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A. Nasier (Traducteur)
EAN : 9782266098045
700 pages
Pocket (02/03/2000)
3.54/5   445 notes
Résumé :
Un jumbo jet explose au-dessus de la Manche. Au milieu de membres humains éparpillés et d’objets non identifiés, deux silhouettes improbables tombent du ciel : Gibreel Farishta, le légendaire acteur indien, et Saladin Chamcha, l’Homme aux Mille Voix. Agrippés l’un à l’autre, ils atterrissent sains et saufs sur une plage anglaise enneigée.
Gibreel et Saladin ont été choisis pour être les protagonistes de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Mais par qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (69) Voir plus Ajouter une critique
3,54

sur 445 notes
En commandant les Versets sataniques, vous n'êtes jamais perdant : si le livre est bon, vous aurez passé un bon moment ; sinon, il vous reste toujours la possibilité d'assassiner l'auteur, et d'empocher les 3,3 millions de dollars de prime promis par l'Iran, ce qui devraient largement compenser les frais d'achat du livre.

De quoi parle ce livre exactement ? C'est assez difficile à définir. L'histoire tourne autour de deux hommes, Gibreel, acteur indien célèbre, et Saladin, doubleur de voix expatrié en Angleterre. Seuls survivants d'un accident d'avion, le premier s'identifie à l'archange Gabriel, tandis que le second subit quelques transformations désagréables, comme la pousse de cornes, de queue, ou des sabots à la place des pieds. Leur opposition prolongera le combat éternel entre le Bien et le Mal.

À partir de là, Rushdie laisse son imagination vagabonder, toujours à la frontière du réel et du merveilleux : problèmes familiaux, déchirement des émigrés, réécriture personnelle de la rencontre entre l'archange Gibreel et le prophète Mahound/Mahomet, péripéties d'une secte moderne qui pense pouvoir rejouer la séparation des eaux de Moïse, … Quand j'ai tenté de résumer le livre à quelques amis curieux, j'ai dû me contenter d'une succession de demi-phrases inachevées, à chaque fois convaincu que je n'avais pas choisi la bonne approche pour le décrire.

Peut-on comprendre la colère qu'a suscité ce livre (en admettant que ceux qui s'estiment offensés l'aient effectivement lu) ? Encore une fois, difficile de répondre de manière tranchée. D'un côté, Rushdie se place dans une « réalité parallèle » dans une bonne partie de son livre, notamment pour parler de la religion : le nom du prophète, ainsi que des éléments biographiques, sont modifiés et des passages sont clairement issus de sa seule imagination. D'un autre côté, ces petits changements n'empêchent pas de savoir de qui on parle. Toujours est-il que je serais curieux de savoir pour quelles raisons précises ce livre a été condamné, car elles ne me semblent pas évidentes du tout.

En ce qui me concerne, je laisserai la prime de côté pour l'instant, car j'ai passé un très bon moment avec ce livre. Son histoire mouvementée ne doit pas le réduire à un livre contre, ni même sur la religion. Rushdie nous entraîne dans un imaginaire très personnel, riche et complexe. de quoi donner envie d'en découvrir plus avec un second livre.
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Oubliez tous les scandales liés à la connerie de quelques excités qui ne supportent pas qu'on évoque leur croyance autrement que comme une vérité immuable. Ne lisez pas "les versets sataniques" en espérant y trouver un texte polémique. le roman de Rushdie n'est pas un pamphlet. le roman de Rushdie, c'est de la grande et belle littérature.

Bien sûr, la religion est un des thèmes du livre. Mais c'est loin d'être le seul, une multitude de sujets sont abordés. "Les versets sataniques" m'apparait avant tout comme un roman sur le thème du déracinement, de l'identité. Les personnages qui peuplent le récit sont tiraillés entre leur identité d'origine et leur culture d'adoption. Cette dualité les enrichit, les inspire, les déchire, les transforme aussi. Ce sujet, intemporel, universel, est magnifiquement traité de façon originale.

