fatwa dont il fait l'objet est toujours en vigueur aujourd'hui, certains appellent toujours farouchement "tout bon Musulman à exécuter l'apostat". Cela se passe de commentaires...
En plus de découvrir ce que la fatwa a fait de sa vie, l'un des attraits majeurs de cette biographie est de revivre la création de l'oeuvre de Rushdie, des Enfants de minuit à Furie. Cette facette de ce livre est absolument fascinante, montrant les ambitions réelles et personnelles de l'auteur dans chaque roman (ou presque), le dessein caché, les évènements personnels qui se retrouvent insérés, les vraies significations derrière tel ou tel personnage ou tel ou tel passage, le but, la quête, le processus et le contexte d'écriture... C'est totalement passionnant et on en reprendrait bien un coup si on pouvait car il n'offre pas le même traitement à toutes ses productions. L'effet est immédiat sur le lecteur et lui donne très envie de lire certains d'entre eux, comme pour ma part Les Enfants de minuit, Haroun et la mer des histoires ou le Dernier soupir du Maure.
Mais surtout, la lecture de cette biographie ouvre les yeux sur Les Versets sataniques et sa compréhension en tant que lecteur. Je l'ai lu, il y a maintenant 4 ans. Et grâce à la lecture de Joseph Anton, je sais que je l'ai mal lu, que je n'en ai pas suffisamment apprécié la portée et qu'il faudrait clairement que je le relise, cette fois en ne sautant pas certains passages. La lecture de Joseph Anton m'a fait comprendre que j'avais lu Les Versets pour les mauvaises raisons, qu'il me manquait sans conteste la lecture d'autres de ces romans, car celui-ci s'inscrit dans une chronologie et un processus d'écriture indubitables (même si les romans n'ont rien à voir entre eux). J'ai donc commis la même erreur que beaucoup, en n'appréciant pas suffisamment Les Versets pour leur valeur littéraire, en le voyant majoritairement comme l'objet de tous les conflits. Certes, il n'est pas aisé de le dissocier de cette image, mais Salman Rushdie a clairement un don pour l'écriture, belle et fluide, aux sujets marquants et profonds, aux constructions néanmoins un peu difficiles mais toujours avec un but pré-déterminé. Cette biographie, ce n'est pas seulement la révélation d'années d'enfermement et de violence, c'est aussi la révélation d'un auteur, de son travail, de ce qu'il fait via ce qu'il est.
En réalité, il faudrait en fait aborder l'oeuvre de Rushdie avec Joseph Anton. A lire, sans conteste.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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"Joseph Anton, une autobiographie" est un grand et magnifique livre dont la traduction du titre commençait par une erreur : le traducteur comprend de travers le sous-titre original,, "a memoir", un mémoire (des Mémoires), non une autobiographie. Les mémoires (le traducteur ignore que le mot est masculin en français) sont un genre particulier, où le mémorialiste raconte, au détriment de sa vie privée, les effets sur lui de la grande histoire, celle des hommes et des sociétés . Il peut certes y parler de sa vie personnelle, voire intime, mais l'objectif n'est pas la confession subjective, parfois pleurnicharde, ni l'appel au voyeurisme du lecteur. Ce parti-pris de dignité se voit dès le début, puisque l'auteur emploie la troisième personne, comme César, et non la première. Ce choix grammatical n'est pas seulement une affaire de dignité, il a une résonance dans l'histoire elle-même, puisque l'auteur est dépossédé de son nom, devenu insulte, pancarte brandie, objet de haine et de meurtre rituel ("Rushdie") et doit vivre une semi-vie protégée de prisonnier ou de gardé à vue sous le nom de Joseph Anton, dont il signale sans regret le "décès" dès que les menaces des musulmans se calment. Ce dédoublement aliénant est le fond du livre, qui raconte comment Salman Rushdie reconquiert son droit de vivre sur terre que "Joseph Anton" lui déniait.


Une autre beauté, un autre intérêt de ce beau livre, sont d'ordre sociologique et politique. Salman Rushdie est membre de cette frange de la bourgeoisie anglo-indienne, extrêmement cultivée et à l'aise partout dans le monde, qui adopte pour marqueur socio-culturel des opinions politiques d'extrême-gauche. Le livre est une galerie de grandes figures de l'intelligentsia politique, intellectuelle, artistique, des pouvoirs de la gauche, de Tony Blair ou Mandela à Harold Pinter ou Vaclav Havel, et bien d'autres grands noms politiquement corrects. Nous lisons bien un livre de mémoires : Saint-Simon nous faisait voir les Grands à Versailles, et Rushdie, de même, fréquente les grands des années 1980-2000, entre Londres, New-York et Hollywood. C'est dire qu'avant l'affaire des Versets Sataniques, l'auteur était à la pointe du combat pour "les damnés de la terre", immigrés musulmans d'Angleterre par exemple. Lui-même se définit comme un "immigré", d'ailleurs. Et c'est eux, à l'instigation de l'Iran (où une révolution au nom des damnés de la terre a eu lieu) qui vont le menacer de mort pendant de longues années. Il comprend, dit-il, la mauvaise grâce avec laquelle le gouvernement Thatcher ("de droite") le protège, mais il est assez honnête pour voir et découvrir qu'une large partie de cette gauche internationale, politicienne ou intellectuelle qui est sa patrie idéologique, lui donne tort, donne raison à l'islam "des déshérités" et le voit comme un bourgeois oppresseur. Cela conduit cet auteur tiers-mondiste gauchiste à faire l'éloge de ... l'Amérique, patrie de la liberté, et à compatir avec elle aux attentats du 11 septembre, en de très belles pages finales du livre.


