Quel beau livre ! Quand on referme L'enchanteresse de Florence, on reste un temps rêveur, les yeux dans le vague, toujours pris dans l'ambiance pleine de merveilleux et de fantaisie de ce livre.
L'enchanteresse de Florence est un livre inracontable : il faut le lire pour en découvrir tout le charme. Tout au plus peut on dire qu'il se déroule à la fois en Inde et en Italie (à Florence plus exactement), dans ce XVIè siècle qui est celui des débuts de la Renaissance en Europe et de la naissance, cette fois, de l'empire moghol en Inde.
On y croise des princesses orientales - sublimes, forcément sublimes -, des mercenaires italiens - simples soldats ou condotierri-, et puis des voyageurs, des marchands et toute la cour de l'empereur Akbar.
Dans ce roman, Salman Rushdie est une version masculine et moderne de Shéhérazade : il nous charme avec ses histoires qui s'emboîtent, pleines de poésie et de fantaisie, servies par une écriture magnifique.
Assurément, un grand livre par un grand écrivain.
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Nous commençons par un voyage. Celui d'un homme qui se fait appeler Mogor dell'Amor ou encore Niccolo Vespucci. le but, est la cour du grand Moghol, Akbar. Nous sommes au XVI siècle et le monde est encore vaste, et rempli de mystères. Niccolo n'hésite pas sur les méthodes qui doivent lui permettre d'arriver à son but, il vole, et usurpe le titre d'ambassadeur de la reine d'Angleterre pour approcher le monarque, à qui il veut raconter une curieuse histoire. Celle d'une princesse, tante d'Akbar qui a aussi beaucoup voyagé, jusqu'à Florence.
Au début totalement incrédule, Akbar découvre qu'une femme de sa famille dont il n'a jamais entendu parlé a réellement existé. Elle devient la princesse cachée, qui suscite les rêves, attise les convoitises. le peintre chargé de fixer son histoire avec son pinceau disparaît dans un de ses tableaux pour la rejoindre. Akbar lui-même qui aime plus les femmes qu'il imagine que celles qui peuplent son harem, succombe à son charme. La vie chatoyante de l'enchanteresse se déroule sous nos yeux, mais certaines choses devraient mieux rester dans l'ombre.
Un très beau livre, qui prend un peu l'aspect d'un conte, avec des récits enchâssés les uns dans les autres, où on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est rêve, le rêve étant parfois plus solide que le réel. Entre l'orient et l'occident, un récit fastueux et magique se déroule, dans lequel rien n'est complètement vrai ni complètement faux, ni complètement certain. Un joli voyage dans le temps, l'espace et l'imaginaire.
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Ce livre s'enroule dans ces choses toutes simples mais si incroyablement compliquées qui habitent l'espace entre le vrai & le faux : les histoires.
Les histoires qui étourdissent, les histoires qui séduisent. Les histoires qui viennent de loin. Celles qui sont délicieusement odorantes, qui montent à la tête, qui changent le cours des choses. Les histoires qui sauvent des vies. Les histoires qui n'arrangent rien du tout. Celles qui mentent & qui dissimulent, qui trempent leurs secrets dans l'exotisme en espérant les cacher. Les histoires d'amour & les histoires de vengeance & les histoires d'aventure & les histoires qui ne sauraient pas dire exactement ce qu'elles sont. Les histoires qui bercent, celles qui secouent. Celles qui font semblant de tout comprendre. & surtout, surtout, les histoires qu'on raconte pour parler de nous sans trop en avoir l'air.
Ce livre est plein à craquer d'histoires, & chacune a besoin des autres pour prendre tout son sens. Est-ce qu'il peut y avoir quelque chose de plus merveilleusement délicieux qu'un récit construit comme ça?
(Réponse : non.)
Au palais de l'empereur Akbar, quelque part au XVIe siècle, dans ce qui serait aujourd'hui l'Inde, arrive un étranger très blond, au manteau multicolore, prestidigitateur & au moins un peu menteur, voleur de petits trésors & ensorceleur à sa façon. Ce qu'il veut d'Akbar, cependant, ce n'est qu'une toute petite chose : qu'il lui laisse lui raconter une histoire. Une longue histoire qui emportera l'empereur & le lecteur de l'Asie centrale à Florence, de la cale d'un bateau de corsaires méditerranéens jusqu'aux pièces secrètes des palais ottomans -- & qui mettra en scène des personnages magiques, humains, plus grands que nature, ridicules d'ordinaire, incroyables & authentiques, qui modèleront pour nous la petite & la grande histoire.
Ce roman est un baume, un remède pour tous les mauvais livres contre lesquels je me suis acharnée ces derniers temps. Une plume parfaite, ensorceleuse, mise au service d'une histoire abracadabrante, pleine de voyages & d'ailleurs, mais qui, malgré tout, parle de ces toutes petites choses que tout le monde connaît -- l'amour, la maison. La famille. Une histoire qui fait le tour du monde pour revenir, dans une fin merveilleusement douce-amère, à l'incertitude, de la vulnérabilité des sentiments qui unissent les gens, & au temps qui passe inexorablement, même pour les puissants.
Énorme coup de coeur. Presque envie de relire 'Midnight's Children', tant qu'à y être.
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Le savoir ne naissait jamais simplement dans l'esprit humain, il renaissait toujours. La transmission de la sagesse d'un âge à l'autre, ce cycle des renaissances, telle était la vraie sagesse. Le reste n'était que barbarie.
Et si la foi n'était rien d'autre qu'une erreur commise par nos ancêtres ?
Peut-être n'existait-il aucune religion authentique. Oui, il était allé jusqu'à penser cela. Il aurait voulu pouvoir confier à quelqu'un son soupçon : les hommes avaient créé les dieux et non l'inverse.
""Birbal, demanda Akbar par jeu, combien de corbeaux y a-t-il à ton avis dans notre royaume ?
- Jahanpanah, il y en a exactement neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
Akbar resta interloqué.
- Imagine qu'on les fasse compter et qu'on en trouve davantage?
- Cela voudrait dire que leurs amis des royaumes voisins sont venus leur rendre visite.
- Et si on en trouve moins ?
- Alors c'est que quelques-uns d'entre eux sont partis à l'étranger découvrir le vaste monde."" (Folio poche - p.66-67)
Le drame des hommes n'est pas que nous soyons tellement différents les uns des autres, mais que nous soyons tellement semblables.
Imaginez les lèvres d'une femme qui s'arrondissent pour donner un baiser, murmura Mogor. Telle est la cité de Florence, étroite aux extrémités, gonflée au centre avec l'Arno coulant au milieu, séparant la levée superieure de la lèvre inférieure. La ville est une enchanteresse. Quand elle vous donne un baiser, vous êtes perdu, qui que vous soyez, homme du peuple ou bien roi.
« Il était essentiel que j'écrive ce livre : une manière d'accueillir ce qui est arrivé, et de répondre à la violence par l'art. »
Pour la première fois, Salman Rushdie s'exprime sans concession sur l'attaque au couteau dont il a été victime le 12 août 2022 aux États-Unis, plus de trente ans après la fatwa prononcée contre lui. le romancier lève le voile sur la longue et douloureuse traversée pour se reconstruire après un acte d'une telle violence ; jusqu'au miracle d'une seconde chance.
"Le Couteau" se lit aussi comme une réflexion puissante, intime et finalement porteuse d'espoir sur la vie, l'amour et le pouvoir de la littérature. C'est également une ode à la création artistique comme espace de liberté absolue.
Lire les premières pages du "Couteau" : https://bit.ly/3UKTBLU
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