Le roman fourmille de références culturelles, historiques. le récit, touffu, dense, promène le lecteur d'une époque à une autre, d'un bout du monde à l'autre, du monde réel au monde des rêves des personnages. On s'y perd parfois un peu. "Les versets sataniques" est une lecture exigeante qui demande au lecteur une forte implication. Mes conditions de lecture ne sont pas vraiment optimales pour ce genre d'oeuvres (je lis principalement dans les transports en commun) et j'avoue ne pas avoir tout saisi. Mais j'ai adoré me laisser porter par cette histoire riche et intense et par l'écriture de Rushdie. Je ne connais pas la littérature indienne, et même si Rushdie écrit en anglais, son récit et son écriture m'ont semblé correspondre à l'idée que je me fais de l'Inde : foisonnement, couleurs, poésie, chaleur, violence aussi...

"Les versets sataniques" est un roman envoutant et admirablement bien écrit qui m'a donné envie de découvrir d'autres oeuvres de l'auteur.

Challenge Pavés 2016 - 8
Challenge Atout prix 2016 - 5 (prix Whitbread 1988)
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Le Prix Nobel m'intéresse beaucoup et je suis les différents favoris au fil des années et notamment ceux qui sont souvent cités et jamais récompensés. L'hypothèse de voir Salman Rushdie l'obtenir me semblait pouvoir être un signal politique fort, mais je craignais que cela ne se fasse que pour cette raison et pas sur des critères littéraires qui restent pour moi les plus importants pour ce prix... Après l'avoir enfin lu pour me faire mon avis propre... je ne comprends maintenant pas comment l'Académie a pu passer à côté... à part si cela signifie une volonté politique, et là ce serait encore plus triste et dommageable.

En effet, l'écriture de Rushdie est foisonnante, son récit baroque, son style recherché, accouchant de formules fortes, de néologismes brillants. Il sait nous embarquer pour une épopée de plus de 700 pages sans jamais nous lasser, en menant de front un tableau brillant de son époque et un suspense haletant. Il est même terriblement actuel pour un livre publié en 1988, puisqu'on y retrouve toutes les problématiques de notre époque, presque 35 ans avant... ou alors est-ce notre monde qui stagne depuis 35 ans.

A la lecture, on ne peut évidemment s'empêcher de rechercher les raisons de la fatwa qui s'est abattu sur lui... et on ne peut aboutir à mon avis qu'à une seule justification : l'humour. En effet, Rushdie prend comme il l'a lui-même dit la précaution du récit indirect quand il s'agit de retranscrire (dans 100 pages sur les 750 que compte le livre) sa vision de l'histoire de Mahomet. Il décrit le rêve d'un de ses personnages principaux et concernant un certain Mahound, récit indirect donc et "anonymé". Quand on connait un peu la "vraie" histoire, on se rend compte qu'il y est vraiment fidèle... tout en maniant l'ironie. Et on découvre donc suite à sa condamnation que, au delà de la représentation iconique du Prophète, c'est la vision ironique et humoristique qui est interdite par les islamistes. C'est d'ailleurs le point commun avec la tristement célèbre affaire de Charlie Hebdo qui mènera à l'assassinat d'une grande partie de sa rédaction : l'humour. On meurt d'avoir fait rire.

Mais passé cette curiosité (malsaine ?) sur ce qui a fait de ce livre le phénomène médiatique qu'il est devenu, il ne faut définitivement pas l'y réduire. Ce livre est un pur bijou de littérature, un livre puissant et utile. L'histoire personnelle de Rushdie, musulman ayant grandi dans un pays où se confronte une religion monothéiste importée et une religion polythéiste traditionnelle le place dans la position idéale pour observer les questions religieuses actuelles. Et son émigration vers l'Angleterre lui apporte en plus la vision occidentale qui complète le tableau. Son choix de deux acteurs pour les personnages principaux, symboles des incarnations multiples, lui permet également d'aborder la question de la réincarnation, de la résurrection. Les différents concepts sont très intelligemment et finement évoqués, et la question religieuse n'est même pas la seule qui est discutée, les rapports homme-femme, les relations familiales, l'immigration et l'exil, la quête d'identité sont tour à tour mises sous le microscope, notamment par le biais d'une galerie foisonnante de personnage, hauts en couleurs mais qui parviennent à travers une certaine caricature à une vérité humaine profonde.