Enfin, ces mémoires sont une réflexion sur la littérature et sur la liberté d'expression. Ceci devrait intéresser le lecteur français de 2016, qui aura milité pour la liberté d'expression de ceux qui ont la parole (Charlie et autres) et qui aura vu les derniers attentats musulmans en date. C'est dans sa réflexion sur la littérature que le gauchisme de Rushdie subit sa plus profonde transformation : il saisit la valeur humaine de la littérature, il parle d'elle en humaniste (l'humanisme est l'ennemi n°1 de toute la gauche néo-marxiste), en termes merveilleux qui font écho à ceux de son ami Milan Kundera, romancier victime du communisme dont les essais exaltent la liberté de l'imagination et le droit de blasphémer.


Enfin, la lecture de ce livre est à conseiller à toute personne qui veut en savoir plus sur les mécanismes de peur de l'islam à l'oeuvre dans nos pays et dans nos esprits. Cette peur, Rushdie la déchiffre en particulier dans les comportements et dans le vocabulaire que les médias, vecteurs principaux de la peur, nous imposent : les mots "respect", "islamophobie" ou "colère", en particulier, avec d'autres éléments de langage, font l'objet de remarques éclairantes.


Il y a encore une infinité de bonnes raisons de lire ce livre, dont la qualité littéraire et la profondeur d'écriture survivent bon an mal an à la traduction. J'ai insisté sur les aspects socio-politiques de ces Mémoires, au détriment d'autres facettes. Je suis habituellement opposé aux trop longues critiques, paraphrases et étalages, mais je crains d'avoir été trop long moi-même.
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Voilà un livre essentiel! Long certes bien qu'il ne couvre qu'une période relativement courte (14 février 1989~ septembre 2001) mais c'est un autobiographie de Salman Rushdie en même temps qu'une histoire parallèle de notre temps, un essai sur l'obscurantisme et la façon d'en sortir, une histoire d'amours, un ouvrage important pour comprendre l'oeuvre de Salman Rushdie, le témoignage d'un homme de qualité, lucide, philosophe, drôle et franc dans notre époque de faux semblants.
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Salman Rushdie nous raconte les dix ans de vie à endurer la fatwa décernée contre lui et plus encore, puisqu'il nous raconte son enfance, sa vie, son amour de la littérature.

Alors bien sûr, c'est long. L'auteur l'écrit lui-même à un moment : avec cette autobiographie, il est retombé dans son travers de produire plus de 250.000 mots. Effectivement, le livre m'est apparu rempli d'arabesques et d'entrelacs. Mais l'écriture est fluide et agréable. Elle nécessite peut-être quelques aires de repos. Ce livre ne se lit pas d'une traite.

L'auteur cite nombre de noms de la littérature internationale et de personnes plus ou moins importantes qu'il a rencontrées pendant cette période. Cela peut lasser. Mais il ne faut pas oublier que l'ouvrage est avant tout une ode à la liberté d'expression et que Salman Rushdie a voulu remercier toutes les personnes qui ont eu le courage de le soutenir, de l'héberger et de rester à ses côtés tout le long de ce périple.

Comme le souligne l'auteur, d'autres écrivains ont eu depuis lors à pâtir du manque de liberté d'expression accordé à la littérature par certaines communautés ou Etats. le soutien à ce livre et à cet auteur se justifie donc pleinement. Surtout que certes la fatwa a pris fin, en ce sens qu'elle a cessé d'être soutenue par l'Iran dans un certain langage officiel. Cela n'immunise en rien de l'acte d'un fanatique.

Cette lecture m'aura en tout cas donné l'envie de lire ces fameux 'Versets sataniques', surtout qu'il semble que le lecteur ne peut être que déçu de n'y point trouver la moindre odeur de souffre. Je me demande combien des accusateurs et des calomniateurs de Salman Rushdie avaient lu son livre. A mon avis, le chiffre ne doit pas être impressionnant.

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Autobiographie parue en 2012 où Salman Rushdie raconte les 13 années de Fatwa suite à la parution des Versets Sataniques. La condamnation est lancée par Khomeiny le 14 février 1989, et Rushdie entre alors dans la clandestinité, sous le nom de Joseph Anton (en hommage à Conrad et Tchekov). Bien que né en Indes, il est citoyen britannique et bénéficie de la protection de la police, ce qui lui est sans cesse reproché par les tabloïds. Il essaie de continuer à écrire (et y arrive !), à voir son fils (il est en train de divorcer), il rencontre même sa nouvelle femme et va avoir un deuxième enfant... son traducteur japonnais est tué, son traducteur italien sévèrement blessé, son éditeur hollandais également, la menace n'est pas virtuelle ! On ne s'ennuie pas une minute, c'est parfois très drôle, le plus souvent passionnant, avec une reflexion sur l'intolérance et le pouvoir de l'écriture. On y découvre également toute une communauté d'écrivains (Paul Auster, Gunter Grass, ...), et même de chanteurs (Bono de U2!) qui se soutiennent.
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Un grand livre sur la liberté et l'intolérance
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brillante analyse des méthodes du terrorisme islamique;autobiographie interessante avec quelques longueurs en particulier sur ses rapports avec les écrivains anglophones;
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Une autobio passionnante, 700 pages qui se dévorent ! Salman Rushdie nous decrit sa vie radicalement transformée par l'édiction de la fatwa en 1989. Engagements litteraires et politiques, ses femmes et ses fils, toute une période (13 ans !) que peu d'entre nous auraient pu supporter. Un grand homme, un grand romancier surtout !
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