A l'heure où une ancienne membre de la rédaction de Charlie Hebdo est nommée pour le prochain prix Nobel de la paix, on peut y voir un signe intéressant que l'Académie semble disposée à des signes forts face à une menace destinée à nous empêcher de rire de tout, et Rushdie pourrait enfin accéder à une récompense qu'il mérite tant. Dépêchez-vous car on sait que le Prix Nobel est réservé aux vivants...et qu'il vit en sursis depuis tant d'années.
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Chronique à ne pas lire si vous souhaitez lire ce livre en le découvrant pleinement car j'y évoque dans les grandes lignes quelques points de l'intrigue.

Décidément, je semble avoir un sérieux penchant pour les romans riches et complexes. Les Versets Sataniques, c'est le genre de roman dont on peut être certain qu'on ne s'ennuiera pas à la relecture, bien au contraire, on risque probablement d'y découvrir de nouveaux détails, de nouveaux clins d'oeil, de nouvelles pistes de réflexion.
Lire ce roman nécessite de gros efforts intellectuels tant sur le plan de la concentration que de la réflexion.
Comprendre, voilà le défi qu'on se lance en se plongeant dans les pages de l'oeuvre de Rushdie, comprendre ce qu'il a voulu dire, comprendre en quoi ça a pu choquer et provoquer les évènements que l'on connaît, cette fatwa lancée par l'ayatollah Khomeini, ces assassinats ( les traducteurs italiens et japonais, le recteur de la mosquée de Bruxelles), émeutes et manifestations, autodafés, sans parler de l'impact sur la vie de Rushdie et sa famille.

Un avion à destination de Londres explose en plein vol à la suite d'une attaque terroriste. Deux hommes survivent : Gibreel Farishta et Saladin Chamcha. le premier est un acteur très célèbre en Inde, une véritable icône de Bollywood. le second, indien également, vit en Angleterre et travaille dans le doublage de voix. Tous deux survivent à l'explosion mais non sans conséquences. Saladin voit son corps se métamorphoser : cornes, poils drus sur tout le corps, queue, sabots. Face à cette incarnation du Cheytan ( le Diable), Gibreel, qui avait perdu la foi, est victime de rêves curieux et d'hallucinations, le voilà dans la peau de l'Ange Gibreel, l'Ange de la révélation des versets coraniques au prophète Mahound.

Non, je ne me suis pas trompée, c'est bien ainsi que le nomme Salman Rushdie. Car entre les chapitres relatifs aux aventures des deux personnages principaux, Rushdie nous emmène, à travers les rêves de Gibreel, au temps des débuts de l'Islam et nous transmet donc de façon romancée la légende, rapportée par Tabari, des versets sataniques, épisode très controversé et non authentifié de l'histoire de la Révélation.

Du fait qu'il s'agisse d'une légende, Salman Rushdie a modifié certains points comme le nom du prophète, ici Mahound, le nom de la ville de la Mecque, ici Jahiliya ( qui désigne en réalité la période préislamique, celle où , à La Mecque, on vénérait les idoles), le nom du principal adversaire du prophète Abou Sofiane, ici nommé Abou Simbel en référence aux temples égyptiens dédiés au culte du pharaon Ramsès II ( le pharaon supposé avoir chassé Moïse et les Juifs d'Egypte).
Il est donc indispensable pour comprendre pleinement ces chapitres de bien connaître l'histoire du prophète et de l'Islam à ses débuts. D'autant plus qu'il y a certaines choses qui sont erronées, je ne sais pas du tout si c'est intentionnel ou non. Mais je le précise afin que les futurs lecteurs ne prennent pas tout pour argent comptant. Il s'agit d'une version fictionnelle et modifiée pour les besoins du roman de la vie du prophète Muhammad.

Londres, La Mecque mais aussi la pampa argentine, Bombay et l'Inde, l'Himalaya et l'Everest, autant dire que l'auteur nous fait voyager. On est trimballé dans le temps, dans l'espace sans ménagement. Ce roman foisonne donc de lieux, mais aussi de personnages, de thèmes, de réflexions, d'évènements, de références culturelles aussi bien historiques que religieuses, mythologiques et littéraires ( les Mille et une nuits en particulier mais bien d'autres également). La construction et le style n'aident pas le lecteur à s'y retrouver. Salman Rushdie semble s'amuser à nous désorienter, passe d'un sujet à l'autre sans crier gare, nous ressort un détail évoqué quelques 300 pages auparavant ( et on se casse la tête à le retrouver parce que, bon, mince, ça nous dit quelque chose ça, c'était où, qui, comment ? zut quoi !) Comment ça je n'étais pas assez concentrée ?? Je vous mets au défi de lire ce roman sans vous y perdre ne serait-ce qu'une fois ! Mais, heureusement, j'aime ça, ça m'amuse autant que l'auteur qui a su me surprendre plus d'une fois et qui a l'art et la manière de nous faire devenir chèvre (ou bouc ?) en ménageant ses effets tel un magicien.

Un magicien qui sait ce qu'il fait ( Rushdie a travaillé 4 ans sur ce livre), tout est réfléchi, rien n'est anodin. A l'exemple de cet épisode où Gibreel rêve d'un petit village indien dont les habitants sont envoûtés par une jeune femme – prophétesse qui les convainc de partir en pèlerinage à La Mecque à pied et que pour cela, Dieu fera s'ouvrir la mer devant eux. Vous riez ? Eh bien, sachez que Rushdie s'est inspiré d'un fait réel ( daté de 1983 et les pauvres bougres sont tous morts noyés). de nombreux éléments du roman trouvent leur origine dans la réalité, le personnage de Gibreel Farishta fait référence à un célèbre acteur indien en vogue à l'époque, l'une de ses hallucinations mettant en scène un imam exilé opposé à une impératrice dont il prend la place au lendemain d'une révolution est une allusion évidente à Khomeini et la révolution iranienne de 1979. le contexte politique et social de l'Angleterre est également très présent, notamment la question de l'immigration.

« Alors c'est comme ça que vous accueillez les nouveaux venus. Pas comme des égaux, mais comme des gens qui doivent faire ce qu'on leur dit. »

Les Versets Sataniques, c'est le roman de l'adversité, de la lutte : les musulmans contre les incroyants, le fils contre le père, le mari contre sa femme, le blanc contre le noir, le Bien contre le Mal …Roman de la lutte et de tout ce qui s'y rattache : la vengeance, la trahison, la jalousie, le pardon. Et Salman Rushdie de nous montrer que rien n'est tout blanc ou tout noir, il détruit des préjugés à travers l'exemple de cette famille indienne musulmane établie en Angleterre dont le père est un croyant fervent. On pourrait supposer son épouse soumise ( gros cliché très courant concernant les musulmanes) mais bien au contraire, c'est une vraie matrone ! Ses filles sont la parfaite illustration de l'intégration aux moeurs occidentales.
Salman Rushdie dénonce l'intolérance, le racisme, le fanatisme religieux. Mais à travers Saladin, celui qui se voulait plus britannique que les britanniques, il montre le conflit intérieur dû à la confrontation entre deux cultures.

Je m'arrête là car je pourrais en parler encore pendant des pages et des pages. Et pourtant, j'avais effectué une première tentative de lecture, soldée par un abandon au bout du premier chapitre. Un chapitre plutôt farfelu, qui, associé au style très libre de Rushdie, m'avait effrayé.
Cette fois-ci, je suis allée au bout et j'ai véritablement adoré ma lecture. On oscille entre rêve et réalité, on se sent parfois perdu mais Salman Rushdie nous ramène toujours vers le chemin. On sent qu'il a mis de lui dans ce roman ( dans lequel il s'est attribué un rôle bien précis), sa propre expérience nourrissant son propos.

Etant musulmane reconvertie et confrontée moi aussi à deux cultures, ce roman a pris pour moi beaucoup de sens. Oui, c'est vrai, Salman Rushdie malmène le prophète et la religion musulmane mais je n'ai pas senti de haine ni de volonté clairement affichée de l'attaquer de la part de l'auteur. C'est surtout le fanatisme et l'extrémisme qu'il pointe du doigt.
Premièrement, il s'agit d'un roman, d'une fiction et deuxièmement, il évoque des points sur lesquels n'importe quel croyant a pu se poser des questions. D'ailleurs, le Coran invite très souvent le croyant à raisonner et réfléchir. Comment réfléchir sans se poser de questions et donc douter ?
Et puis très sincèrement, je vois des commentaires dans les médias bien plus irrespectueux et insultants envers l'Islam que ce qu'a écrit Salman Rushdie dans ce livre. Mais je pense qu'il est tout de même primordial de bien connaître les bases de l'Islam et de son histoire avant de commencer la lecture de ce roman.

Les Versets Sataniques restera assurément pour moi un roman inoubliable, une grande expérience littéraire à renouveler.
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Pris en otage par des terroristes, le jumbo jet Bostan, vol Bombay-Londres AI-420, explose en plein vol ne laissant aucun espoir aux voyageurs. Pourtant, deux hommes survivent : Gibreel Farishta et Saladin Chamcha. le premier est un célèbre acteur de Bollywood, une star adulée par le public indien, le second est un comédien lui aussi, installé en Angleterre où il vit du doublage de voix, la peau sans doute trop sombre pour obtenir un vrai rôle. C'est en chantant que les deux hommes atterrissent sur une plage anglaise, sauvés de l'explosion, mais transformés pour toujours. Gibreel devient l'ange Gabriel tandis que Saladin, affublé de cornes, de sabots et d'une queue, devient Cheytan, l'incarnation du diable sur terre.

Ainsi commencent Les versets sataniques qui avant même la parution officielle auront fait couler beaucoup d'encre et de sang. Inutile de revenir sur la fatwa, les autodafés, les exécutions, les attentats qui furent le fait d'extrémistes illuminés s'étant sentis humiliés et méprisés, par cette oeuvre, selon eux, anti-islamique et blasphématoire. Pour le profane, le livre se présente comme un conte, à caractère religieux certes, mais qui évoque aussi des sujets universels comme la lutte entre le Bien et le Mal, l'exil, le déracinement, la famille, le racisme, l'amour, la vie, la mort, la foi, etc.
Teintée d'onirisme et de réalisme magique, l'oeuvre, complexe, tourbillonnante, difficile d'accès, puise aussi ses sources dans la réalité. Salman Rushdie s'est inspiré de faits réels pour nourrir son roman, à commencer par l'attentat contre un avion d'Air India en 1985. On y croise aussi l'ayatollah Khomeini sous les traits d'un religieux dévorant son peuple, ou encore des fanatiques chiites persuadés que la mer s'ouvrirait devant eux comme devant Moïse et morts noyés en 1983. Mais bien sûr, le coeur du sujet est la vie et l'oeuvre du prophète Mahomet et l'épisode controversé des versets sataniques. Rebaptisé Mahound, le prophète est à Jahiliya (La Mecque) où il tente d'imposer le monothéisme quand Satan, sous les traits de l'ange Gabriel, le convainc d'accepter au côté de Dieu, les trois déesses vénérées dans la ville. L'épisode de cette concession au polythéisme qui met en cause un Dieu unique est vivement controversé par les musulmans et c'est ce qui a mis le feu aux poudres, plongeant l'écrivain dans le chaos d'une vie sous la menace d'une fatwa décrétée par un ayatollah iranien. Pourtant, Rushdie a bel et bien écrit un ROMAN qui laisse la place à son imagination foisonnante, certes inspirée par les mythes et légendes propres à sa religion, mais qui doit avant tout être lu comme une histoire inventée et non un pamphlet ou une exégèse.
Si l'on se détache des polémiques, il reste une vraie aventure littéraire, une montagne difficile à gravir qui nécessite une attention constante et qu'on referme avec la satisfaction, voire la fierté, d'en avoir atteint le sommet.
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critiques presse (1)
LeFigaro
26 juin 2023
Victime d'une agression au couteau il y a quelques mois, l'auteur des Versets sataniques va recevoir, à 75 ans, un des plus prestigieux prix littéraires internationaux.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (69) Voir plus Ajouter une citation
SOUVENIRS (JDD 2022-08-14)
Gilles Paris a été pendant dix ans l’attaché de presse français de Salman
Rushdie. Il raconte ici une discrète et féconde complicité.

C’est en 1995 que je rencontre Salman Rushdie. À 36 ans, je dirige le service de presse des éditions Plon, qui s’apprêtent à publier son cinquième livre, Le Dernier Soupir du Maure, retraçant l’histoire à Cochin et à Bombay de quatre générations de la famille du narrateur, Moraes Zogoiby dit « le Maure ». Cet épais roman paraît sept ans après Les Versets sataniques. Je passe plus de temps Place Beauvau à préparer sa venue qu’au bureau. Une enquête sur le terreau islamiste français ne nous laisse guère de choix quant à l’ampleur de sa protection. Six voitures, dont une blindée dans laquelle je serai seul à l’accompagner, et deux motos qui ouvrent le cortège. Un vigile se tient à la porte d’entrée du 76, rue Bonaparte – adresse de l’éditeur – et vérifie l’identité de chaque visiteur.

Le jour de son arrivée, nous allons l’accueillir à l’aéroport, son éditeur Ivan Nabokov, Sylvie Audoly, son adjointe, et moi. Nous traversons la piste dans un fourgon de police qui s’arrête au pied de l’avion, d’où descend, seul, Salman Rushdie. À peine a-t-il franchi la dernière marche que les policiers l’escortent jusqu’au véhicule. À Paris, j’ai choisi un hôtel tranquille rue des Beaux-Arts, avec une seule entrée. Il occupera une suite donnant sur une vaste terrasse. J’ai apporté une petite chaîne, quelques CD de U2 (deux ans plus tôt, il a rejoint Bono sur scène à Londres) et de pop anglaise.

Les journées sont chargées en entretiens. L’homme est extrêmement courtois, il accepte tout le programme sans broncher. Il souhaite alléger la protection, trouvant ce cortège très exagéré. Pour lui, c’est une victoire du camp adverse et elle entrave sa liberté. Le Raid a envahi l’hôtel. Chaque valise est ouverte dans le hall, les touristes s’agacent de la procédure. Le premier salon est rempli de policiers. Au dernier étage, chaque visiteur est fouillé. Le Raid a même pris position sur le toit.

Chaque matin, nous prenons un café dans sa suite, et je lui explique le programme de sa journée. Je lui détaille ce qui l’attend. Il connaît la plupart des journalistes littéraires et, à voir leurs mines réjouies en sortant de la suite, ils sont satisfaits de leur rencontre. Pour Télérama, il accepte de se vêtir d’un drapeau américain, photo virale qui fera la une du magazine. Salman Rushdie est généreux dans ses entretiens, autant qu’il est attentif à mes recommandations. Je maudis à mon tour ce cortège de six voitures. Le danger, s’il existe, me semble virtuel.

Pourtant, le 12 février 1989, cinq personnes ont été tuées par la police pendant une manifestation contre Les Versets sataniques à Islamabad (capitale du Pakistan). Hitoshi Igarashi, le traducteur japonais, a reçu plusieurs coups de couteau mortels en 1991. En 1993, c’est l’éditeur norvégien du livre, William Nygaard, qui a été blessé de trois balles dans le dos. Cette même année, le traducteur turc, Aziz Nesin, échappe à un incendie criminel qui cause la mort de 37 personnes. Lorsque Salman me demande de voir une amie au Café de Flore, à la suite d’un entretien annulé, j’use de stratagèmes pour déjouer l’attention des membres du Raid. L’un des serveurs de ce café prévient des photographes qui bientôt se pressent pour saisir l’instant.

Le soir sont souvent organisés des dîners en son honneur. Je lui fais rencontrer en 1999, à l’occasion de la parution de La Terre sous ses pieds, le journaliste Philippe Manœuvre, avec lequel il va partager ses goûts musicaux puis faire la cover de Rock & Folk. Ainsi que Marie-France Pisier, qui lira des extraits de La Terre sous ses pieds à Beaubourg.

De livre en livre, à Paris ou à Londres, je suis heureux de le retrouver. Il est amical, se souvient encore de la chaîne et des CD dans sa suite rue des Beaux-Arts. Au fil des livres, la sécurité s’est allégée. Lors de la parution de son dernier ouvrage, une seule moto l’accompagne dans ses déplacements.

Deux ans après cet ultime lancement, je reçois un e-mail de Salman. Il vient à Paris avec son fils, et souhaite l’emmener à Eurodisney. Je lui organise une visite privée, un jour sans public, où ils vont pouvoir profiter du lieu. Il me remercie chaleureusement.

C’est le fil ténu et assez exceptionnel d’une amitié distanciée, souvenir d’un travail commun, où je n’ai jamais cessé de le considérer comme l’écrivain qu’il est, et non comme un homme sur lequel pesait une fatwa.

GILLES PARIS


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Il regardait beaucoup la télévision d’un œil, en sautant d’une chaîne à l’autre, car lui aussi appartenait à la culture actuelle de la télécommande comme le gosse porcin du coin de la rue ; lui aussi pouvait comprendre, ou au moins avoir l’illusion de comprendre, le monstre vidéo composite qu’il faisait naître en appuyant sur un bouton… quel rouleau compresseur cette télécommande, le lit de Procuste du XXe siècle ; il découpait le lourd en tranches fines et aplatissait le léger jusqu’à ce que toutes les émissions, publicités, meurtres, jeux télévisés, les mille et une joies et terreurs du réel et de l’imaginaire, aient acquis un poids égal.
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L'Être Suprême ne se montre jamais ; ce qui revient sans cesse c'est cette scène, le Prophète envoûté, l'expulsion, le cordon de lumière, et Gibreel dans son double rôle à la fois en-haut-observant-en-bas. Et tous deux à moitié morts de peur par cette transcendance. Gibreel se sent paralysé par la présence du Prophète, par sa grandeur, il se dit je suis incapable de prononcer une parole j'aurais l'air d'un sacré imbécile. Le conseil de Hamza : ne montre jamais ta peur : les archanges ont autant besoin de ce conseil que les porteurs d'eau. Un archange doit avoir l'air calme, que penserait le Prophète si l'Exalté de Dieu commençait à bafouiller de trac ?
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La condition humaine,mais quelle est la condition des anges?A mi chemin entre Allahbonne et homo sapiens,ont-ils jamais douté?Oui:défiant la volonté de Dieu,un jour, ils se sont cachés sous le trône,osant poser des questions interdites,des antiquestions:Est-ce juste.Ne pourrait-on pas en discuter.La liberté,la vieille antiquête.Evidemment il les a calmés en employant ses dons de drigeant de dieu.Il les a flattés:vous serez les instruments de ma volonté sur terre à propos des salutdamnations de l'homme et tout l'habituel etc.Et hop presto, fin de la revendication,on remet les auréoles et au boulot.Les anges(...)fais-en tes instruments et ils joueront ta musique à la harpe(...)les êtres humains sont plus coriaces(...)La volonté,c'est ne pas être d'accord,ne pas se soummettre...
"Je sais;parole de diable,chaytan,interrompt Gibreel.
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Flottant sur un nuage, Gibreel pensa que le flou moral des Anglais venait de la météorologie. « Quand il ne fait pas plus chaud le jour que la nuit, raisonna-t-il, quand la lumière n'est pas plus claire que l'obscurité, quand la terre n'est pas plus sèche que la mer, alors il est évident que les gens perdent le pouvoir de faire des distinctions, et commencent à tout considérer – partis politiques partenaires sexuels croyances religieuses – comme du pareil-au-même, rien-à-choisir, à-prendre-ou-à-laisser. »
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Vidéo de Salman Rushdie
« Il était essentiel que j'écrive ce livre : une manière d'accueillir ce qui est arrivé, et de répondre à la violence par l'art. »
Pour la première fois, Salman Rushdie s'exprime sans concession sur l'attaque au couteau dont il a été victime le 12 août 2022 aux États-Unis, plus de trente ans après la fatwa prononcée contre lui. le romancier lève le voile sur la longue et douloureuse traversée pour se reconstruire après un acte d'une telle violence ; jusqu'au miracle d'une seconde chance.
Pour accompagner la parution de ce livre inédit, Salman Rushdie a accordé à La Nouvelle Revue Française un entretien exclusif. Nous vous invitons à le découvrir dans son intégralité en librairie ou en version numérique sur notre site.
Découvrez l'entretien https://www.lanrf.fr/products/il-etait-une-fois-entretien
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